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« Non, c’est trop, Lumière du Ciel, c’est trop de pouvoir entre les mains de tes créatures », dit un jeune Hiss qui venait d’entrer.

Souilik se retourna, comme piqué par un serpent.

« Comment trop ? Préfères-tu voir Ialthar éteint par les Misliks ? »

Le jeune Hiss ne répondit pas. Ce fut la seule fois où j’entendis un Hiss mettre en doute la Grande Promesse. Et, ironie du sort, ce fut Souilik, un des rares agnostiques d’Ella, qui le fit faire.

L’étoile sans nom se stabilisait. De temps en temps encore sa surface se soulevait en dômes flamboyants, mais elle ne grossissait plus. Nous passâmes dans l’ahun pour le voyage de retour.

Dès qu’Ella fut en vue, Souilik lança la nouvelle par ondes. Aussi, avant d’avoir atteint l’atmosphère, nous fûmes rejoints par une escorte triomphale de centaines de ksills et par le Tsalan. Quand nous amerrîmes au bout de l’embarcadère, le Conseil des Sages en son entier nous attendait. Et, tout au bout de la jetée, trois formes verticales agitaient les bras: Ulna, Essine et Beichit. La plage, l’esplanade inférieure, les pentes des montagnes étaient couvertes d’une foule de Hiss, la seule foule que je vis jamais sur cette heureuse planète. Quand nous parûmes sur la carapace du « Sswinss » éclata comme un tonnerre l’hymne que j’avais entendu dans la salle du Conseil des Mondes, sur la planète Réssan. Et cette fois moi, le Tsérien, l’homme au sang rouge et aux basses capacités mystiques, je fus saisi d’une émotion religieuse qui me bouleversa jusqu’aux larmes. C’était le chant de délivrance de centaines d’humanités libérées des menaces de la Grande Nuit, et pour qui s’ouvrait un destin sans limite.

Nous pénétrâmes dans la salle du Conseil, brisés de fatigue et d’émotion. Souilik commença à faire son rapport. Azzlem l’interrompit doucement:

« Non, Souilik, non. Les détails techniques sont pour demain. Aujourd’hui, racontez-nous simplement comment cela s’est passé ».

Chacun à notre tour, nous racontâmes. Sous l’empire de l’émotion, je sus trouver des mots nécessaires pour faire partager mes angoisses, quand je tenais le modérateur, et que les secondes fuyaient si vite, là-bas, à la surface du soleil mort. Je suggérai l’installation d’une grue ou d’un palan sur la couronne du « Sswinss ». Et je fus écouté comme jamais je ne l’avais été de ma vie.

Puis je partis avec Ulna pour ma maison. Je restai huit jours entiers à me détendre et me reposer. Souilik et Essine, Beichit et Séfer vinrent me voir. Des voisins me rendirent visite, et même des Hiss qui habitaient fort loin, et que je n’avais jamais vus. Je racontai un nombre incalculable de fois notre aventure. Le soir du huitième jour, comme je rentrais de me baigner, un réob peint en bleu, couleur du Conseil, atterrit devant ma maison, Assza en descendit et me dit simplement:

« Slair, le deuxième kilsim est prêt ! »

Alors commença pour moi la partie la plus fantastique de ma vie. Le plan des Hiss était de faire dans la galaxie maudite une tache de lumière, en torpillant systématiquement tous les soleils morts aux environs du premier que nous avions rallumé. Je fis ainsi partie d’une dizaine d’expéditions, sans incidents. La pièce mobile était maintenant soulevée par une grue, et mon rôle consistait simplement à la guider. D’un accord tacite, mes compagnons, tant Hiss que Sinzus, ou Hr’ben, me laissaient cet honneur, bien qu’avec l’aide de la grue même une femme eût pu le faire. Et bientôt, d’ailleurs, les femmes commencèrent à participer aux expéditions, moins périlleuses, quoique plus fatigantes, que les expéditions de guerre sur les planètes colonisées par les Misliks.

Sur Mars, les usines travaillaient à plein pour construire d’autres ksills géants. Dès la quatrième expédition, nous partîmes à trois. Lors de la dixième, il y eut sept ksills, et sept soleils se rallumèrent simultanément. Lors de la onzième, nous partîmes à dix, mais cinq seulement revinrent !

