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Pour l’instant, j’ai ballepeau à me foutre sous la dent, moi. Je ne suis pas comme l’inspecteur Mathieu ! Si je tenais au moins le père Chultenmayer pour une converse au sommet ! Mais tu penses « qu’ils » ne vont pas me le laisser à disposition… Rentrera-t-il seulement un jour de sa balade en voiture ? Seul point positif : cet appel tubophonique devant intervenir à six plombes. Il sera présent à l’appel, l’Antonio, fais-lui confiance !

Ma… tension physique prend le pas sur ma tension morale. Est-ce le climat africain qui me vaut ce surcroît de zanzibar ? Je me dis que je vais pas pouvoir tenir commako toute la journée. Va falloir me faire décapsuler le broc-à-braque, briquer le braque à broc. Et dard-dard encore ! Sinon je vais violer, moi, tellement que ça champignonne dans mes hardes. Plus tenable ! Un cas ! Une maladie !

Oh, quine ! Je vais rendre visite à Murielle, qu’elle me finisse une bonne fois !

* * *

Eh ben, son logement, c’est pas du tout le taudis que je subodorais. Il n’est pas cradingue, ne pue pas la tanière. Non, il s’agit d’un délicieux studio, surgarni de meubles en contre-plaqué, similiacajou, de tapis africains, de statuettes que ça représente la tour Eiffel, le Sacré-Cœur et la Grotte de Lourdes avec, au bord d’elle, la délicate Bernadette, cousine à Paul Guth, comme j’ai eu l’occase de te le révéler guère plus avant. Des choses de bon ton, comme tu peux le vérifier. Et même un canapé-lit, style cosy-corner des années folles, qui a survécu à l’humidité du pays.

Miss Murielle m’accueille d’un sourire grand comme une tranche de pastèque.

Elle savait que je viendrais. Ne marque aucun orgueil de sa victoire. Ses yeux avertis (qui n’ont pas besoin d’en valoir deux car ça lui en ferait quatre) vont droit au point de tension de mon bénouze.

Le puissant renflement qui s’y manifeste en raconte plus sur mon état de santé qu’un bilan clinique signé par une sommité médicale.

— Je t’attendais, elle gazouille. Tu ne pouvais pas tenir mieux longtemps, parce que tu sais pourquoi ? J’avais mis sur ma bouche, avant de t’embrasser, de la poudre de capharnaüm sauvage mélangée à de la poudre d’escampette bleue. Et alors quand tu goûtes ça, le monsieur, y te vient la bananade géante. Et pour te l’arrêter, si tu veux pas baiser français ou autre, tiens !

Elle se passe le bout des doigts sous le menton, en un geste exprimant « la nique », ce qui est tout à fait opportun.

— T’es une vraie petite garce, fulminé-je.

J’aimerais bien tourner les talons, mais mon cas de force majeure me retient. J’irais où ? Déjà que dans le taxi et pour traverser la rue m’a fallu me protéger la décence à l’aide d’Abidjan Soir ! Non, vrai, c’est la fin de section. L’instant vercingétorixien où je dois déposer mon arme à répétition aux pieds de Césarine, ou tout au moins dans son frifri. Après, j’aurai les idées plus claires et il me sera loisible de lui dire ce que je pense de son procédé machiaphallique.

— Tu veux la belle séance française ou seulement la bibique ivoirienne, chéri ? questionne la poulette.

En v’là une, je te jure, c’est grand dommage qu’elle ait largué sa précédente profession. Boutique-son-cul, ça lui convenait idéalement, presque mieux encore que la présidence de la République française à M. Giscard. Destin, te dire !

Bien que j’aie grande hâte qu’on éteigne mon incendie, étant d’esprit curieux, je m’enquiers de la différence des techniques.

Elle m’apprend :

— Baiser ivoirien, c’est juste une pipe et puis tac-tac dessus-dessous. Baiser français, ça tu connais : l’huile de palme et les feuilles de…

Je l’interromps.

— Restons français, dis-je sobrement, en vrai patriote.

L’EXTASE

Séance mémorable, toujours est-il.

