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Le colonel Williamson lui avait confié les copies des rapports les plus détaillés et les plus récents que le corps des Moniteurs lui avait fait parvenir, mais il commença par l’étude du dossier que lui avait remis O’Mara.

Lonvellin avait entendu certaines rumeurs inquiétantes au sujet d’un monde situé dans une région pratiquement inexplorée du Petit Nuage de Magellan et c’était alors qu’il se dirigeait vers lui qu’il était tombé malade et qu’il avait été admis au Secteur Général. Peu après qu’il eut été déclaré guéri il avait repris son voyage et, quelques semaines plus tard, il avait contacté le corps des Moniteurs. Selon lui, la situation sur le monde qu’il venait d’atteindre était à la fois sociologiquement complexe et médicalement primitive, et il avait besoin de conseils sur le plan médical avant de pouvoir lutter efficacement contre les nombreux maux sociaux qui affligeaient cette planète en détresse. Il avait également demandé s’il était possible que certains êtres de classification physiologique DBDG lui fussent envoyés pour agir en tant qu’agents secrets chargés de recueillir des informations, étant donné que les autochtones appartenaient à cette classification et qu’ils étaient violemment hostiles à toute forme de vie étrangère, chose qui avait fortement gêné les activités du EPLH.

Le fait que Lonvellin eût demandé de l’aide était en soi extrêmement surprenant, tant en raison de son intelligence exceptionnelle que de l’habileté dont faisaient montre les membres de son espèce pour résoudre d’immenses problèmes sociologiques. Mais cette fois, les choses avaient désastreusement mal tourné et Lonvellin avait été bien trop occupé à mettre en pratique sa science de la défense pour pouvoir entreprendre quoi que ce soit …

D’après son rapport, il avait commencé par observer la planète depuis l’espace durant un grand nombre de ses révolutions. Il avait suivi les émissions radio par l’entremise de son traducteur et avait en particulier été surpris par le niveau d’industrialisation très faible qui contrastait étrangement avec la présence d’un unique port spatial encore en activité. Après avoir réuni et analysé toutes les informations qui lui semblaient utiles, il avait jeté son dévolu sur ce qu’il estimait être le meilleur point où se poser.

En se basant sur les preuves dont il disposait, Lonvellin avait déduit que ce monde (appelé Etla par la population autochtone) avait autrefois été une colonie prospère qui avait par la suite à tel point régressé pour des raisons économiques qu’elle ne maintenait presque plus aucun contact avec l’extérieur. Mais de tels contacts existaient encore, bien qu’à une échelle fort réduite, et Lonvellin en avait déduit que sa première tâche, habituellement la plus délicate, serait grandement facilitée. Le EPLH devait en effet convaincre les indigènes qu’ils pouvaient faire confiance à un étranger descendu du ciel et peut-être horrible à leurs yeux. Mais comme ces gens devaient avoir déjà rencontré des créatures venues d’autres mondes, il avait décidé de jouer le rôle d’un pauvre étranger désorienté et un peu stupide, qui était contraint de se poser pour effectuer certaines réparations sur son vaisseau. Cela aurait dû lui permettre de demander des morceaux de ferraille et de roche sans la moindre valeur et de feindre d’avoir de grandes difficultés à faire comprendre à ces Etliens de quoi il avait exactement besoin. Mais en échange de ces détritus il pourrait donner des articles de grande valeur, et les indigènes les plus entreprenants l’apprendraient rapidement.

Lonvellin s’attendait à être honteusement exploité, mais cela lui importait peu. Les choses changeraient avec le temps et, plutôt que d’offrir des articles coûteux, il pourrait alors proposer de rendre des services encore plus inestimables. Il laisserait finalement entendre qu’il considérait désormais son vaisseau comme irréparable et, graduellement, on l’accepterait comme résident permanent. Après quoi ce ne serait plus qu’une question de temps, et le temps était bien la chose qui risquait le moins de lui manquer.

