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Où es-tu camarade, où es-tu? En prison, et le ciel par dessus Que fais-tu camarade, que fais-tu? Un corsaire est toujours un pendu!
J'en ai passé des nuits d'amour Chacun pour soi, chacun son tour, Nous fallait bien notre pitance Mais pas un cœur ne va pleurer Quand je serai mort et enterré Tout seul au pied de ma potence. Le vent de mer nous a trahis, Nous a fait voir de beaux pays, Et puis voilà où nous en sommes! Le vent de mer est un menteur, Les braves gens n'ont pas de cœur Et le corsaire est un pauvre homme
Où es-tu camarade, où es-tu? En prison, et le ciel par dessus Que fais-tu camarade, que fais-tu? Un corsaire est toujours un pendu!

La confession d'un gueux

Paroles: H. Delattre et Antoine Queyriaux. Musique: Adelmar Sablon

Quoi, monsieur l'curé, faudrait que j' vous dise Si j' crois au Bon Dieu? Vous vous moquez d' moi! Si j' viens d' temps en temps dans votre vieille église C'est qu' vous la chauffez et qu' dehors, j'ai froid. Mais comme cependant vous m' semblez brave homme, J' viens vous faire tout d' même un brin d' confession. J' suis qu'un va-nu-pieds, une pauvre bête de somme, Je n'ai qu' l'expérience et pas d'instruction; Mais j' peux bien vous l' dire en toute liberté, Ces grands mots qu' partout On lit à la ronde, Votre Egalité, votre Fraternité, Ils sont écrits là pour se foutre du monde!
T'nez, monsieur l' curé, quand j'étais tout mioche, J' n'ai pas eu d' baisers, mais j'ai r'çu des coups, On m'en a fichu d' ces sacrées taloches. Il est vrai qu'mon père n'm'aimait pas beaucoup. A douze ans, on m' mit en apprentissage, j' fus l'souffre-douleur d' certains ouvriers. Alors, un beau jour, je perdis courage Et j' partis, montrant l'poing à l'atelier.
Quand vous dites qu'il faut aimer son prochain, Et que j' me souviens de toutes mes misères! C'est toujours Abel qu'est tué par Caïn! Ne prêchez donc pas qu' tous les hommes sont frères.
T'nez, monsieur l'curé, à vingt ans à peine, Je partis soldat, j' croyais être heureux, Si j' n'eus pas à m' plaindre de mon capitaine, J' n'en dis pas autant des p'tits galonneux. Ils m' traitaient d' crétin, d' fainéant, d' sale bourrique. Y en a qui trouvent ça très intelligent, Et j'ai ramassé pour cinq ans d'Afrique Parc' qu'un jour, furieux, j' frappai mon sergent.
J' sais pas si là-haut, c' que dans votre fourbi Vous app'lez l'Enfer, c'est une chose atroce; Mais j' vous garantis qu' sortant d' Biribi, Le mouton l' plus doux d'vient une bête féroce!
T'nez, monsieur l'curé, je n' veux plus rien dire Parc' que j' sens qu' maintenant, j'irais p't-être trop loin, Repoussé d' partout, j' termine mon martyre Jusqu'à c'qu'on m'ramasse crevé dans quéqu' coin. Y a une Société qui protège les bêtes, Qui les r'cueille et veille à c'qu'elles n' meurent pas d' faim. Savez-vous c' qu'en pensent quelques mauvaises têtes? Qu'on en fasse autant pour le genre humain.
Aimer les quatre-pattes, certainement qu' c'est beau Et les philanthropes ont raison en somme, Je n' suis pas jaloux du sort des cabots; Mais, avant les chiens, faut nourrir les hommes!

La croix du chemin

Paroles: Roland Gaël. Musique: Gustave Goublier 1900

Pareille au chêne de cent ans La vieille croix de bois sur les moissons sommeille Des soirs bleus à l'aube vermeille Sous les neiges d'hiver, dans les fleurs du printemps Elle est là dans les luzernières De l'orage bravant les coups Pour dire aux paysans: Soyez bons! Aimez-vous! Restez unis comme des frères
C'est la croix du chemin, rêveuse et solitaire Avec ses bras tendus qui bénissent la terre Debout, devant l'horizon noir C'est la croix du chemin, sur la plaine en prière Dans les rumeurs du vent et dans la paix du soir
A travers le sol beauceron Pas un arbre n'étend son feuillage immobile Dans l'océan vert, c'est une île Que l'on voit se dresser sur le grand horizon L'alouette des champs s'y pose Dans son ombre, le vagabond S'abrite du soleil en mangeant le pain rond Qu'un filet d'eau de source arrose
C'est la croix du chemin; elle te parle, écoute, Errant au ventre creux qui passe sur la route, Plante-là ton bâton d'ormeau C'est la croix du chemin, chemineau pâle, écoute Et salue, en rêvant, Jésus le chemineau.
Moi qui ne tremble devant rien Incrédule, endurci, blasé par la souffrance, Perdu parmi la plaine immense J'ai dit: Que fais-tu là, vieille croix du chemin? Sous la nuit étendant ses voiles, Tu te penches plus qu'il ne faut! C'est afin, dit la croix, qu'un de mes bras, là-haut, Te montre encore les étoiles