Выбрать главу

Les dernières pièces, petit à petit, trouvaient leur place dans l’assemblage. Béranthon me cria:

« Attention ! À mon signal ce sera à toi. Tu auras exactement une minute terrestre. Prépare-toi !

— Douze … onze … dix.

— Quand je baisserai le bras commencera ta minute. Viens ici ! »

Je me levai, me traînai péniblement jusqu’à la pièce. Elle me parut monstrueuse. Non, jamais, dans ces conditions, je ne parviendrais à la soulever !

« Neuf …

— Béranthon ! Je ne pourrai pas ! Arrête !

— Huit …

— Trop tard ! À toi ! »

Il baissa le bras. Je me penchai, saisis la pièce, plein d’une volonté farouche. De toute façon, maintenant, le monstre était éveillé. Ce que je tenais là, c’était notre ultime chance de salut, le modérateur qui nous donnerait le temps de partir. Avec un hen ! Je le soulevai. Béranthon avait ma montre terrienne et me donnait les secondes.

« 55 … »

Je fis un pas, parvins à introduire le bout de la pièce dans l’orifice.

« 50 … »

Non, c’était trop lourd. Fallait-il tourner à droite ou à gauche ? La sueur ruisselait dans mon scaphandre, coulait dans mes yeux.

« 40 … »

Et cet idiot de Souilik qui avait promis de faire marcher à plein les champs antigravitiques quand ce serait mon tour !

« 35 … »

Autour de moi les équipes de montage fuyaient lentement, écrasées par la gravitation. Je fis un violent effort, amenai l’autre bout de la pièce à la hauteur voulue. Il me sembla sentir un frémissement dans le flanc du monstre. Si les Hiss s’étaient trompés ? S’il allait éclater maintenant ?

« 30 … »

Pris de panique, je tournai la pièce dans le mauvais sens.

« Dans l’autre sens, dans l’autre sens », hurla Béranthon.

« 25 … »

Puis soudain il me sembla que la pièce s’allégeait. Je pus la tourner, la faire pénétrer. Il ne me restait plus qu’à la tourner une fois de plus. Mais dans quel sens ? Le sens inverse, bien sûr, mais dans quel sens l’avais-je tournée une fois ? Le cerveau bloqué, je restai immobile, peut-être une seconde.

« 20 …

— Comme ça ! »

La pièce tourna toute seule. Machinalement, Béranthon essaya d’essuyer la sueur qui lui ruisselait sur le front.

« 10, dit-il.

— Sept, répondit la voix de Souilik. Attention, je descends. Embarquez ! »

Le ksill nous coiffa. Une dernière fois, je jetai un regard sur les vagues de métal figé que nul ne reverrait plus jamais. Aussi vite que nous le pouvions, à pas lents, nous grimpâmes sur la couronne. Le ksill décolla, abandonnant le disque central sur lequel se dressait la masse louche du kilsim. Il décrût sous nous, disparut. Nous rampâmes vers les portes valves, pénétrâmes dans le ksill. La gravitation était encore très forte. Nous attendîmes au pied des échelles. Quand elle commença à décroître, nous les escaladâmes lentement, rompus de fatigue. Puis, subitement, comme j’étais à mi-hauteur, il me sembla que je devenais léger comme une plume: nous venions de passer dans l’ahun.

CHAPITRE IV

UNE ÉTINCELLE DANS LA NUIT

L’un après l’autre, nous regagnâmes nos postes. Je revins dans le seall.

« Où sommes-nous ? Demandai-je à Souilik.

— Quelque part dans l’Espace. Assez loin pour ne rien craindre, je pense. Nous attendons l’explosion.

— Dans une basike, alors ?

— Non, davantage. Elle se produira dans une basike, mais nous ne la verrons que plus tard, dans quatre ou cinq basikes, selon la distance à laquelle nous sommes de l’étoile, distance que je ne connais pas exactement. Tu oublies que la propagation de la lumière n’est pas instantanée. Et quant aux ondes sness, qui vont dix fois plus vite, je ne crois pas que l’explosion en produise beaucoup. Nous pourrons essayer de les capter ».

