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L’autre qui n’a pas compris répond que non.

— Ça ne fait rien, rassure Alexandre-Benito, faites-moi monter du champagne, ça r’vient au même. Un magnum, hein ?

Là-dessus il se dépose dans un fauteuil qui n’attendait que ça pour baisser les bras.

Dans le milieu de l’aprème, Giorgio me téléphone, selon nos conventions. Mission remplie. Quand pourra-t-il enfouiller l’autre moitié de la liasse ? Dès que j’aurai la preuve qu’il a fait ce qu’il dit. Il n’aura qu’à me rappeler domani.

Le Mastard qui s’est fait grimper un second magnum de roteux convie le serveur à le goûter. Sa Majesté explique en trinquant que c’est ça le communisme selon Jésus : partager son Dom Pérignon. C’est beau, non ? Le loufiat en pleure d’émotion. Le Gros lui demande alors s’il ne serait pas possible de s’assurer la compagnie de deux jeunes filles très comme il faut et sachant sucer, manière de passer le temps. L’employé déclare qu’il va en parler au concierge et nous les voulons comment ? Brunes ou blondes ? Béru est partisan de toujours savourer les produits du terroir : qu’il s’agisse de vins, de fromages ou de gonzesses, alors il en veut une brune ; très italienne. Pour ma part je décline, alléguant que j’ai le dernier bouquin de Jean Dutourd à lire.

Bon, je gaze, pas te faire tarter avec de la barbe à papa, comme j’en sais des certains qui n’écrivent que pour causer ; quand je pense qu’on abat des arbres pour recueillir leurs incohérences, merde ! On ferait mieux de les y suspendre par le cou.

Je t’indique toutefois pour mémoire l’arrivée d’une fort belle créature, à fourrer vivante et toute crue. Je laisse discrètement Bérurier à ses ébats après avoir seulement participé aux tractations, car je dois inclure leur résultat dans notre note de frais à la rubrique « divers ». Le cher homme, ravi de cette existence de pacha, se prend pour un prince pétrolifère.

Un incident technique l’oppose à sa partenaire, concernant des ablutions qu’elle exige de lui préalablement, à quoi le Furax rétorque que l’amour pasteurisé, lui, merci bien : il raffole des venaisons. Et est-ce qu’il lui demande de se détartrer la babasse à Mlle la signorina ? Non, mon petit : il est prêt à lui groumer la case départ sans vérification aucune, parce que selon lui, l’amour c’est un grand élan bestial et généreux. Alors, si elle chipote et fait la fine bouche, qu’elle lui redonne le carbure et aille baiser chez les Suisses qui eux se lavent pis que les Yougos, ajoute-t-il pour ne pas rater un calembour. En voilà-t-il pas des façons ! Non, mais pour qui ça se prend ? C’est né dans des faubourgs cradingues et ça joue les Miss Savonnettes.

Au plus fort de ses protestances, son biniou grelotte. Calmé par la sonnerie, le Mastard dégoupille l’écouteur :

— Mouais, j’esgourde ? C’est d’la part de qui est-ce ?

On le lui révèle, il murmure :

— Le professeur Corvonero ? Jockey ! Passez-m’le.

Pour lors j’interviens et pénètre en trombe (d’Eustache) dans sa turne où la gonzesse boudeuse, en manteau de fausse panthère synthétique, très réussi, allume la cigarette de l’écœurement.

Je colle ma tempe contre la sienne, juste comme une voix de contrebasse à cordes désaccordées demande en italien s’il est bien le signor Bérourièré.

— Y a d’ça, convient le Gros, mais si vous caus’rez pas français, on risque d’s’en dire moins long qu’à l’Onu, mon pauv’ signor.

Pas contrariant, le professeur Corvonero entame la converse dans notre misérable dialecte qui a tant fait pour propulser le cerveau voilé de notre culture.

— Jé souhaiterais avoir ouna conversazione avec vous, signor Bérourièré, déclare le téléphoneur.

Le Mastard, à qui j’ai fait répéter son rôle dans l’hypothèse de cet appel, chique au tortueux.

— Une converse à propos de ce serait quoi donc, signor Machinechouetto ? il demande.

