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Madame, je me rappelle de vos déceptions au sein de la plèbe.

Heureusement que tu as connu mes souffrances. Écoute continua Claudia Sabine en baissant la voix intentionnellement -, sais-tu qui sont les Lucius à Rome ?

Qui ne connaît pas le vieux Cneius, Madame ? Avant de me parler de vos peines, je dois dire que je connais aussi vos chagrins et l'ingratitude du fils.

Alors, il n'est pas nécessaire de te dire ce qu'il me reste à faire maintenant. Peut-être ignores-tu qu'Helvidius Lucius et sa famille arriveront dans cette ville dans quelques jours, de retour d'Orient. Je prévois de te placer au service de sa femme afin que tu m'aides à réaliser tous mes projets.

Ordonnez et j'obéirai aveuglément.

Connais-tu Tullia Cevina ?

La femme du tribun Maximin Cunctator ?

Elle même. D'après ce que je sais, Tullia Cevina a été chargée par son amie d'enfance de trouver deux ou trois servantes d'une entière confiance et capables de répondre aux besoins du quotidien à Rome. Ainsi, il faut que tu te présentes le plus tôt possible comme candidate à ces fonctions.

Comment ? Pensez-vous que la femme du tribun pourrait accepter mon humble offre sans références qui répondent à ses critères ?

Pour cela, nous devons faire preuve d'une grande prudence. Tullia ne devra jamais apprendre que tu es une personne de ma connaissance. Tu pourrais présenter des références spéciales de Grisotemis ou de Musonia, mes amies très proches ; toutefois, cela n'irait pas non plus. Cela susciterait, peut-être, quelques soupçons quand j'aurais le plus besoin de ton intervention ou de tes services.

Que faire, alors ?

Avant tout, il faut que nous traitions de l'utilité de ton assistance dans l'intérêt de nos projets. Trouver une humble servante est une chose précieuse et rare. Présente-toi à Tullia avec la plus grande simplicité. Parle-lui de tes besoins, explique-lui tes bonnes intentions. Je suis presque sûre qu'il suffira de cela pour gagner cette première étape. Ensuite, comme je l'espère, tu seras Admise dans l'enceinte familiale d'Alba Lucinie, l'usurpatrice de mon bonheur. Tu la serviras avec humilité, soumission et dévouement jusqu'à ce que tu aies Conquis toute sa confiance. Tu n'auras pas besoin de venir me voir souvent pour ne pas éveiller les soupçons sur notre arrangement. Tu viendras ici une fois par mois afin de nous mettre d'accord sur la suite des événements. Au début, tu étudieras l'ambiance et tu m'informeras de toutes les nouveautés et de toutes les découvertes de la vie intime du couple. Ce n'est que plus tard que nous verrons la nature des services à exécuter.

Je peux compter sur ton dévouement et ton silence ?

Je suis entièrement à vos ordres et j'accomplirai vos instructions avec une absolue

fidélité.

J'ai confiance en toi.

Une fois cela dit, Claudia Sabine livra à sa comparse quelques centaines de pièces en gage de leurs mutuels engagements.

Avidement, Hatéria a immédiatement pris la somme d'argent lançant un regard cupide à la bourse et s'exclamant empressée :

Vous pouvez être sûre que je serai vigilante, humble et discrète.

Les ombres de la nuit tombaient sur les Monts Albans quand l'émissaire de Claudia est allée voir Tullia Cevina quelques heures plus tard, aux fins qui nous sont connues.

La femme du tribun Maximin Cunctator, patricienne au cœur bon et aimable reçut cette femme du peuple avec générosité et douceur. Les sollicitations insistantes d'Hatéria l'émurent beaucoup. Elle avait commenté la demande de son amie Alba Lucinie dans le cercle très restreint de ses amitiés les plus intimes ; néanmoins, cette servante inconnue n'apportait pas les références de l'unes de ses amies avec qui elle s'était mise d'accord. Mais elle attribua cela au bavardage de quelques esclaves qui aurait été mise indirectement au courant lors d'une conversation insouciante.

L'humilité et la simplicité d'Hatéria lui semblèrent adorables. Ses manières révélaient une extraordinaire capacité de soumission, empressée et affectueuse.

