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Dans le sas, nos scaphandres ôtés, d’un geste rapide de la main elle m’effleura la joue, puis s’enfuit par la porte.

Je rejoignis Souilik dans le seall. Il était entouré d’Essine, d’Akéion, de Beichit et de Snezin.

« En ce qui vous concerne, voici la manœuvre. Nous allons passer dans l’ahun et sortir au ras de Sept. Nous serons accompagnés par vingt-cinq ksills à équipage mixte. Les autres attaqueront les Misliks et créeront une zone chaude sur la planète, zone où nous atterrirons. Sept gros ksills débarqueront les sahiens, dans lesquels vous monterez, vous Sinzus et le Tsérien. Ensuite nous repartirons, car nous ne pourrions supporter le rayonnement mislik, ni entretenir la zone chaude. Nous essayerons de vous soutenir d’en haut avec des bombes. De votre côté, tâchez d’atteindre et de détruire, une fois étude faite, les pylônes misliks.

Il y aura douze sahiens, dont toi, Akéion, tu prends le commandement. Ensuite, nous viendrons vous chercher dans une seconde zone chaude ».

D’un geste sec, il coupa toute communication avec les autres ksills.

« Votre sahien est le seul à être peint en rouge. J’ai l’ordre formel du Conseil de vous ramener à tout prix sur Ella. Pour les autres, nous ferons au mieux ».

Il rétablit les communications, donna les consignes. Le premier vol de ksills décolla dans le crépuscule rougeoyant. Nous suivîmes dix minutes après.

Souilik régla minutieusement un appareil compliqué:

« Notre passage dans l’ahun sera si court cette fois que mes réflexes seraient trop lents pour que je puisse assurer la manœuvre. Ce mécanisme s’en chargera. J’espère ne pas me tromper, car si nous ressortons sous la surface … Tenez-vous bien, je mets en marche ».

Loin sous nous, je pouvais voir sur l’écran du Nadir la surface désolée de Rissman. Ulna vint s’asseoir à côté de moi, je me cramponnai au bras du fauteuil. L’espace d’un éclair, l’écran fut vide. Puis se dessina sur lui le plus fantastique spectacle que j’aie encore vu.

Nous survolions une plaine bordée de montagnes noires. L’obscurité était presque totale ; bas sur l’horizon brillait un rubis: Kalvénault. Toutes les dix secondes à peu près s’allumait sur le sol un brasier étincelant, découpant le relief en ombres brutales: les bombes thermiques pleuvaient, la zone chaude allait naître. Souilik parlait avec volubilité dans le microphone, donnant ses ordres à la flotte des ksills. Loin derrière l’horizon, d’autres formidables explosions illuminaient le ciel, découpant la silhouette tremblotante de monts inconnus. Malgré moi monta dans ma pensée un titre de journaclass="underline" « Notre correspondant particulier sur le front de la guerre cosmique signale … »

Souilik se retourna:

« Vite, Slair, ton scaphandre. Les Sinzus aussi ! Nous allons atterrir ! »

Comme je passais devant lui, il se leva et, avec une spontanéité rare chez les Hiss, me donna une rapide accolade.

« Bats-toi bien, pour Ialthar, et ton Soleil ! »

Essine me fit un geste de la main. Ulna, Akéion et Hérang sur les talons, je pénétrai dans le sas.

« Nous sommes au sol. Sortez. Votre sahien est à gauche ! » Dit la voix de Souilik dans mon casque.

Pistolet thermique au poing, nous sortîmes. Le sol était jonché de Misliks morts, aplatis, à demi fondus. Le sahien, rappelant par sa forme une voiture américaine, nous attendait. Un Hiss inconnu nous ouvrit la porte. Par prudence, nous gardâmes nos scaphandres. Notre indicatif était « arta », mot qui n’existe pas en hiss, de façon à éviter toute confusion.