Il s’était posé à proximité d’une route qui reliait deux petites villes et l’occasion de révéler sa présence à un indigène s’était rapidement présentée. Mais l’Etlien avait pris la fuite en dépit de la prise de contact extrêmement prudente de Lonvellin et des efforts déployés par ce dernier pour tenter d’apaiser ses craintes par l’entremise du traducteur. Quelques heures plus tard, de petits projectiles de facture, grossière avaient commencé à pleuvoir sur son vaisseau et la zone boisée environnante avait été saturée de produits chimiques volatiles avant d’être délibérément incendiée.

Lonvellin se trouvait dans l’incapacité de poursuivre son œuvre tant qu’il ne saurait pas pourquoi cette race, qui avait fait l’expérience du voyage spatial, était si aveuglément hostile aux étrangers. Comme il n’avait pas été à même de pouvoir poser lui-même cette question, il avait demandé l’assistance des Terriens. Peu après, les spécialistes en Nouveaux Contacts du corps des Moniteurs étaient arrivés, avaient jaugé la situation, et avaient pris contact avec ce peuple.

Ouvertement et dans le calme.

Ils avaient découvert que si les indigènes étaient terrifiés par les étrangers, c’était parce qu’ils croyaient que ces derniers étaient des vecteurs de maladies. Encore plus singulier était le fait qu’ils ne redoutaient pas les visiteurs d’outre-planète appartenant à leur propre espèce, ou à une race voisine, qui, en toute logique, avaient de plus grandes chances d’être porteurs de germes. Il avait été en effet établi que les maladies propres à une race ne pouvaient se transmettre aux membres des autres espèces. Tout peuple ayant une certaine connaissance du voyage spatial aurait dû le savoir, pensa Conway. C’était la première chose qu’apprenait une civilisation qui gagnait les étoiles.

Il essayait de trouver un sens à cette étrange contradiction et utilisait pour cela un cerveau fatigué et quelques travaux de référence bien étayés du programme de colonisation de la Fédération, lorsque l’arrivée du commandant Stillman l’obligea à faire une pause qui était la bienvenue.

— Nous arriverons dans trois jours, professeur, lui apprit l’officier. Et je pense qu’il serait temps que vous suiviez un entraînement de cape et d’épée. Je veux dire par là que vous vous accoutumiez aux vêtements des Etliens. Ils portent un costume très aguichant, bien que je n’aie pas personnellement d’assez beaux genoux pour que le port d’une jupe mette mes jambes en valeur.

Etla avait fait l’objet d’une prise de contact sur deux niveaux de la part des Moniteurs, ajouta Stillman. Certains agents s’étaient posés en secret et avaient adopté le costume et le langage des indigènes, car aucun autre déguisement n’était nécessaire en raison de l’étroite ressemblance existant entre les deux espèces. La plupart des informations obtenues par la suite avaient été recueillies grâce à cette méthode et jusqu’alors personne n’avait été démasqué. D’autres Moniteurs avaient d’autre part reconnu ouvertement leur origine étrangère et s’étaient entretenus avec les natifs par l’entremise de leurs traducteurs. Ils avaient raconté qu’ils avaient entendu parler du fléau dont était victime la population locale et qu’ils étaient venus lui apporter une assistance médicale. Les Etliens avaient accepté cette histoire et répondu que des offres d’assistance similaires avaient déjà été faites par le passé et qu’un vaisseau de l’Empire leur était envoyé tous les dix ans avec une cargaison des derniers médicaments mis au point, mais qu’en dépit de cela la situation ne cessait d’empirer. C’était avec reconnaissance que les Etliens accepteraient l’aide des Moniteurs, s’ils étaient capables d’apporter une amélioration à la situation, mais il était visible que les autochtones ne voyaient dans les représentants de la Fédération qu’un nouveau groupe d’incapables bien intentionnés.