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Nestor - a continué Helvidius avec un généreux respect -, mon beau-père m'a rapporté certains faits à ton sujet que j'ai du mal à croire, malgré son honorabilité d'homme public et son intérêt paternel envers moi.

A cet instant, père et fils regardaient inquiets celui dont dépendait peut-être leur liberté, alors que Cirus reculait dans un coin de la cellule, craignant l'attitude d'anxiété soupçonneuse avec laquelle Helvidius Lucius l'observait.

Le tribun a continué :

Je n'ai pu accepter dans son intégralité ce qui m'a été dit et je suis venu m'en assurer par moi-même à travers tes propres propos.

Et accentuant ces mots, il lui a soudainement demandé :

Es-tu donc chrétien ?

Oui, Maître - a murmuré l'interpellé, comme s'il répondait contraint face à la si grande générosité qui lui était témoignée. - J'ai promis à Jésus, au plus profond de ma conscience, que je ne renierai ma foi à aucun moment.

Le tribun a frotté son visage d'un geste qui lui était caractéristique et contrarié il ajouta sur un ton affligé :

Je n'aurais jamais imaginé que j'avais placé un chrétien au sein de mon foyer et je suis venu jusqu'ici sincèrement désireux de plaider pour ta liberté.

Je vous remercie, Maître, de tout cœur et jamais je n'oublierai votre intervention -

ajouta

Nestor avec une douloureuse sérénité.

M'intéressant à ton sort - a continué Helvidius gêné -, je suis allé voir le sénateur Quirinus Brutus, chargé par l'autorité impériale de l'instruction de la procédure concernant les agitateurs chrétiens, et j'ai appris, hier encore, que treize des impliqués ont reçu le jugement de bannissement perpétuel et vingt deux seront condamnés à mort sous la torture.

Malgré leur ferveur religieuse, les deux prisonniers sont devenus livides.

Helvidius Lucius, quant à lui, restait imperturbable.

Parmi ces derniers, j'ai vu ton nom et celui d'un jeune homme qu'ils m'ont dit être ton fils. Que me dis-tu de cela ? Ne désirerais-tu pas, par hasard, abjurer une foi qui ne t'apportera que la mort infamante par les supplices les plus atroces ? Et celui qui t'accompagne, serait-il effectivement ton fils ? Dis quelque chose qui clarifierait la situation ou me fournisse des éléments pour une juste défense...

Maître - se défendit l'affranchi invoquant toutes ses énergies pour ne pas faiblir dans son témoignage -, ma gratitude pour votre généreux intérêt sera éternelle ! Vos paroles émeuvent toutes les fibres de mon cœur !... À vous entendre, je sens que je devrais suivre vos pas avec humilité et soumission par tous les chemins ; mais c'est aussi par amour pour ma foi que je ne peux céder à ma tentation de liberté !... Jésus exerce en moi un joug doux et divin... Bien que vous aimant, Maître, je ne peux trahir Jésus face aux circonstances actuelles de ma vie... Si le Maître de Nazaré s'est laissé immoler sur la croix, pur et innocent qu'il était, pour la rédemption de tous les pécheurs de ce monde, pourquoi serais-je épargné du sacrifice quand je me sens rempli de la boue du péché ? Jamais je ne pourrai, en toute conscience, abjurer une foi qui a été la lumière de mon âme pendant toute ma vie !... La mort ne m'intimide pas car au-delà du martyre et de la tombe, une aube immortelle resplendit pour notre esprit !

Helvidius Lucius écoutait surpris cette démonstration d'espoir en une vie spirituelle que sa mentalité était loin de comprendre, alors que Nestor continuait à parler, posant alors sur le jeune homme qui l'accompagnait, ses yeux humides et tendres :

Néanmoins, Maître, je suis père et, en tant que père, je suis encore très humain ! Ne vous intéressez pas à moi, raté et malade que je suis, pour qui la condamnation à mort pour la cause de Jésus doit représenter une bénédiction divine !... Mais, si cela vous est possible, sauvez mon fils, de sorte à ce qu'il vive pour vous servir !...

