— Je voudrais voir Tibère.
— Ah. C’est si urgent ?
— Ça l’est.
Ruggieri soupira et accompagna Valence jusqu’aux cellules. Tibère était assis dans le noir.
— Je t’attendais, Consul, dit-il.
— C’est terminé, Tibère. Monseigneur a tendu ses mains et on les lui a enfermées.
— Lorenzo a de belles mains, avec cette bague au doigt surtout. Il y a tant de gens qui l’ont embrassée. Tu te rends compte ? C’est beau, toute cette saleté.
— Bientôt, tu vas sortir d’ici. Laura se charge à sa façon d’arranger les choses. Dans quelques mois, tu seras dehors. Tu vas pouvoir remettre tes chaussures.
Valence se leva pour chercher la lumière.
— N’allume pas, dit Tibère. J’ai envie d’avoir les yeux dans le noir.
— Bon, dit Valence en se rasseyant.
— Est-ce que tu crois que Lorenzo m’aurait laissé pourrir en prison ?
— Oui.
— Tu as raison, soupira Tibère. Il faudra que j’aille le voir quand il y sera. On fera des traductions latines ensemble.
— Je ne sais pas si c’est une très bonne idée.
— Si. Est-ce que tu veux savoir pourquoi j’ai volé tous ces machins à la Vaticane ?
— Si tu veux.
— Parce que je voulais que Sainte-Conscience fasse quelque chose d’amusant dans sa vie. Et je te jure, Valence, je te jure qu’elle s’est bien amusée. Tu aurais dû voir son visage terrifié quand elle déposait ses petits paquets sous les tables. Elle adorait tous ces messages codés. D’accord elle est morte, mais elle s’est vraiment bien amusée. Il faut que je remette ces chaussures maintenant.
Tibère se leva, alluma, et se pencha sous son lit pour les attraper.
— Voilà, dit-il. Tu ne verras peut-être plus jamais mes pieds, Consul.
Valence sourit et lui souhaita bonne nuit.
Dehors, Laura et Néron l’attendaient. Valence traversa et s’approcha d’elle.
— J’ai oublié de l’embrasser pour toi, dit-il.
— Tu as eu raison, ça n’a pas de sens d’embrasser quelqu’un pour quelqu’un d’autre.
— Lorenzo te donne ça.
Laura déchira rapidement l’enveloppe.
— C’est sa bague, son anneau épiscopal. Il l’a fait couper.
— Il te le donne.
— Est-ce qu’il en a le droit ?
— Non.
Ils marchèrent tous les trois côte à côte un moment. Puis Néron s’arrêta brusquement au milieu de la rue.
— Dites-moi, monsieur Valence, pour combien de temps en a Tibère ?
— Six mois au pire.
Néron réfléchit un moment, immobile.
— Bien, conclut-il, en redressant la tête. Vous lui ferez dire qu’il ne doit s’inquiéter de rien.
Il tendit gravement la main à Valence, effleura les lèvres de Laura et s’éloigna d’un pas négligent.
— En son absence, dit-il sans se retourner, je saurai tenir l’Empire.