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Oui, Célia connaissait ce cantique qui remplissait son cœur de doux souvenirs. Cirus le lui avait enseigné sous les arbres touffus de la Palestine, pour que son âme sache manifester sa reconnaissance à Dieu, dans les heures d'allégresse. À cet instant, en communion avec tous ces esprits qui vibraient aussi dans leur foi, elle se sentait loin de la terre, comme si son âme était touchée par une joie suprême...

Puis une fois le silence revenu, un homme du peuple du nom de Serge Hostilius est apparu à la tribune improvisée, s'exclamant ému, après avoir ouvert un parchemin :

Mes frères, aujourd'hui encore nous étudierons les enseignements du Maître dans les chapitres de Matthieu, avec la leçon de cette nuit : « ceux qui sont les vrais frères du Messie!... »

Et déroulant une feuille que le temps avait ternie, Serge Hostilius lut posément :

« Comme Jésus s'adressait encore à la foule, voici que sa mère et ses frères, qui étaient dehors, voulurent lui parler. Quelqu'un lui dit : - Ta mère et tes frères sont dehors et ils cherchent à te parler. Mais Jésus répondit à celui qui le lui disait : Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? Puis, étendant la main sur ses disciples, il dit : -Voici ma mère et mes frères. Car, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère et ma sœur, et ma mère. »

Une fois la lecture évangélique terminée, le même compagnon de croyance qui occupait la tribune, s'est exprimé avec émotion :

Mes amis, pour éclairer ces enseignements sachez que le don de l'éloquence me manque ; aussi j'invite l'un de nos frères présents pour qu'il développe les justes commentaires de cette nuit...

Tous les regards, celui de Tullia Cevina compris, ont marqué une pause, anxieux qu'ils étaient, cherchant la vénérable figure de Polycarpe, le dévoué apôtre de toutes les réunions. Tullia Cevina remarqua son absence avec beaucoup de déception telle était la foi qui imprégnait ses prières, si sages et bienveillantes étaient ses paroles. Sur un ton amer, Serge Hostilius leur a expliqué :

Mes frères, je vois bien que vos yeux cherchent Polycarpe avec anxiété, mais avant de vous donner de ses nouvelles, élevons notre cœur à Celui qui n'a pas dédaigné l'offense et le sacrifice...

L'apôtre de notre foi, malgré son auguste vieillesse, par ordre du sous-préfet Bibulus Quint, a été enfermé hier dans la matinée à la prison de l'Esquilin!

Implorons la miséricorde de Jésus pour qu'il puisse accepter le calice de nos douleurs avec résignation et humilité.

Beaucoup de femmes se mirent à pleurer l'absence de ce grand homme qu'elles aimaient comme un père et après quelques minutes, pendant lesquelles personne ne se risqua à substituer ses enseignements sages et aimants, un homme de la plèbe marcha jusqu'à la tribune, se découvrit, pris d'une fervente religiosité, il fit le signe de croix.

La clarté des torches illumina ses traits alors que Célia et sa compagne identifièrent immédiatement son visage humble et déterminé.

Cet homme était Nestor, le libéré d'Helvidius, qui, bien qu'assistant le censeur Fabien Corneille dans le cabinet même de la préfecture des prétoriens, n'avait pas honte de donner en public le témoignage de sa foi.

A | f

PRECHER L'EVANGILE

Salué par le regard attentif et confiant de tous, Nestor commença à parler avec une émouvante sincérité :

- Mes frères, je sens que ma pauvreté spirituelle ne peut remplacer le cœur de Polycarpe sur cette tribune, mais le feu sacré de la foi doit se maintenir dans les Ames !

En assumant la responsabilité de vous parler ce soir, Je me souviens de mon enfance lorsque je vis Jean, l'apôtre du Seigneur, qui pendant de longues années a illuminé l'église d'Éphêse !

Le grand évangéliste, dans l'extase de sa foi, nous parlait du ciel et de ses visions réconfortantes... Son cœur

était en contact permanent avec celui du Maître dont il recevait l'inspiration divine en tant que dernier disciple sur terre, sanctifiant ses leçons et ses paroles du souffle sublimé des vérités célestes !...

