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Son esprit qui connaissait le virus destructeur qui menait à la décadence de la société plongée dans un abîme d'ombres, s'extasiait à l'écoute de ce simple récit plein d'un amour sensible et chrétien qui attendait patiemment le ciel pour toutes les réalités divines. Aucune voix de la jeunesse ne lui avait encore parlé avec tant de pureté au bout des lèvres.

Admiratif et attendri, il a posé son visage ridé sur sa main droite à moitié tremblante, se livrant à une longue pause pour organiser ses idées.

Après quelques minutes, remarquant que sa petite-fille attendait ses paroles avec anxiété, il lui a demandé avec la même bienveillance :

Mon enfant, ce jeune esclave n'a jamais abusé de ta confiance ou de ton innocence ?

Elle a fixé dans ses yeux un regard serein dans la lueur cristalline duquel pouvait se lire une candeur pleine de sincérité à toute épreuve, s'exclamant sans hésiter :

Jamais ! Jamais Cirus n'aurait permis que mes propres sentiments puissent être souillés d'une influence indigne. Pour vous démontrer l'élévation de sa pensée, je veux vous raconter qu'un jour, alors que nous parlions à l'ombre d'un vieil olivier, j'ai remarqué que sa main s'était légèrement posée sur mes cheveux, mais au même instant, comme si nos cœurs étaient pris d'une autre impulsion, il l'a immédiatement retirée en me disant ému :

Célia, ma chérie, pardonne-moi. Ne gardons pas d'émotions qui puissent nous faire participer des inquiétudes du monde, parce qu'un jour, nous nous embrasserons au ciel où les clameurs de la malice humaine ne pourront nous atteindre.

Cneius Lucius a regardé sa petite-fille dont la sincérité diamantine rayonnait dans ses yeux candides et valeureux et lui dit :

Oui, ma fille, l'homme auquel tu te consacres possède un cœur généreux et différent de ce que l'on pourrait présumer dans la poitrine d'un esclave, il t'inspire un amour bien lointain des idées de la jeunesse actuelle.

Il ponctua ces paroles comme pour lui donner de nouvelles forces et se reprendre lui- même, puis il continua après une légère pause :

En outre, cette nouvelle doctrine, telle que tu l'as acceptée, dois contenir une essence profonde, vu le merveilleux élixir d'espoir qu'elle distille dans les âmes souffrantes.

Maintenant, je dois dire qu'Helvidius n'a pas suffisamment étudié la question pour la connaître sous ses différentes facettes.

C'est vrai, grand-père - a-t-elle répondu réconfortée comme si elle avait trouvé un baume à ses blessures les plus profondes -, mon père, au début, ne craignait pas que nous analysions les études évangéliques, les considérant dangereuses ; ce n'est qu'après les intrigues de Pausanias, qu'il a supposé que les doctrines du Christ avaient causé en moi une déficience mentale, en vertu de mon inclination pour le jeune libéré.

Oui, ton père ne pouvait comprendre un sentiment de cette nature dans ton esprit de jeune fille heureuse.

Mais dis-moi : puisque tu m'as parlé avec une telle pondération qui ne laisse la place à aucune réprobation ou punition, qu'elles sont tes perspectives d'avenir ? En ce qui concerne ta soeur, tes parents m'ont déjà parlé des plans qu'ils convoitent pour elle. D'ici à quelques mois, après avoir complété son éducation, dans le contexte de la vie romaine, Helvidia épousera Caius Fabricius, dont l'affection la conduira à l'une des conditions les plus en vue socialement parlant, conformément à nos mérites familiaux. Mais, et toi ? Persisteras-tu, par hasard, dans de tels sentiments ?!...

Grand-père - a-t-elle répondu avec humilité -, d'un âge mûr, Caius Fabricius qui a trente-cinq ans, plein de délicatesse et de générosité, fera le bonheur de ma sœur qui en est digne. Devant Dieu, Helvidia mérite bien les joies sacrées de créer un foyer et une famille. Auprès de son cœur en battra un autre qui remplira son existence de gentillesse et de tendresse...

Quant à moi, je pressens que je ne trouverai pas le bonheur comme nous le rêvons sur

terre !

