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Non, cher grand-père, j'ai du mal à l'admettre, mais Je sens dans votre âme la même capacité de compréhension qui vibre dans la mienne et je dois être Sincère. Les dieux de nos anciennes traditions ne me satisfont déjà plus...

Comment cela, mon enfant ? À quelles entités des Cieux confies-tu aujourd'hui ta foi sublime et fervente ?...

Et comme si dans ses grands yeux vibraient une étrange lumière, Célia a répondu calmement :

A présent, je dépose ma foi en Jésus-Christ, le Fils de Dieu Vivant.

Tu te déclares chrétienne ? - a demandé son vieux grand-père devenu blême.

Il ne me manque que le baptême.

Mais, fille - a dit Cneius Lucius donnant à sa voix une douce inflexion de tendresse -, le christianisme est en contradiction avec tous nos principes car il élimine toutes les notions religieuses et sociales fondamentales à notre conception de l'état et de la famille. En outre, ne sais-tu pas qu'adopter cette doctrine, c'est marcher au sacrifice et à la mort ?...

Grand-père, malgré vos études longues et poussées, je pense que vous ne connaissez pas les principes de Jésus et la douce clarté de ses enseignements. Si vous aviez idée de sa doctrine dans son intégralité, si vous entendiez directement ceux qui sont emprunts de sa foi, vous auriez enrichi bien davantage le trésor de bonté et de compréhension de votre esprit.

Mais on ne peut comprendre qu'une idée aussi pure achemine ses adeptes à la condamnation et au martyre depuis presque un siècle.

Néanmoins, grand-père, vous n'avez peut-être pas encore considéré les circonstances de cette condamnation car Jésus a promis les joies de son royaume à tous ceux qui souffrent sur terre par amour en son nom.

Tu délires, ma chérie, il ne peut être une divinité plus grande que notre Jupiter, ni ne peut exister un royaume supérieur à notre Empire. En outre, le prophète nazaréen, d'après ce que je sais, a prêché une fraternité impossible et une humilité que nous autres ne pouvons comprendre.

Il a posé sur sa petite-fille un regard calme plein d'une mystérieuse charité, ressentant pourtant une émotion plus intense lorsqu'il croisa ses yeux sereins, miséricordieux, transparents d'une candeur indéfinissable.

Grand-père - a-t-elle continué le regard abstrait comme si son esprit agitait des souvenirs chers et lointains -, Jésus-Christ est l'agneau de Dieu qui est venu arracher le monde de l'erreur et du péché. Pourquoi ne pas comprendre les divins enseignements si nous avons faim d'amour en notre âme ? Apparemment je suis jeune et vous un homme âgé pour le monde ; cependant, je sens en moi qu'à la base de la connaissance spirituelle nos Idées sont analogues...

De la terre entière nous viennent des clameurs de révolte et des cris de combat... Le fiel des opprimés se mêle aux larmes de tous ceux qui souffrent dans l'humiliation et dans la captivité !...

Vous avez connaissance de tous ces tourments Insondables qui assaillent le monde entier ! Vos livres parlent des angoisses indéfinissables à votre esprit sensible et affectueux. Ces cris de souffrance arrivent jusqu'à vos oreilles, à tout moment !

Où sont donc nos dieux d'ivoire qui ne nous sauvent pas de la décadence et de la ruine ?! Où est Jupiter qui ne descend pas sur la scène du monde pour rétablir l'équilibre de la merveilleuse balance de la justice divine ?! Pourrions-nous accepter un dieu froid, impassible qui se Complaît à soutenir toutes les turpitudes des puissants contre les plus pauvres et les plus malheureux ? Serait-ce que la providence du ciel est égale à celle de César pour Qui les plus grands pouvoirs vont à celui qui lui apporte les plus riches offrandes ? Alors Jésus de Nazareth a apporté au monde un nouvel espoir. Aux orgueilleux, il a averti que toutes les vanités de la terre restent aux portes obscures de la tombe ; aux puissants il a donné les leçons de résignation quant aux biens transitoires du inonde, enseignant que les plus belles acquisitions sont les vertus morales, impérissables valeurs du ciel. Il a donné l'exemple dans tous ses actes de lumière indispensables à notre construction spirituelle vers Dieu tout- puissant, Père de miséricorde infinie, au nom de celui qui nous a apporté sa doctrine d'amour avec son serment de vie et de rédemption.

