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Le passage dans l’ahun s’étant effectué non point dans le vide, comme de coutume, mais à la surface d’une planète, l’impulsion ( ?) avait été bien trop forte. La bulle d’espace avait été complètement décollée de notre univers, et, traversant l’ahun, si ce verbe traverser a un sens pour le non-espace, était allée crever dans un des univers négatifs qui enserrent le nôtre comme le pain le jambon du sandwich.

Akéion surgit donc dans l’Espace d’un univers négatif, fort heureusement pour lui très loin de toute concentration de matière. Il fut un moment sans comprendre où il était. De temps en temps le compteur de radiations crépitait, et l’aiguille marquait une brusque arrivée de rayons pénétrants. Ces compteurs servent à indiquer les régions de l’Espace où la densité des rayons cosmiques est dangereuse. Mais le rayonnement reçu n’avait aucune des caractéristiques du rayonnement cosmique habituel. Du reste celui-ci, si loin de toute galaxie, eût dû être très faible.

Soudain, dit Akéion, je compris. Je me souvins d’un cours que j’avais suivi autrefois sur la possibilité théorique d’univers négatifs, et ses conséquences. Le rayonnement que j’enregistrais était dû à quelques rares atomes de matière négative qui, au contact de la matière positive du ksill, s’annihilaient en photons ultra-durs. D’un moment à l’autre je risquais de rencontrer une zone de l’Espace où la matière négative serait plus concentrée, et alors, adieu tous les Univers ! » Fébrilement, il consulta l’enregistreur de courbe spatiale, le chronospatiomètre, l’enregistreur de surface-limite, et tous les appareils compliqués qui servent à la navigation ahuno-spatiale. À condition de bien calculer son impulsion, il avait encore quelques chances de retrouver notre univers. Quoique fort brave, et de tempérament calme, il s’énervait. Essaie d’imaginer cette situation: perdu dans un univers plus étranger que celui des Misliks, à la merci d’un anéantissement flamboyant, à chaque seconde. Et, pour rythmer ses pensées, le craquement presque ininterrompu maintenant du compteur de radiations !

Il batailla avec les abaques, écrits en chiffres hiss, fit des calculs fiévreux, les recommença. Tout semblait correct. Alors, les dents serrées, il lança le ksill dans l’Espace, à l’allure convenable, puis passa dans l’ahun.

Presque aussitôt il en ressortit. Mais au lieu de se trouver quelque part dans la galaxie maudite, il émergea au milieu d’une galaxie bien vivante, illuminée de millions de soleils, perdu dans notre univers. Pendant un moment il se demanda s’il n’avait pas fait une autre fausse manœuvre, s’il n’était pas passé, au-delà de l’univers négatif, dans un autre univers positif.

Il dirigea son ksill vers une étoile, l’écran grossissant lui ayant révélé un cortège de planètes. Il atterrit sur une d’elles, après en avoir fait le tour: elle semblait déserte, avec seulement une vie végétale. Il resta là plus de huit jours, ayant perdu tout espoir de nous sauver, faisant et refaisant des calculs compliqués.

Ici s’intercala une autre discussion technique, à laquelle je doute fort qu’Einstein lui-même eût compris quelque chose !

Il repartit, passa de nouveau dans l’ahun, réatterrit sur une planète, refit ses calculs, ayant chaque jour davantage l’impression d’être irrémédiablement perdu. Enfin, au bout de vingt-six jours, il se trouva aux environs d’un monde habité. Il piqua droit sur lui et arriva sur la planète des Kaïens, à quelques kilomètres seulement du point où Souilik attendait notre retour.

Pour lui aussi la chance avait joué, mais une chance servie par la volonté et la science.

Le Tsalan atterrit à l’aube sur la planète Sswft. Essine et Beichit nous firent un accueil enthousiaste. Je revis avec plaisir mon ksill, le seul engin qui eût jamais pénétré dans un univers négatif. Sa carapace était à peine cabossée par les chocs subis sur Siphan.

