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Les Autrichiens épousaient la ligne française, présentant un front concave étiré sur vingt kilomètres. Le flanc droit était assuré par le 6e corps de Klenau et le 3e corps de Kolowrat. Les troupes d’élite de réserve du prince de Liechtenstein reliaient la droite au centre. Celui-ci était impressionnant. Il dominait le plateau de Wagram, haut d’une quinzaine de mètres et bordé par le Russbach, une rivière encaissée aux abords marécageux. Il y avait là le 1er corps de Bellegarde, le 2e corps d’Hohenzollern et la réserve de cavalerie de Nostitz. Enfin, la gauche se composait du 4e corps de Rosen-berg et de l’avant-garde de Nordmann.

Au soir du 5 juillet, l’archiduc Charles attendait anxieusement l’arrivée de l’archiduc Jean, dont les hommes, supposés jaillir sur la droite française, placeraient Napoléon dans une situation très difficile. Il ignorait que son frère se trouvait encore loin et ne parvenait pas à accélérer la progression de ses troupes.

Napoléon savait que le temps jouait contre lui : il lui fallait agir vite afin de priver Charles de ce renfort. Il n’avilit aucune idée des intentions de son adversaire. Les Autrichiens n’avaient pas réellement tenté de lui tenir tête. L’archiduc Charles prévoyait-il de se replier pour livrer bataille ailleurs ? Jusqu’à présent, tout s’était parfaitement déroulé pour les Français. Napoléon décida donc de forcer sa chance, contrairement à son plan initial, qui prévoyait de ne déclencher la bataille principale que le lendemain. L’Empereur donna l’ordre aux Saxons de Bernadotte de prendre le village de Deutsch Wagram, à droite du centre autrichien. Oudinot, le prince Eugène – dont l’armée comprenait les corps de Macdonald et de Grenier – et Davout reçurent pour mission d’attaquer le centre ennemi. Napoléon déclara à un aide de camp : « Allez donc dire à Oudinot que je n’entends plus rien, qu’il pousse un peu plus en avant et qu’il nous fasse un peu de musique avant la nuit. »

La bataille débuta à dix-neuf heures trente. Oudinot échoua face à la ténacité des Autrichiens. Le prince Eugène faillit réussir, mais l’archiduc Charles vint en personne galvaniser ses hommes et, là aussi, les Français durent se replier. La division française Seras, voyant des Français battre en retraite tout en étant suivis par des soldats vêtus de blanc, tira sur ces derniers. Il s’agissait en fait des Saxons de Dupas qui, pris dans ce feu croisé avec celui des Autrichiens, s’enfuirent. Ces hommes bousculèrent les divisions Lamarque, Seras et Durutte, qui refluèrent à leur tour en grand désordre. Il fallut un long moment pour que ces troupes se ressaisissent. Seul Davout parvint à avancer mais, isolé, il dut revenir à sa position initiale.

À la nuit tombée, les Saxons de Bernadotte piétinaient toujours devant les abords du village de Deutsch Wagram. D’autres Saxons, les grenadiers de la Leib Garde et les bataillons von Bose et von Edigy, furent envoyés en renfort. Mais ces fantassins ignoraient où se trouvaient exactement leurs compatriotes. Quand ils arrivèrent devant le village, l’obscurité et la fumée des combats augmentaient la confusion. Ils aperçurent des soldats aux habits blancs et ils ouvrirent le feu. Or il s’agissait là encore de Saxons. Pendant que les Saxons s’entre-tuaient, les Autrichiens contre-attaquèrent et mirent les assaillants en déroute.

Cette première tentative d’enfoncement se clôtura donc sur un cuisant échec. L’archiduc Charles n’en profita pas pour réagir. La nuit rendait les combats trop hasardeux.

CHAPITRE XXXI

Durant la nuit, dans les deux camps on révisait ses plans.

L’Empereur projetait toujours d’enfoncer le centre autrichien. En cas de réussite, l’armée adverse serait anéantie. Napoléon voulait remporter une victoire totale qui contraindrait l’Autriche à la reddition et qui dissuaderait les autres pays de prendre les armes contre lui. Pour cela, il lui fallait affaiblir le centre ennemi. Il choisit donc de conserver un flanc gauche fragile. Celui-ci, très étiré, n’était maintenant défendu que par le 4e corps de Masséna. Cette faiblesse était en réalité un piège. Elle devait inciter l’archiduc à attaquer à ce niveau. Ainsi, Charles serait obligé de dégarnir son centre pour renforcer sur sa droite les troupes chargées d’enfoncer le flanc gauche français. Par ailleurs, Davout devait déborder les Autrichiens sur leur gauche, si bien que d’autres régiments ennemis abandonneraient également le centre, mais pour aller soutenir leur aile gauche. De plus, cette manoeuvre française empêcherait l’éventuelle jonction des forces de l’archiduc Jean avec celles de son frère. Napoléon lancerait alors son attaque principale : un déferlement sur le centre autrichien. Cette tactique risquée du flanc affaibli avait admirablement bien fonctionné à Austerlitz.

Mais il fallait impérativement que Masséna tienne bon sur l’aile gauche, qui recevrait une puissante attaque autrichienne.

Cependant, Napoléon sous-estima une nouvelle fois la combativité des Autrichiens. Il pensait que Charles tenterait uniquement de percer la gauche française. Contre toute attente, le généralissime autrichien opta pour un plan de bataille particulièrement offensif. Non seulement il décida d’enfoncer le flanc gauche français avec le 3e corps de Kolowrat et le 6e corps de Klenau, mais il ordonna également que le 4e corps de Rosenberg contourne le flanc droit français tandis que le 1er corps de Bellegarde et le 2e corps d’Hohenzollern assailliraient le centre. Le corps de réserve de Liechtenstein assènerait le coup de boutoir final.

Le 6 juillet, à quatre heures du matin, le 4e corps de Rosenberg se jeta sur l’aile droite française, composée par le 3e corps de Davout. Ce dernier, surpris, commença à céder du terrain. Napoléon se précipita aussitôt dans ce secteur avec les cuirassiers de Nansouty et d’Arrighi.

Pendant ce temps-là, le 1er corps de Bellegarde s’empara du village d’Aderklaa, qui marquait l’angle entre le centre français et le flanc gauche. Ce heu avait été évacué par le 9e corps saxon de Bernadotte. En effet, les Saxons avaient été éprouvés par les paniques de la veille. Le maréchal Bernadotte estimait qu’il ne résisterait pas aux Autrichiens et il s’était replié. Or Napoléon n’avait jamais envisagé de perdre Aderklaa. Ce lieu était crucial pour la réussite de son plan. Lorsque la Grande Armée tenterait d’enfoncer le centre autrichien, si Aderklaa était toujours aux mains de l’ennemi, le 1er corps autrichien de Bellegarde, n’étant pas menacé, viendrait soutenir la zone attaquée. Par ailleurs, les troupes de l’archiduc positionnées sur l’aile droite pourraient rejoindre beaucoup plus vite le centre en danger, car elles n’auraient pas à contourner à distance ce village. Napoléon ordonna donc au maréchal Masséna, « l’enfant chéri de la victoire », de le reprendre. Mais, de ce fait, plusieurs régiments de Masséna ne seraient plus disponibles pour protéger l’aile gauche, ce qui fragiliserait encore plus celle-ci.