Par-dessus tout, Jésus est le seul espoir des êtres tristes et désemparés de la terre puisque conformément à ses douces promesses, tous les malheureux du monde recevront les dons du ciel par les bénédictions de la simplicité et de la paix, par miséricorde et par la pratique du bien.

Cneius Lucius écoutait sa petite-fille dans un silence émouvant se sentant touché d'inquiétude mêlée d'enchantement, comme un philosophe du monde qui entendrait les plus tendres révélations de la vérité par la bouche d'un ange.

La petite, à son tour, laissant libre cours aux inspirations sacrées qui remplissaient son âme ne cessait de parler creusant le trésor de ses souvenirs les plus chers à son cœur :

Pendant longtemps, nous sommes restés à Antipatris, en pleine Samarie, près de la Galilée... Là, la tradition de Jésus vit encore dans tous les esprits. J'ai connu de près la génération de bon nombre qui ont bénéficié du pouvoir de ses mains miséricordieuses, j'ai découvert l'histoire des lépreux guéris au contact de son amour ; des aveugles dont les yeux éteints ont vu naître une vibration nouvelle de vie grâce à sa parole aimante et souveraine ; des pauvres de tous genres qui se sont enrichis de sa foi et de sa paix spirituelle.

Au bord du lac, là où il prononça ses sermons Inoubliables, il m'a semblé voir encore la marque lumineuse de ses pas, quand l'âme plongée dans la prière, je suppliais les douces bénédictions du Maître de Nazaré!...

Mais Jésus nazaréen n'était-il pas un dangereux visionnaire ? - a demandé Cneius Lucius, profondément surpris. - Ne promettait-il pas un autre royaume en méprisant les traditions de notre Empire ?

Grand-père - a-t-elle répondu sans se troubler -, le Fils de Dieu n'a jamais désiré établir un royaume belliqueux et périssable comme celui des peuples de la terre. Il n'a d'ailleurs jamais cessé de dire que son royaume n'est pas encore de ce monde, mais a plutôt enseigné que sa fondation se destine aux âmes qui désirent vivre loin du tourbillon des passions terrestres.

Serait-elle révolutionnaire la parole qui bénit tous les affligés et les déshérités ? La parole qui ordonne de pardonner l'ennemi soixante-dix-sept fois ? Qui enseigne le culte à

Dieu avec le cœur, sans les pompes des vanités humaines ? Qui recommande l'humilité en gage de toutes les réalisations pour le ciel ?...

L'Évangile du Christ que j'ai en partie eu l'occasion de lire sur un parchemin qui se trouvait en possession de nos esclaves, est un cantique de sublimes espoirs sur le chemin des larmes de la terre, en marche vers les gloires suprêmes de l'infini.

Le respectable ancien a esquissé un sourire complaisant, s'exclamant avec bonté :

Mon enfant, pour nous l'humilité et le détachement sont deux postulats qui nous sont inconnus. Nos aigles symboliques ne pourront jamais descendre de leur position dominante, ni nos coutumes ne peuvent s'accommoder du pardon comme règle d'évolution ou de conquête...

Tes considérations, cependant, m'intéressent beaucoup. Mais dis-moi : où as-tu acquis de telles connaissances ? Comment as-tu pu baigner ton esprit de cette nouvelle foi au point d'argumenter avec ferveur contre nos traditions les plus anciennes ?... Raconte-moi tout avec la même sincérité que je t'ai toujours connue !...

D'abord, c'est par curiosité que j'ai découvert les enseignements de l'Évangile en entendant les conversations des esclaves à la maison...

Après avoir prononcé ces paroles avec réserve, Célia a semblé gravement réfléchir, comme si elle éprouvait une difficulté indéfinissable à répondre à la demande de son cher grand-père, à ce moment-là.

Ensuite, elle parut entamer avec elle-même un dialogue silencieux, entre la raison et les sentiments, puis elle rougit comme si elle craignait d'exposer toute la vérité.