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Ulna s’adossa à une paroi, et je l’entendis murmurer:

« Henl Akéion, Akéion sétan son ! »

Rien ne bougeait. Silencieusement, une énorme charpente chut à son tour, fit deux ou trois soubresauts, s’immobilisa en haut de la pyramide. Nous étions perdus sur cette planète inconnue, avec encore onze heures d’air respirable, à des milliards de lieues de tout secours.

Alors, scintillant de toute sa carapace dans le rayon de mon phare, parut le premier Mislik.

CHAPITRE II

AUX PRISES AVEC LES MISLIKS

L’homme, et je prends ce mot dans son sens le plus large, y incluant les Hiss, les Sinzus, etc., est une étrange créature. Nous étions perdus sans recours, mais nous ne songeâmes pas un instant à abandonner la lutte. À peine le premier Mislik avait-il montré sa carapace que je tirai sur lui. Il fut tué avant d’avoir pu émettre. Le cœur battant, nous guettâmes: rien ne venait. Il était dangereux de rester sur la place, tant à cause des matériaux qui continuaient à tomber que parce qu’elle donnait aux Misliks la possibilité de s’envoler et de nous écraser. Aussi nous reprîmes le passage couvert que nous avions déjà exploré, après un dernier regard au tas de décombres sous lequel gisaient l’Ulna-ten-Sillon et Akéion. Dans cet espace resserré, nous n’avions plus que deux directions à surveiller. Nous dépassâmes le point auquel nous nous étions arrêtés, nous traversâmes une autre place. Elle grouillait de Misliks, qui émirent violemment quand nous arrivâmes, mais en vain. Nous fûmes obligés de les enjamber, et je pus constater qu’il s’agissait d’une autre race que celle que j’avais combattue sur Sept de Kalvénault, plus large, plus courte, de forme différente. Leur fluorescence, au lieu d’être violette, tirait vers l’indigo.

Nous marchâmes plusieurs heures dans les rues de la cité morte, sans trouver une porte ouverte, ni une seule que je puisse forcer.

Pour une raison inconnue, les habitants, avant de disparaître, avaient soigneusement clos leurs maisons. La seule découverte intéressante que nous fîmes fut un véhicule à six roues, très bas, à plusieurs kilomètres de notre point de départ. Comme je me disposais à l’examiner en détail, nous fûmes assaillis par les Misliks. Ils arrivaient par centaines, planant à quelques pieds du sol. Même tués par nos pistolets thermiques, ils continuaient sur leur lancée, et nous eûmes grand mal à les éviter. Puis ils changèrent de tactique, arrivant si vite qu’on ne les voyait pas venir, ce qui nous obligea à nous aplatir au sol et à établir un véritable tir de barrage, au prix d’une effrayante consommation de munitions. Au bout de quelques minutes, le sol et les parois de la rue étaient si chauds qu’ils rayonnèrent suffisamment pour interdire le passage aux Misliks, et l’attaque cessa.

Nous nous assîmes tristement sur un seuil de trois marches. Il nous restait encore trois heures d’air, trois heures seulement. La fatigue commençait à nous terrasser, et, à travers la vitre du scaphandre, je pouvais voir les yeux cernés et le visage las d’Ulna. Nous parlions peu. Je sais bien que dans les romans les héros choisissent toujours les situations désespérées pour se faire de tendres aveux, mais je puis te dire que nous n’y pensions nullement. Nous restâmes assis longtemps. Je somnolai.

