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Ce sont hommes de grand courage

Ceux qui partiront avec nous …

Certes, pensais-je. Qu’étaient les courses de navigateurs d’autrefois à côté de cette fantastique entreprise: rallumer un soleil !

Séfer, resté muet jusque-là, dit alors:

« Quoi qu’il arrive, amis, les planètes humaines pourront être fières de nous. Si nous échouons, d’autres, plus tard, réussiront. Mais nous aurons été les premiers.

— Oui, rétorqua Souilik. Mais prenons garde de ne point nous comporter comme Ossinsi !

— Qui était Ossinsi ?

— Le plus fameux des guerriers d’Ella-Ven, il y a de cela quelques millénaires. Sa chanson nous est parvenue. À toi, Essine ! »

À deux, ils chantèrent les exploits d’Ossinsi. C’était un si fameux guerrier qu’il ne put jamais tuer personne, l’ennemi fuyant au seul bruit de son nom. Puis un jour il rencontra un vieil ermite qui n’avait point entendu parler de lui, et dont il troubla les dévotions. Loin de fuir, ledit ermite l’invectiva violemment. Et Ossinsi, médusé d’avoir devant lui quelqu’un qui osât le braver, s’enfuit si vite qu’il court encore.

Sur cette note ironique, nous allâmes dormir.

Nous partîmes à l’aube. Essine, Beichit et Ulna nous accompagnèrent à l’embarcadère. Nous fîmes nos derniers adieux, puis la porte de métal se referma sur nous.

La première partie du voyage fut sans histoire. Le passage dans l’ahun s’accompagna simplement d’un balancement plus fort que d’habitude, dû à la grande taille du ksill. Nous émergeâmes dans la galaxie maudite, mais Souilik ne put me dire si nous étions loin ou près de cette planète Siphan où j’avais passé un mois si angoissant. Nous rasâmes une planète d’assez près pour voir qu’elle était peuplée de Misliks. Le système solaire que nous allions détruire nous sembla comporter une douzaine de planètes, mais bien entendu ce chiffre n’est qu’une évaluation. Puis nous piquâmes vers le soleil mort.

J’étais avec Béranthon, Akéion, Séfer et Souilik dans le poste de direction, le seall. En plus des instruments habituels, que j’avais appris à utiliser, sinon à comprendre, se plaçaient une quantité de nouveaux cadrans, contrôlant l’appareillage spécial.

« Nous n’atteindrons pas le soleil mort avant quelques basikes, dit Souilik. Il serait peut-être utile que Béranthon te montre exactement ce que tu auras à faire ».

Je suivis le physicien. Le « Sswinss » comportait un équipage de cinquante hommes seulement, vingt-cinq Hiss et vingt-cinq Sinzus. La plus grande partie du ksill était occupée par une immense pièce circulaire, dont le plancher était divisé en deux parties: sur un cercle central se dressait une machine laide et trapue, haute d’environ trois mètres, large de trente, ovale. Elle était inachevée, et à côté d’elle, posées sur le plancher de métal, se trouvaient les pièces qui devaient la compléter. Parmi elles, je pus voir celle que je devais manipuler. Tout autour de ce cercle central, sur la couronne, se plaçaient les générateurs de champ antigravitique, dans le rayonnement desquels nous devions travailler.

« Dès que nous serons posés, dit Béranthon, le cercle central qui porte le kilsim se détachera. Bien avant, nous aurons mis en action les champs antigravitiques. Mais pour contrebalancer le champ du soleil mort, ils consommeront tant d’énergie que nous ne pourrons les maintenir qu’une demi-basike en tout, à partir du moment où nous nous serons posés. Il faudra faire vite. Sitôt le kilsim prêt, nous repartirons, passerons dans l’ahun assez loin du soleil, puis ressortirons dans l’Espace pour observer le résultat. Viens ici répéter ton geste: il est simple. Tu ramasses la pièce, tu l’introduis dans cet orifice en tournant de 90 degrés, tu pousses et tu tournes de nouveau de 90 degrés en sens inverse. C’est tout. Mais, quand je te donnerai le signal, ne tarde pas une seconde, surtout ! Il y va de notre vie à tous. Essaie maintenant. Le kilsim n’est pas amorcé, il n’y a aucun risque ».

