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Il débuta par la promesse aux Étoiles: les époux s’engageaient à élever leurs enfants dans le culte de la Lumière et de la haine des Fils de la Nuit et du Froid. Il y eut un intervalle de cinq heures consacrées à la prière, puis enfin le grand banquet.

Il eut lieu à la Maison du Mariage du district. Nous fûmes plus de quatre cents à table. Tout le personnel scientifique des laboratoires de la Maison des Sages était venu, quelques-uns des Sages eux-mêmes — grand honneur que Souilik devait à sa valeur et au fait qu’il avait découvert une humanité à sang rouge. Assza était là et m’apprit que le Mislik était mort. Il vint une délégation des commandants de ksills, avec l’aide de camp de l’« amiral », vingt-sept Sinzus, dont évidemment Ulna et son frère, et une quantité de Hiss connus ou inconnus. Je vis avec surprise, à la gauche d’Essine, la jeune femme Hr’ben à peau pervenche. C’était une amie d’université d’Essine, née sur Réssan, et elle répondait au doux nom de Beichitinsiantorépanséroset. Ouf !

Je fus placé, avec mes onze compagnons, à une table située à côté de l’unique porte. Selon mon privilège, j’invitai à ma table Ulna et son frère.

On servit une multitude de plats divers, tous sous forme de gelées colorées, dont certaines me parurent délicieuses, d’autres médiocres, ou même franchement mauvaises. Les boissons étaient également variées, faiblement alcoolisées, de valeur très inégale pour mon palais. Vers la fin du repas, Zéran, le « lieutenant général » de la flotte de ksills, fit servir à Souilik le fameux aben-torne des Krens de la planète Mara. Oh ! La tête de Souilik quand il fut obligé de boire cette boisson qu’il exécrait ! Je demandai à en goûter, et fus agréablement surpris: cela rappelait un excellent et vieux whisky. Ulna et son frère furent de mon avis, et nous achevâmes la bouteille à nous trois, sous les yeux horrifiés des Hiss.

La plus franche gaieté régnait, comme il est de règle dans toute assemblée ellienne. Je n’avais pas eu à intervenir en tant que stéen-sétan et je pensais mon rôle fini quand j’entendis au-dehors une rumeur. Assza était parti, rappelé à la Maison des Sages par un travail urgent. Par la porte restée entrouverte pénétra une clameur: je me levai immédiatement, ralliai mes compagnons. Une trentaine de jeunes Hiss arrivaient en chantant une antique chanson guerrière. Ils allaient selon la coutume, essayer de pénétrer de force et d’enlever la mariée. Je devais à tout prix les empêcher de réussir pendant une demi-basike.

La bagarre fut chaude. Ils foncèrent et furent accueillis par une dégelée de coups, où ma force supérieure de Terrien fit merveille. Je n’avais pas été à pareille fête depuis les temps anciens où je jouais au rugby comme pilier, à côté de toi ! Le combat se poursuivait depuis environ un quart de basike avec des alternatives diverses, mais « l’ennemi » n’avait pas réussi à forcer le passage. Soudain, par-dessus la tête des assaillants, je vis un réob atterrir à toute vitesse. Il en jaillit un Hiss reconnaissable à sa très haute taille: Assza. Il courut vers nous en criant, mais le vacarme m’empêcha d’entendre, et Assza ne « transmettait » pas, étant trop loin. Je fonçai au milieu de la mêlée, tapant et criant: « taisez-vous, taisez-vous ! » Pendant quelques secondes de silence relatif, je pus parvenir à saisir:

« Kalvénault va s’éteindre ! Kalvénault va s’éteindre ! »

CHAPITRE III

ZÉRO CHANCE DE RETOUR

Alors, brutalement, tant sur nos assaillants que sur mes compagnons ou sur les gens du banquet, le silence tomba. Tous comprirent immédiatement. Jamais, depuis le festin de Balthazar, un tel « Mane, Thecel, Phares » ne s’était abattu à l’improviste sur une fête.