Je me souviendrai toujours de cette fois-là. Nous avions torpillé un énorme soleil, et, malgré les champs antigravitiques poussés à leur maximum, nous avions tout juste réussi à survivre et à repartir à temps. Un Hiss de l’équipage s’était imprudemment approché du bord du cercle, et, le champ étant affaibli sur les marges, avait basculé sur la surface du soleil mort, y périssant misérablement, écrasé sous son propre poids, sans que nous puissions lui porter secours.

Nous errions dans l’Espace, attendant l’explosion. Tout était noir. En effet, comme notre premier torpillage ne remontait qu’à un peu plus de six mois, la lumière d’aucun soleil n’avait encore rayonné à plus de six mois-lumière, et ces soleils morts étaient séparés en moyenne par des distances dix fois plus grandes. Je me tenais dans le seall, avec Souilik, Ulna et Essine. Elle était triste: le Hiss qui avait péri, et dont le corps allait être anéanti dans l’effarante explosion proche était un de ses parents. Nous nous taisions. L’homme de garde aux enregistreurs égrenait sa monotone litanie: Sékan, snik. Tsénan, snik. Ofan, snik …

Tout à coup nous le vîmes se dresser, scruter un enregistreur:

« Tsénan mislik: sen, tsi, séron, stell, sidon … »

L’enregistreur de rayonnement mislik venait de passer de zéro à cinq. Pour les Hiss, le danger commençait à sept, pour les Hr’ben à six ! Il y avait des Misliks dans le voisinage, loin de toute planète. Et ceci, en soi-même, était une nouveauté et une menace.

Pourtant il ne se passa rien cette fois — rien pour nous. Le rayonnement décrût. Quelques minutes après nous fûmes rattrapés par l’onde lumineuse. Le kilsim avait, une fois de plus, fonctionné.

Passant dans l’ahun, nous nous posâmes sur la planète des Kaïens, qui nous servait de quartier général. Un autre ksill géant, que commandait Akéion, était déjà là. Sur l’un des côtés de l’immense champ d’atterrissage une petite cité cosmopolite avait surgi, abritant les équipes d’entretien des ksills. Les Kaïens se montraient amicaux, mais réservés.

Nous attendîmes. Deux autres ksills arrivèrent, et leurs commandants vinrent au rapport. Tout était normal. Une cinquantaine de soleils avaient déjà été rallumés, mais, comme le fit observer Beichit, par rapport aux milliards d’étoiles mortes des galaxies maudites, ce n’était qu’une faible étincelle dans la nuit.

Le temps passa. La nuit tomba, la nuit de Sswft. Les six autres ksills ne revenaient pas. Nous ne fûmes pas trop inquiets, la limite de temps n’étant pas atteinte. Nous dînâmes, puis allâmes dormir. Au matin, les quatre énormes dômes de nos ksills étaient encore seuls sur le terrain.

Vers le milieu de la matinée, un petit ksill se posa, venant d’Ella. Il amenait Assza. Sa visite nous fit paraître le temps plus court. Mais quand, à la nuit, aucun de nos engins ne fut encore rentré, l’inquiétude commença à nous tourmenter. D’un commun accord, nous décidâmes que Souilik, Assza et moi-même veillerions tard dans la nuit.

Nous nous installâmes à l’avant-dernier étage de la tour de contrôle, où les Hiss avaient agencé un poste de guet. Au-dessus de notre tête nous entendions les pas lourds du Kaïen qui assurait le trafic des aéronefs de son propre monde. Assza s’assit devant le poste émetteur, essaya de contacter les ksills à leur approche de la planète. Mais les appareils, aussi bien en ondes sness qu’en ondes hertziennes, restèrent silencieux. Vers minuit, Souilik prit sa place. Assis sur un confortable divan, je m’engourdissais lentement. Tout était obscur, sauf la faible lueur verte des lampes de contrôle.

Soudain, sur l’écran de vision parut la face blême d’un Hiss, Brissan, le commandant du ksill numéro 8. Il prononça quelques paroles entrecoupées et inintelligibles, puis l’écran s’éteignit.