Tullia Cevina l'accepta et s'apitoyant sur son sort, l'accueillit le soir même et l'installa avec ses domestiques. Quelques jours plus tard, à la porte d'Ostie, il y avait une singulière agitation. Des véhicules luxueux se dirigeaient vers le port où la galère de nos personnages avait déjà été ancrée.

Sur les structures de la plage ensoleillée éclataient les manifestations de joie et d'émotion. Quantité d'amis et de représentants de la vie sociale et politique étaient venus recevoir Helvidius et Caius dans un déluge d'accolades affectueuses.

Lolius Urbicus et sa femme arrivaient aussi aux côtés de Fabien Corneille et de son épouse Julia Spinter, une vieille patricienne connue pour sa fière loyauté aux traditions en vigueur. Tullia Cevina et Maximin Cunctator se trouvaient également présents, soucieux de saluer fraternellement leurs amis qui étaient restés absents pendant de longues années. Plusieurs parents et proches se disputaient entre eux l'instant d'étreindre chaleureusement les chers arrivants, mais parmi toute cette foule se détachait la figure vénérable de Cneius Lucius, auréolé de ses cheveux blancs, que les pénibles expériences de la vie avaient sanctifié. Une atmosphère d'amour et de vénération planait autour de sa personnalité vibrante de culture et de générosité que ses soixante quinze ans de luttes n'avaient pas réussi à éteindre. La société romaine avait suivi chacun de ses pas, reconnaissant toute la noblesse et toute la loyauté de son caractère respectant l'un des exemples les plus sacrés de l'éducation ancienne pleine de la beauté de Rome dans ses principes les plus austères et les plus simples.

Cneius Lucius avait su mépriser toutes les positions de domination, comprenant que l'esprit de militarisme menait à la décadence de l'Empire, s'esquivant de toutes les situations matérielles notables afin de conserver son ascendant spirituel. Dans le cadre de ses nombreux services rendus à la collectivité, il avait pris des mesures dans le gouvernement impérial en faveur des esclaves qui enseignaient les bases de la lecture et de l'écriture aux enfants de leurs maîtres, sans parler de toutes les oeuvres de bienfaisance sociale au profit des plus pauvres et des plus démunis que la chance n'avait pas favorisés.

Son nom était respecté, non seulement dans le milieu aristocratique du Palatin, mais aussi à Suburra où s'entassaient les familles anonymes et pauvres.

Ce matin-là, le visage du vieux patricien laissait entrevoir la joie calme qui vibrait dans son âme.

Il a longuement étreint ses enfants contre son cœur, pleurant de joie en les embrassant; baisa ses petites-filles avec une affection toute paternelle. Mais alors que les salutations les plus festives étaient échangées dans le tourbillon des démonstrations expressives d'affection et d'émotion, Cneius Lucius a remarqué que Lolius Urbicus dévisageait avec insistance le profil de sa belle-fille, pendant que Claudia Sabine, feignant d'avoir complètement oublié le passé, concentrait son attention sur Helvidius avec des regards furtifs qui disaient tout à son cœur plein d'expérience, fatigué de lutter contre les capricieuses désillusions du monde.

Nestor, à son tour, débarqué en Ostie pour satisfaire son vieux rêve de connaître la ville célèbre et puissante, sentait des émotions inconnues vibrer en son for intérieur, comme s'il revoyait des lieux accueillants et chers. Il avait maintenant l'entière conviction que le paysage qui se dévoilait à ses yeux avides, lui était familier depuis des temps reculés. Il n'arrivait pas à préciser la chronologie de ses souvenirs, mais il conservait la certitude que, par un processus mystérieux, Rome était vraiment là dans le souvenir de ses réminiscences les plus profondes.

Ce même jour, alors qu'Alba Lucinie et ses filles accompagnées de Fabien Corneille et de sa femme se dirigeaient vers la ville, Helvidius Lucius prenait place aux côtés de son vieux père et partait en direction de la banlieue, ne prêtant aucune attention au temps qui passait ou au charmant paysage en chemin, complètement plongés qu'ils étaient dans leurs confidences les plus intimes.