Ulna me secoua brusquement:

« Les Misliks ! Ils reviennent ! »

Ils revenaient en rampant cette fois, contournant les cadavres de leurs congénères. Risquant le tout pour le tout, nous les laissâmes approcher, se concentrer. Puis nous tirâmes. L’un d’eux eut le temps de bondir et, nous manquant, enfonça la porte à laquelle nous étions adossés. Ulna se glissa par le trou, et je la suivis. Nous nous trouvions dans une vaste pièce nue, où d’informes débris marquaient la place de ce qui avait pu être des meubles. Nous cherchâmes en vain un escalier ou un ascenseur conduisant aux étages supérieurs. S’il avait existé, il était lui aussi tombé en poussière. En revanche, nous découvrîmes un passage qui nous amena dans un souterrain de faible dimension, où je dus marcher courbé. Nous comprîmes vite que ce souterrain doublait la rue, plus bas. Nous continuâmes à le suivre, négligeant les embranchements qui, comme nous le vîmes une ou deux fois, conduisaient à des pièces analogues à celle par où nous étions entrés, aussi nues, sauf quelques débris sans importance pour nous. Ma passion archéologique était pour le moment morte !

Puis, insensiblement, le souterrain commença à descendre. Nous n’y prîmes pas garde, marchant comme dans un rêve, tant et si bien que je me heurtai violemment à une porte de métal. Le passage finissait là. Sur cette porte, pour la première fois, je vis une sculpture, une roue rayonnante ou un soleil stylisé.

Stoppés dans notre marche, nous sentîmes la fatigue s’abattre sur nous. Il y avait dix heures que nous marchions, et il ne nous restait plus d’air que pour une heure. Je consultais machinalement le baromètre fixé au poignet de mon scaphandre: la pression atmosphérique n’était pas nulle, et le thermomètre marquait 265 degrés absolus. Nous étions donc dans une zone interdite aux Misliks. Quant à l’air, il y en avait, bien sûr, mais si peu ! Il n’y en avait même pas assez pour que nous puissions utiliser le léger compresseur placé derrière le casque. Néanmoins c’était bon signe, et peut-être, si nous arrivions à franchir cette porte, pourrions-nous trouver une atmosphère assez dense pour être utilisable.

Fébrilement, nous examinâmes la porte. Elle ne comportait nul loquet, nulle serrure, mais je commençais à être familier avec les moyens perfectionnés de fermeture. Patiemment nous tâtonnâmes tout autour de l’huis, pressant sur les rayons de soleil, essayant de les faire pivoter. En vain. Une demi-heure s’écoula. Lentement, inexorablement, l’aiguille du manomètre à oxygène tendait vers le zéro.

Puis, au moment où nous abandonnions tout espoir, la porte grinça et s’ouvrit. Nous la refermâmes: en face de nous, une porte identique nous barrait la route. Ulna murmura:

« Nous sommes dans un sas. Peut-être y a-t-il de l’air, de l’autre côté ? »

Nous essayâmes de nous souvenir des gestes que nous faisions quand la première porte s’était ouverte. Au bout d’un moment nous trouvâmes le bon mouvement: enfoncer le rayon supérieur en lui imprimant un léger mouvement vers la gauche. Et nous pénétrâmes dans une pièce obscure, mais où la pression était presque d’une atmosphère ellienne. Je mis en contact l’analyseur: les cadrans virèrent au rouge, il y avait assez d’oxygène pour notre respiration, et aucun gaz toxique. Prudemment je dévissai la vitre de mon casque, aspirai une bouffée. L’air était sec et frais, parfaitement respirable. Nous étions, sinon sauvés, du moins assurés d’un long répit.

La salle était nue, et semblait se terminer en cul-de-sac, sans autre porte que celle par laquelle nous étions entrés. La première chose que nous fîmes fut de nous débarrasser de nos scaphandres, encombrants et lourds à nos épaules fatiguées. Harassés, nous nous étendîmes côte à côte et, lumière éteinte, nous endormîmes rapidement.

Mon sommeil fut agité, et je me réveillai ayant roulé jusqu’à l’autre bout de la salle. Tâtonnant pour trouver ma lampe, je m’assis et saisis dans l’obscurité, à hauteur de ma tête, un mince levier. Il céda, et le miracle se produisit: une porte sembla béer au fond de la pièce, découpant sur un rectangle lumineux une silhouette humaine. De petite taille, elle se profilait à contre-lumière, si bien que je ne pus distinguer ses traits. Puis elle disparut brusquement, et, à sa place, apparut une boule de feu, pendant qu’un mot étranger sonnait à mes oreilles.