Assza nous donna quelques explications: il avait reçu durant le banquet un mot d’Azzlem lui enjoignant de rejoindre immédiatement la Maison des Sages. Là, Azzlem lui avait montré les spectrogrammes qu’il venait de recevoir de l’observatoire central du mont Arana. Pour un astrophysicien, la chose sautait aux yeux: Kalvénault présentait le spectre des galaxies maudites. La Maison du Mariage ne comportant pas de moyens de télécommunication, Assza avait immédiatement repris son réob.

Souilik s’était levé. Il approcha à pas lents.

« Si je comprends bien, dit-il, les Misliks sont sur les planètes de Kalvénault ».

Il fit une grimace et murmura:

« Cinq années-lumière. Cinq seulement !

— Que la Lumière Primordiale protège Ialthar », ajouta Essine.

Tous se turent. Je regardai les figures pâles de mes hôtes.

« Mais, dis-je, il ne doit pas y avoir longtemps qu’ils sont à l’œuvre puisque Souilik est encore allé sur Rissman il y a trois ans et n’a rien vu.

— Je suis allé sur Rissman, mais non sur Erphen, Sion et les planètes Six et Sept. Ils sont certainement sur Six et Sept. Les autres sont trop chaudes pour eux, du moins pour le moment … »

Il y eut un silence, puis Assza déclara:

« Quoi qu’il en soit, ce n’est point ici le lieu de discuter. Que le Tsérien vienne avec moi. Que ceux qui ont un poste à rejoindre le rejoignent, avant ce soir. Il n’y a pas cependant péril immédiat pour Ialthar. Nous avons des colonies sur toutes nos planètes, même les plus froides. Et les Misliks ne peuvent agir de Kalvénault sur notre soleil. Souilik et Essine, que ce jour reste votre jour. Vous viendrez nous rejoindre demain à midi ».

Nous partîmes, accompagnés par les Sinzus. Dans le réob, Assza fut plus explicite: non seulement Kalvénault semblait touché à mort, mais El-Toéa et Asselor montraient dans leurs spectres des signes inquiétants. Dès le lendemain, les Sages, en accord avec les gouvernements administratifs d’Ella, de Mars, de Réssan et le conseil de la ligue des Terres humaines, décréteraient l’état d’alerte. La situation était claire: les Misliks envahissaient le premier univers.

Comme nous survolions la Maison des Sages, sur la presqu’île d’Essanthem, nous croisâmes une escadre de ksills: une centaine, en rangs serrés, qui prenait rapidement de la hauteur. C’était un spectacle étrange que ces lentilles brillantes filant à pleine vitesse. Ils se perdirent dans le ciel bleu.

« Le premier vol de reconnaissance vers Kalvénault, dit Assza.

Combien reviendront ? Nous ignorons sur quelle planète se sont installés les Misliks, ou s’ils sont quelque part dans l’Espace interplanétaire. Pour ceux qui les découvriront les premiers, il y a à peu près zéro chance de retour ».

Il resta un moment muet.

« Souilik va être furieux. Il devait commander cette escadre.

— Quel va être mon rôle ? Demandai-je.

— Tu partiras avec la deuxième escadre, dans un ksill monté par un équipage mixte, de Hiss et de Sinzus ».

Quand nous atterrîmes à côté de l’astronef, je vis que l’escalier de coupée avait été enlevé, ainsi que tous les drapeaux extérieurs. Le monstrueux navire avait fait toilette de guerre.

Nous entrâmes directement dans la salle du Conseil. Il y avait séance plénière: les Dix-Neuf étaient au premier rang, les autres derrière eux. On me désigna une place au second rang, avec les représentants des Sinzus. Il y eut peu de mots: on n’avait point à décider de la guerre ou de la paix. Les Hiss n’avaient pas le choix, il fallait à tout prix repousser les Misliks hors du premier univers. Ensuite, on tâcherait de porter la guerre dans les galaxies maudites.

On ne pouvait songer à employer l’astronef sinzue pour le moment. Kalvénault était trop loin pour y aller en traversant l’Espace, et trop près pour le dispositif d’ahun des Sinzus. Une partie de l’équipage prendrait place dans des ksills, tandis que l’autre reviendrait sur Arbor chercher du renfort.