Nous étions dans l’Espace, loin de tout champ de gravitation intense. Ce fut très facile. Je répétai le mouvement jusqu’à ce que je puisse le faire les yeux fermés.

« Tout à l’heure la pièce pèsera davantage. Tu essayeras une autre fois avant que nous achevions de monter le kilsim.

— Non. Cela suffit. Je préfère ne pas me fatiguer », répondis-je.

Nous revînmes dans le seall. Nous avions dépassé la zone des grosses planètes et nous voguions vers les planètes intérieures. Quand la dernière fut loin derrière nous, Souilik déclencha les champs antigravitiques internes et lança le signal d’alerte. Nous revêtîmes nos scaphandres mais restâmes encore dans le seall. Puis Béranthon et Souilik commencèrent une série de délicates manœuvres: on ne se pose pas à la surface d’un soleil mort comme sur une planète, si grosse soit-elle ! Pendant un moment la consommation d’énergie dépassa la norme prévue, et ils parurent soucieux. Puis elle redevint normale.

Cependant, quand nous ne fûmes plus qu’à une dizaine de milliers de kilomètres de notre but, la consommation augmenta de nouveau, et il fallut faire rapidement un choix: continuer, en limitant notre séjour à un tiers de basike au lieu d’une demi-basike, ou tourner bride. La décision, prise à l’unanimité de l’état-major et de l’équipage, fut de continuer. Béranthon décida simplement de commencer tout de suite le montage du kilsim, en conservant la stricte marge de sécurité indispensable.

Sauf Souilik, cloué à son poste de direction, nous descendîmes tous dans la grande salle. Les générateurs antigravitiques bourdonnaient faiblement. Autour du kilsim les équipes de montage s’affairaient. Malgré le champ interne, la gravitation se faisait déjà puissamment sentir, et l’aiguille du gravimètre approchait de la graduation 2. Puis elle la dépassa. Nos mouvements devinrent lourds et embarrassés. Sur l’ordre de Béranthon, je m’allongeai sur un lit ; je devais garder mes forces pour le moment crucial.

Il y eut un léger choc. Le ksill glissa, s’immobilisa. Doucement, la plate-forme centrale se détacha, nous laissant à la surface du soleil mort. Le ksill, avec sa couronne, monta à trois mètres de haut. De tous côtés s’étendait, sous la lumière froide des projecteurs, un paysage de métal et de scories, en vagues figées.

Nous disposions d’un tiers de basike, soit trente minutes basikiennes, pour faire notre travail. Dans mon casque, j’entendis la voix blanche de Souilik qui comptait:

« vingt-neuf, vingt-huit, vingt-sept … »

Mais que faisaient donc les équipes de montage ? Il me semblait qu’ils n’avaient pas encore bougé. Tournant péniblement la tête, je les vis, engoncés dans leurs scaphandres, traînant les pieds, s’affairer au ralenti. Appuyé sur le kilsim, Béranthon les guidait de la voix.

« Vingt-cinq … vingt-quatre … vingt-trois … » La majorité des pièces gisaient encore sur le plancher métallique. Idiots que nous étions, tous, les Hiss, les Sinzus, les Hr’ben, moi-même ! Si les automates ne fonctionnaient pas dans les champs antigravitiques, une simple grue, que dis-je, une chèvre, eût certainement fait l’affaire ! Mais la civilisation de ces messieurs avait oublié ces trop primitives machines !

« Vingt … dix-neuf … dix-huit … »

Les champs antigravitiques n’étaient pas absolument constants, mais fluctuaient légèrement. Je m’enfonçais dans mon divan, remontais, me réenfonçais.

« Quinze … quatorze … treize … »