— A propos de ce qu’une jeune femme a oublié de laisser en place dans mon automobile, euphémise délicieusement le prof.

— J’ne voye pas ce que vous disez, Mister Ringardo. Si c’est pour du charabia, vous vous gourez de lourde, ici on n’cause qu’le françouzen mais on l’cause impec, et quand on appelle un matou un greffier, c’est qu’c’est bien un chat ; faut-il que je vais mettre un point final ou seul’ment une virgule à c’t’entretien ?

Un temps.

Puis la voix, avec de la lassitude et de l’irritation sous-jacentes :

— Je pense qu’il serait bon que nous nous rencontrions, signor Bérourièré ; vous n’êtes pas ennemi de vos intérêts ?

— J’ai pas d’ennemis, se retranche prudemment l’Artiste.

— En ce cas je viens vous voir ; d’accord ?

Le Mammouth toussote :

— Souate, puisqu’vous y t’nez, mais laissez-moi une p’tite plombe pour qu’j’termine un lot à réclamer dont avec qui j’ai des problèmes d’urbanisse. Allez, tchao, milord.

Là-dessus il raccroche.

— Dis donc, mec, les rivières d’eau troub’ sont poissonneuses dans c’patelin, jubile Son Eminence, à peine que tu trempes ta ligne, ça mord !

* * *

Moi, impudent comme tu me sais, je ne me gêne pas pour percer un trou dans la cloison pendant que Bérurier lime sa conquête tarifée après avoir consenti à une savonneuse express, à l’eau tiède, donc propitiatoire. Mon orifice débouche, d’après mon estimation, au milieu d’un motif représentant une corbeille de flowers, en plein dans un coquelicot, ce qui ne se remarque point. Ayant interjeté la bite malpropre, la signorina renâcle ensuite quant à ses dimensions, mais, vaseline pas morte, hein ? Elle, c’est pas le genre de Chaperon rouge à s’embarquer sans galette et petit pot de beurre. Je te communique ces détails domestiques par pure probité professionnelle, soucieux qu’I am de ne rien celer (sinon à la cire) à une lectrice comme te voilà, mignonnette, avec tes yeux de velours et ta chattoune à poils longs[1]. L’écrivain courageux se doit de tout dire. Je ne suis pas tellement écrivain, mais je suis courageux. Alors je dis tout ! Et s’il y a des pisseuses froides à l’horizon, qu’elles changent de slip et de trottoir !

Ses ébats amoureux accomplis, au grand dam d’une lampe de chevet, d’un pied de lit et d’une gravure au cadre vermoulé, le Gros congédie sa conquête fourbue, l’embrasse entre deux rots consécutifs au champagne, remonte son pantalon, boucle sa ceinture achetée chez un bourrelier de village, ramasse les débris de la lampe, cale le plumard avec l’annuaire des téléphones, pète en grand, s’évente le dargif avec un Parisien que je n’ose qualifier de Libéré et attend le professeur Corvonero dont la politesse est l’exactitude des rois et qui, de ce fait, ramène sa fraise.

Je l’ai déjà vu, et tu sais en quelle circonstance, alors qu’il trépignait de courroux. Au repos, détendu, je dois admettre qu’il a meilleure allure. C’est un petit homme plutôt épais, plutôt chauve, avec un teint d’hépatique, une moustache fine de danseur de tango professionnel, et une paupière plus lourde que l’autre, détail dont je raffole dans mes descriptions, car j’ai connu des gens dont un store pendouillait, et ils m’ont beaucoup marqué.

Il porte un beau costume gris, une belle chemise bleue, une belle cravetouse marine dans laquelle est piquée une perle grosse comme un œuf de pigeonne pas feignante du petit guichet.

Mon pote l’accueille avec une grande dignité en comparaison de laquelle Louis le Quatorzième aurait l’air d’un des participants aux Jeux de Vingt Heures.

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Une lectrice passionnée faisait remarquer récemment à San-A qu’il s’adressait toujours à un homme dans ses digressions. Frappé par cette vérité, et ne voulant plus être taxé de racisme, l’illustre romancier a décidé de prendre également une lectrice à témoin. Toi, en l’eau cul rance. Tu peux être fière, petite salope !

Le Directeur Littéraire