Cirus accompagnait l'attitude paternelle avec le même esprit de ferveur et de détermination, désireux de protester contre cette prière, démontrant aussi préférer le sacrifice ; mais le libéré continuait entre les larmes mal contenues, s'adressant au tribun qui l'écoutait éminemment impressionné :

Sachez, Maître que je suis au courant du passé amer et pénible et je lamente beaucoup l'attitude de mon fils dans votre maison d'Antipatris !... Je vous demande pardon pour les tourments causés par sa jeunesse !... Mon pauvre Cirus a obéi à l'impulsion du cœur, sans écouter la raison qui aurait dû le conseiller, mais dans la désolation de ces sombres cachots, il a donné sa parole, s'il retrouvait la liberté, de ne jamais plus lever les yeux sur l'enfant adorable qui est un archange du ciel au sein de votre foyer... Si vous l'exigez, Maître, Cirus quittera Rome pour toujours, de sorte à ne jamais plus déranger votre bonheur domestique !...

Mais l'expression d'Helvidius Lucius se durcit comme s'il avait pris une décision implacable.

De la générosité la plus pure, il était passé au refus le plus violent en présence de son ex-captif d'Antipatris dont il ne pourrait jamais tolérer les principes.

Nestor - s'exclama-t-il sur un ton presque rude -, tu sais toute l'affection que je te porte, mais jamais je ne t'aurais supposé chrétien et conspirateur, encore moins aurais-je pu imaginer que tu pouvais engendrer un être comme celui-là. Comme tu le vois, je ne peux intervenir en faveur de vous deux... Certains arbres meurent, parfois, de la pourriture de leurs propres branches !... Je suis venu ici pour t'aider, mais je trouve une réalité qui m'est intolérable. Aussi, préférerai-je vous oublier le plus vite possible.

Maître... - murmura encore l'affranchi comme s'il désirait retenir son amitié en lui demandant pardon et mourir avec la certitude que le tribun avait sincèrement reconnu ses remerciements.

Mais Helvidius Lucius lança à tous deux un regard affecté et ajustant sa toge pour se retirer immédiatement, il s'est exclamé impulsivement :

C'est impossible !

Une fois cela dit, il tourna le dos aux prisonniers et appelant les deux gardes qui l'accompagnaient, il s'est retiré de façon précipitée, alors que les deux condamnés gardaient leur regard fixé à sa silhouette ferme et austère et tendaient l'oreille pour écouter le bruit de ses pas qui s'éloignaient sur les dalles de la prison, comme s'ils percevaient, pour la dernière fois, l'espoir qui pourrait les reconduire à la liberté.

Nestor étouffait, mais le flot de ses larmes débordait de ses yeux pour atténuer sa douleur, alors que Cirus se jetait à ses pieds, lui baisant les mains, il murmura :

Mon père ! Mon père!...

Tous deux auraient voulu retourner voir l'éblouissant soleil de la vie, sentir les émotions de la nature, mais l'ambiance étouffée de la prison les asphyxiait.

Toutefois, le lendemain après-midi, Sixtus Plocius, recevait l'ordre de la justice impériale de séparer les treize prisonniers destinés à l'exil perpétuel, réunissant les autres dans une cellule moins triste et plus spacieuse.

Les deux affranchis ont été retirés du cachot où ils se trouvaient et ont été transportés auprès des autres condamnés.

Leur nouvelle cellule se trouvait aussi dans la partie souterraine, mais sur l'un des murs on pouvait voir le ciel à travers des barreaux renforcés.

Le crépuscule venu déversant sur la ville ses encres merveilleuses, tous ces cœurs tourmentés contemplaient les maisons à l'horizon, pris d'une joie infinie.

Au loin, au firmament, les premières étoiles s'allumaient sous la voûte toute bleue !...

Polycarpe, le vénérable prêcheur de la porte Nomentane, transporté de l'Esquilin au Capitole afin de se trouver avec ses compagnons, traça dans l'air une croix de sa main rugueuse et ridée... Alors, tous ses frères de foi, parmi lesquels étaient quelques femmes, se prosternèrent et contemplant le ciel romain beau et constellé, se mirent à chanter des hymnes de dévotion et de joie. Des espoirs versifiés qui devaient monter à Jésus, traduisant l'amour et la confiance de ces cœurs résignés qui vivaient ivres des douces promesses de son Royaume...