Béranthon et Séfer préparaient les appareils enregistreurs. Nous attendîmes. Tout était silencieux dans le ksill. On n’entendait que le très faible bourdonnement des moteurs auxiliaires, et le léger sifflement du purificateur d’air. Je m’assis dans un des confortables fauteuils et, fatigué, m’endormis.

Je fus réveillé par un véritable hurlement. J’ouvris les yeux. Toute lampe était éteinte, mais une fulgurante clarté, venant de l’écran, découpait en ombres dures les silhouettes du Hr’ben, du Sinzu et de Souilik. Aveuglé, je me détournai. Souilik, les yeux protégés derrière son bras, manœuvrait un volant. La lumière décrût, filtrée. Cramponné aux bras de mon siège, je regardais ce fantastique spectacle qui était en partie mon œuvre, la renaissance d’un soleil !

C’était, tout au fond du ciel noir, une tache de lumière, encore éblouissante malgré le filtre, qui grandissait de seconde en seconde. Puis s’élancèrent des langues de feu violacé, s’étendant comme d’immenses doigts, dans trois directions. Le spectacle était d’autant plus grandiose qu’il n’y avait nulle autre étoile visible. Les pâles lueurs des lointaines galaxies avaient été noyées dans l’irradiation.

« Souilik, pourquoi ne m’as-tu pas réveillé ? Criai-je.

— Nous avons été surpris. L’explosion s’est produite plus tôt que nous ne le pensions, ce qui signifie que nous sommes plus près que nous ne le croyions — trop près, pour tout dire. Regarde le détecteur de radiations ! »

L’aiguille se déplaçait, approchant peu à peu de la ligne verte: danger. Impassibles, Béranthon et Séfer surveillaient les enregistreurs.

« Attention, nous partons ».

Je sentis le balancement du passage dans l’ahun. L’écran s’obscurcit. Immédiatement après je sentis de nouveau le balancement caractéristique, mais l’écran resta obscur.

« Où sommes-nous ? »

Personne ne me répondit.

« Souilik, où sommes-nous ?

— Où veux-tu que nous soyons ? Dans l’Espace.

— Mais le soleil ? Il s’est éteint de nouveau ? »

Mes trois compagnons éclatèrent de rire.

« Mais non, naïf Tsérien. Nous avons simplement dépassé la zone que sa lumière a atteinte. Regarde bien, tu vas voir le début de l’explosion ».

Nous guettâmes en vain pendant deux basikes. Soudain, dans le noir profond de l’Espace, juste devant la lueur d’une galaxie, s’alluma une étincelle verte.

« L’explosion du kilsim », dit Béranthon.

Pendant peut-être une ou deux secondes, il n’y eut rien d’autre qu’une étincelle verte dans la nuit. Puis, aveuglante, apparut la lumière bleue. Comme nous étions considérablement plus loin, son diamètre me parut dérisoire. Je revis les doigts de flamme, gigantesques bouffées de gaz portés à une effrayante température. Ils s’élargirent, fusionnèrent, formèrent une couronne où palpitèrent un moment toutes les couleurs du spectre. Et ce fut un second jaillissement, un troisième, dix, cent, se succédant de plus en plus vite, allant de plus en plus loin. La tache de lumière atteignait maintenant, vue de si loin, le double du diamètre apparent de notre soleil. Et cette tache enflait à chaque instant.

« Il ne doit pas rester trace de Misliks, maintenant, dit calmement Béranthon. Ni même de leurs planètes ».

Souilik régla l’écran au grossissement cent, tout en mettant un nouveau filtre. La surface entière de l’appareil fut envahie par une mer bouillonnante de feu, où se dressaient et s’écroulaient sans cesse des volutes grandes comme plusieurs planètes. Le diamètre de l’étoile avait dépassé maintenant celui de son ancien système solaire, et tous les mondes qu’elle avait autrefois éclairés étaient retournés en son sein, avec leurs montagnes, leurs océans gelés, leurs possibles ruines humaines … et leurs Misliks !