J'invoque ces souvenirs lointains pour rappeler que le Seigneur est la miséricorde infinie. Dans ma pauvreté matérielle et morale, je n'ai vécu que par sa bonté inépuisable et je veux invoquer son assistance charitable pour mon cœur, en cet instant.

Depuis ma plus tendre enfance, j'ai les yeux tournés vers les sublimes enseignements de son amour et il me semble aussi l'avoir vu dans son apostolat de lumière pour notre rédemption sur la face obscure de la terre. Parfois poussé par un mécanisme d'émotions merveilleuses, j'ai la douce impression de le voir encore près de Tibériade, à enseigner la vérité et l'amour, l'humilité et le salut !... Je me figure souvent que ces eaux claires et sacrées chantent dans mon cœur un hymne d'éternel espoir et malgré le voile épais de ma cécité, je sens qu'il se trouve dans Nazaré ou dans Capharnaûm, dans Césarée ou dans Betsaida, rassemblant les moutons égarés de sa bergerie.

Oui, mes frères, le Maître ne nous a jamais abandonné dans son apostolat divin. Son regard percutant va chercher les pécheurs dans les repaires les plus secrets de l'iniquité, et c'est par sa tendresse infinie que nous réussissons à avancer indemnes dans les gorges du crime et du malheur !...

Pendant longtemps, Nestor a parlé des souvenirs les plus chers à son cœur.

Son enfance en Grèce, les bienveillantes descriptions de Jean l'Évangéliste à ses chers disciples ; les prêches et les exemples du Seigneur, ses visions sur les plans célestes, les réminiscences du Prêtre Johanes à qui l'inoubliable apôtre avait confié les textes manuscrits de son évangile, tout était exposé là devant cette assemblée par l'affranchi, dans les nuances les plus vives et les plus impressionnantes.

L'auditoire écoutait sa parole, ému, comme si les Esprits, transportés dans le passé par les ailes de l'imagination, contemplaient tous ces événements rapportés à travers son récit.

Même Tullia Cevina qui ne connaissait le christianisme que superficiellement, se montrait profondément sensible. Quant à Célia, elle l'accueillait joyeusement, admirant son courage et sa foi face à sa prometteuse position matérielle auprès de son père, et se disait en même temps qu'il n'avait jamais révélé ses croyances, pas même lors des leçons qu'il lui avait données, démontrant ainsi le respect que les autres croyances méritaient.

Après avoir évoqué ses souvenirs d'Éphèse sous ses aspects les plus éminents, il voulut commenter la lecture de la soirée :

- En ce qui concerne la leçon évangélique de cette nuit, rappelons-nous que Jésus ne pouvait condamner les liens humains et sacrosaints de la famille. Ses paroles prononcées pour l'éternité, appréhendent et appréhenderont toutes les situations et tous les siècles à venir afin de démontrer que la fraternité est sa cible et que nous tous, hommes et groupes, collectivités et peuples, sommes les membres d'une communauté universelle, une fraternité que nous intégreront tous un jour comme des frères bien-aimés et pour toujours.

Ses enseignements se rapportent à ceux qui, accomplissant la volonté souveraine et juste du Père qui est aux cieux, marchent à l'avant-garde des chemins humains, comme l'exige son règne d'amour, plein de beautés impérissables !

Ceux qui savent respecter en ce monde les desseins de Dieu avec humilité et tolérance, avec résignation et avec amour, arriveront plus rapidement auprès de celui qui nous a révélé, il y a cent ans, le Chemin, la Vérité et la Vie ! Ces esprits aimants et justes, qui s'illuminent intérieurement par la compréhension et par l'application de ses enseignements dans leur vie, seront plus près de son cœur miséricordieux dont les pulsations sacrées résonnent en l'être par la magnanimité infinie ressentie dans l'âme à chaque étape de la vie !... De telles créatures sont dès maintenant ses frères les plus proches par l'illumination évangélique dans l'accomplissement des lois de l'amour et du pardon.