Nous aurons beau dire, beau-frère, pêcher le faux pour avoir l’ivraie, nous abîmer dans des crises de conscience profondes comme des tombereaux, tant valler la cruche salaud qu’à la fin elle se case, séparer le bon gain de l’ivresse, et même, voui, même, nous avons beau être ou ne pas être : nous sommes !

Et comme nous sommes, nous sommes ce que nous sommes, c’est-à-dire, si tu veux mon avis, de fameux dégueulasses, toujours partants pour le plaisir, donnant l’alarme à l’œil, éjaculant précautionneusement, bouffant des culs et notre pain blanc le premier, repoussant au surlendemain ce qu’on aurait dû faire la veille, et cent fois remettant notre ouvrage sur le métier sans jamais le finir. Notre faiblesse est si forte qu’elle nous sert de force. Le drame de nous tous autres, c’est que nous avons étonnamment la force de notre faiblesse et que nous nous pardonnons nos offenses comme nous les impardonnons à autrui. Notre destin, c’est de tirer des chèques sur des comptes en rouge ; de bouffer du lard avec 4,5 de triglycéride ; de prier Dieu pour qu’Il nous pardonne de ne pas Le prier ; de baiser à travers et très souvent à tort des gens qu’on connaît mal avant et qu’on ne reconnaît plus après ; de faire des enfants inadvertés ; de mentir pour (et avec) un oui et des non ; de jouir en dépit des bons sens ; de vomir la bouche pleine ; de croire savoir ; d’empêcher de faire ; de mal se taire ; de saler les plaies de son prochain et surtout de s’embaumer soi-même de ses turpitudes pour préserver l’état de décomposition dans lequel nous nous trouvons, à peine nés et qui, la crise de pureté passée, nous extasie. Nous fûmes poissons, nous le restons. Regarde notre filiformité admirable : orifice buccal, tube digestif, anus, queue. Point final à (la pêche à) la ligne ! Poissons, te dis-je ! Et quasiment reptiles. L’anguille notre mère à tous ! Ah que oui : reptiles ! Et plus ophidiens que sauriens. Rampants jusque dans la fange, ventre au miasme ! Et Saint-Gris ! Ils en mourront tous, car tous en sont frappés. Oh, vilains monstres (car il en fut de beaux !), pleutrons, étrons, salcons, éparsité louche, crème de pus ! Peut-être pas fils, mais assurément pères de putes.

Ainsi je m’agonise d’injures habilement généralisées, étendues sur l’immensité du prochain comme le ciel sur sa tête de nœud de charognerie de prochain, trop prochain pour que je sois honnête ! Tu peux pas appartenir à « ça » et en être exempt. Être né de ce cloaque et ressembler à l’oxygène d’un matin forestier. A l’abri du nombre, je maudis ma faiblesse, mon esprit de jouissance que tu parlais, Maréchal Nouvoilà, toi qui avais la pureté de l’impuissance.

Oui, me tordant de volupté sur ce cosy terriblement corner de la noire et infernale Murielle, je me reproche mon pied, pire qu’un Victor Hugo qui en aurait foutu treize dans un alexandrin, lui, Alexandrin-le-Grand ! Lui qui avançait toujours et jamais Beaumarchais !

Mais enfin, quoi : remords ou pas, honte ou non, c’est le panard fabule, mon frère. Faut convenir. L’intense déburnement. Orbite or note ta bite ! Mon esprit est blackboulé. Mis en ballochage par mes sens sublimés. Zob pour Pascal ! Encore un bandemou, cézigue, tu veux parier ? Mon paf est le sceptre brandi de la matière triomphante. La pensée est mise en attente. Elle sera pour ensuite, pour plus tard, engendreuse de chagrins.

Je suis pas du genre gueulard en amour. J’ai la pudeur de mes pâmades. Mais là, c’est grand comme de la souffrance, un fade de cette envergure. Tu pars en miettes. S’éclater, c’est ça, ou alors quoi-ce ?

Je retombe à demi groggy sur le quasi-corner à mademoiselle.

Elle a la question rituelle, en exercice sous toutes les latitudes et la plupart des longitudes :