« Arta, Arta, Arta, éclata la voix de Souilik. Dégagez la zone chaude. Nous devons repartir. Il n’y a pas un Mislik vivant à moins de quatre brunns. Les pylônes sont à vingt-cinq brunns ouest-nord-ouest par rapport à vous. Nous vous guiderons. Ici, Paris. Terminé ».

Par plaisanterie j’avais suggéré à Souilik de prendre Paris comme indicatif.

« Ici, Arta. Entendu. Nous partons », répondit Akéion.

Il donna rapidement quelques ordres en sinzu pour les équipages des sahiens. Je mis en marche, et nous partîmes.

La conduite du sahien était des plus faciles: un volant donnait la direction, une pédale plus ou moins enfoncée la vitesse. Un inverseur permettait la marche arrière. Assise à côté de moi, Ulna disposait d’un clavier commandant les armes avant. Tout ce qui se passait dans un angle de 180 degrés se reflétait sur un écran placé devant nous. Hérang, à l’arrière, surveillait le reste de l’horizon. Au centre du sahien Akéion, dans son poste de commandement, pouvait communiquer avec les ksills ou n’importe quel sahien. Il commandait aussi le déclenchement de l’arme Hr’ben, dont nous ignorions les effets.

Nous roulâmes environ cinq minutes sans incident, à vive allure. Les chenilles du sahien mordaient sur le sol gelé de la planète sans nom, ou bien patinaient sur l’air solide. Devant nous l’horizon était toujours illuminé d’explosions, explosions silencieuses en ce monde privé d’air, mais dont nous sentions parfois l’ébranlement communiqué par le sol. Parfois, à contre-lumière, passait dans le ciel la silhouette d’un ksill, fuseau, ovale ou cercle selon l’incidence sous laquelle il se présentait, au ras du sol, à une prodigieuse vitesse.

Puis parurent les Misliks. Ce fut d’abord, dans une crevasse noyée d’ombre, un scintillement métallique indistinct. Le sahien de gauche tira et, dans le flamboiement de l’obus thermique, étincelèrent les carapaces géométriques, glissant vers nous. Aucun n’essaya de s’envoler. Nous passâmes à côté de blocs de métal à demi fondus, entourés d’aigrettes violettes: les survivants émettaient en vain.

Nous roulâmes sur une plaine, toujours combattant, nous franchîmes un étroit défilé, dont le forcement nous coûta une dizaine de projectiles. Derrière nous, les autres sahiens protégeaient nos arrières, nettoyant les recoins. Puis, comme nous débouchions dans un vaste cirque entouré de noires falaises, les Misliks changèrent de tactique. Du haut des escarpements ils se laissèrent choir sur nos engins. Nous perdîmes deux sahiens en trois minutes, défoncés, écrasés, avant de trouver la parade: elle consista à utiliser à la fois les rayons thermiques et les champs gravifiques intenses. Le Mislik, tué dans son vol, était dévié par un accroissement subit de la pesanteur. Pendant ce temps, les autres sahiens arrosaient d’obus les crêtes.

Par un second défilé, nous débouchâmes sur une autre plaine. Et, loin devant nous, sur l’horizon embrasé, se découpèrent les pylônes. Ils s’élevaient à une fantastique hauteur, si haut que les explosions n’illuminaient que leur base. Petit à petit nous en approchâmes, perdant encore trois sahiens, anéantissant peut-être plus de cinq mille Misliks. Plus nous approchions, plus le spectacle devenait fantastique: les ksills lâchaient bombe après bombe, les éclairs succédaient aux éclairs à une cadence si rapide qu’il faisait presque grand jour. La chaleur dégagée, vaporisant les masses de gaz gelé, donnait pour un moment un semblant d’atmosphère à la planète, et ce brouillard gazeux déformait la vision, rendant impossible toute appréciation des distances. Nous passâmes à côté des débris d’un ksill de grande taille, écrasé sur la plaine, éventré ; un Hiss mort était suspendu à une poutrelle tordue.