Dès mon enfance, j'ai été triste et l'amie de la méditation, comme si la miséricorde de Jésus me préparait de toutes les manières possibles à ne pas manquer à mes devoirs spirituels au moment opportun.

Et fixant son regard percutant et calme dans celui de l'ancien, elle continua :

Je sens que pèsent en moi de nombreux siècles d'angoisses... Je dois être un Esprit très coupable qui vient en ce monde pour se rédimer de sinistres passés !...

Depuis la Palestine, mes nuits sont peuplées de rêves étranges et émouvants dans lesquels j'entends des voix aimantes qui m'exhortent à la soumission et au sacrifice.

Accusée de chrétienne au sein de ma famille, je sens que toute mon affection reste sans rétribution et toutes mes paroles affectueuses meurent sans écho ! Je me considère cependant immensément heureuse de croire que votre cœur vibre en harmonie avec le mien, comprenant mes intentions et mes pensées.

Et mélancoliquement, comme si elle discernait à l'avenir un chemin d'ombres s'ouvrant devant ses yeux spirituels, Célia a continué à parler le cœur attendri à son vieux grand-père qui l'idolâtrait :

Oui !... Dans mes rêves prophétiques, j'ai vu une croix que je devrai étreindre avec résignation et humilité !... Je sens dans mon cœur un poids énorme, grand-père !... Très souvent, j'aperçois devant moi de sinistres tableaux qui doivent venir de mes existences antérieures. Je pressens que je suis née en ce monde pour me racheter et me rédimer. Quand je prie et que je médite, les pondérations d'une âme anxieuse me viennent à l'esprit !... Je ne dois pas m'attendre à des printemps souriants, ni aux fleurs de l'illusion qui me feraient oublier l'âpre chemin de l'esprit destiné à la rédemption ; mais à des hivers de douleur et de rudes épreuves, des jours de luttes accablantes qui me conduiront à Jésus, par la divine clarté de l'expérience !...

Cneius Lucius avait les yeux pleins de larmes face aux paroles émouvantes de sa petite-fille qui depuis sa plus tendre enfance avait conquis toute son adoration.

Mon enfant - s'exclama-t-il avec bonté -, je ne peux comprendre tant de découragement dans un cœur aussi jeune. Le nom de notre famille ne permettra pas un tel abandon de toi-même...

Et pourtant, cher grand-père, je ne dédaignerai pas la pénible réalité du sacrifice, sachant d'avance que sa coupe m'est réservée...

Et tu n'attends rien sur terre en ce qui concerne un possible bonheur en ce monde ?!...

Le bonheur ne peut être là où nous le plaçons avec toute notre cécité terrestre, mais en comprenant la Volonté Divine qui saura le trouver pour nous de la façon la plus opportune.

Nous ne vivons pas une seule et unique vie. Nous en aurons beaucoup.

Le secret de la joie se trouve dans nos réalisations pour Dieu, à l'infini. Pas à pas, d'expérience en expérience, notre âme avance vers les gloires suprêmes de la spiritualité, comme si nous faisions la laborieuse ascension d'un escalier rude et long... Nous nous aimerons toujours, mon cher grand-père, à travers ces nombreuses existences. Elles seront comme les anneaux de la chaîne de notre union heureuse et indestructible. Alors, plus tard, vous verrez que votre petite-fille, dans sa réalité spirituelle, se trouvera avec vous, avec la même compréhension et avec le même amour impérissable dans les régions de la vraie félicité quand la mort nous ouvrira ses portes avec ses tombes de cendres d'amertume !...

Actuellement, à vos yeux, peut-être, serai-je toujours triste et malheureuse ; mais, au fond, je garde la certitude que mes douleurs sont le prix de ma rédemption qui mène à la lumière de l'éternité.

D'après ce que me disent les augures du cœur par leurs voix silencieuses et secrètes, je n'aurai pas un foyer à moi, pour mon salut dans cette vie !... Je vivrai Incomprise, le cœur lacéré sur l'amer chemin des larmes miséricordieuses ! Néanmoins, mon sacrifice sera doux parce que dans l'exaltation, je sens que je trouverai la route lumineuse du royaume de la vérité et de l'amour que Jésus promet à tous les cœurs qui confient en son nom et en sa miséricorde bénie !