Le soir même, je demandai à Hélon de me donner sa fille comme épouse.

CHAPITRE III

LES TORPILLEURS DE SOLEILS MORTS

Nous ne nous attardâmes pas sur la planète des Kaïens. Nous atteignîmes Ella vers le milieu de la journée. J’étais épuisé, nerveux, anxieux. À ma requête, Hélon avait répliqué qu’il me donnerait réponse sur Ella, le soir de notre arrivée.

Laissant Ulna encore très lasse dans le Tsalan, je partis pour la salle du Conseil avec Souilik. Mon rapport, aussi précis que possible, concluait que les Hiss semblaient malheureusement avoir raison, et que toute possibilité de coexistence des Misliks et des humanités était impossible, tout au moins dans le même système solaire. Mais, ajoutai-je, si nous devons jalousement défendre nos galaxies, je ne vois pas la possibilité d’exterminer les Misliks, qui sont certainement des trilliards dans des milliers de galaxies.

Cette conclusion ne fut pas du goût de la majorité de l’assemblée. En dehors de la menace qu’ils font peser sur toute vie protoplasmique, les Misliks représentent pour les Hiss, l’ennemi métaphysique, le principe du Mal qui doit être extirpé de l’univers. Un des Sages me rétorqua:

« Tu as dit que la planète Siphan avait été une planète humaine conquise par les Misliks. Pourquoi ne se contentent-ils pas des planètes glacées que nous ne pouvons habiter ? Pourquoi éteignent-ils nos soleils ? Non, il n’y a aucun compromis possible. Ils doivent disparaître !

— Mais la lutte durera des millions d’années ! Si puissantes que soient vos armes, vous ne pourrez reconquérir les planètes une à une ! Et qu’en feriez-vous, de ces mondes glacés que vous ne pouvez habiter ? »

Oubliant totalement que j’étais un Hiss d’adoption, je prenais presque le parti des Misliks.

« Nous n’avons que faire de ces planètes mortes, quoiqu’elles puissent contenir des matières utiles. Nous avons assez des mondes vivants déserts. Mais les Misliks doivent disparaître. Et, puisque la chaleur et la lumière les tuent, nous rallumerons leurs soleils ! »

Manquant à la plus élémentaire politesse, je hurlai:

« Quoi ?

— Snisson a dit que nous rallumerions les soleils, me répondit Azzlem. Ou tout au moins nous essaierons. Théoriquement, c’est possible. Pratiquement, cela risque d’être plus difficile. Mais nous essaierons, et, pendant ton absence, les expériences préliminaires ont déjà commencé. Nous te mettrons au courant, quand le moment sera venu ».

Je restai suffoqué. Certes j’avais vu, depuis mon départ de la Terre, les choses les plus fantastiques se succéder. J’admettais — j’étais bien forcé de l’admettre, l’ayant vu de mes yeux — que les Misliks, ces êtres étranges, aient le pouvoir d’éteindre les étoiles.

Mais que les Hiss, qui n’étaient après tout que des hommes, pensent à rallumer ces étoiles … Je me sentais saisi de vertige. Azzlem continuait calmement:

« Je ne pense pas que l’expérience décisive puisse être réalisée avant un an. En attendant, nous continuerons peut-être à explorer les galaxies maudites, mais sans faire de grande offensive, qui ne servirait qu’à faire tuer pour rien des Hiss ou des Sinzus ».

Sur ces mots, la séance fut levée. Je sortis, rejoignant Souilik qui m’attendait. Je lui répétai ce qui avait été dit.

« Je sais. Une équipe spéciale de physiciens vient d’être formée. Elle comprend, sous la direction du Sinzu Béranthon et d’Assza, une centaine de Hiss et presque autant de représentants de chaque humanité. Notre amie Beichit fait partie de la délégation Hr’ben. Et sais-tu qui commandera les ksills chargés de la réalisation du projet ?

— Non.

— Moi-même. Et peut-être seras-tu chargé des équipes de débarquement. Tu as l’air de t’en tirer assez bien », ajouta-t-il en riant.