Ils se sont tous deux regardés poussés par la puissante attraction de leurs sentiments purifiés, mais Cneius Lucius, après avoir longuement parlé avec Nestor et ses compagnons, examinant tous les détails de la prison, s'approcha d'eux avec un sourire complaisant.
Connaissant la sensibilité de sa petite-fille, il lui a adressé la parole en ces termes :
Ma fille, le temps passe, je suis à ta disposition pour repartir quand tu le désireras.
Elle s'est approchée du respectable vieil homme qui était accompagné de l'affranchi de son fils, et posa sur Nestor un regard mélancolique, mais l'ex-captif vint à sa rencontre avec ces mots :
Célia, ta venue dans cette prison représente pour nous la visite d'un ange. Ne sois pas impressionnée par notre condamnation qui aux yeux de Dieu doit être utile et juste.
L'inspiration de Paul disait que la mort est notre dernier ennemi. Nous vaincrons, donc, cette nouvelle étape, avec Jésus et pour Jésus. Malgré tout, n'oublie pas que le cadeau de la vie est un bien précieux que le ciel nous confie. Pour l'âme fervente, le plus grand sacrifice n'est pas celui de la mort par le martyre, ou par l'infamante humiliation des hommes, mais bien celui qui se réalise pendant toute la vie par le travail et par l'abnégation sincère, supportant toutes les luttes, renonçant à lui-même pour gagner la vie éternelle dont nous parlait le Seigneur dans ses divines leçons !
Célia sentit que sa foi touchait un degré supérieur grâce à ces exhortations amicales et affectueuses, et se tournant vers Cirus qui, de son regard, semblait lui recommander de suivre ces conseils, elle a répondu émue :
Oui, je garderai en moi tes paroles avec le respectueux amour d'une fille.
À son grand-père, elle a demandé l'autorisation de saluer les deux condamnés, et, s'approchant du jeune homme qui cachait toute l'émotion éprouvée au fond de son âme, elle a pris ses mains entre les siennes pendant un instant, les baisant légèrement.
- Que Dieu te protège ! - a-t-elle dit à voix basse, presque imperceptible.
Puis, elle s'est approchée de Nestor qui l'a étreinte respectueusement, lui déposant un baisé sur le front.
Les deux condamnés auraient désiré la remercier, mais ne le purent. Une puissante force retenait leur voix. Ils sont restés là immobiles, silencieux, alors que Cneius Lucius, touché par la scène émouvante, se retira avec un léger signe de la main.
Néanmoins, jusqu'au bout, Cirus démontra sur son visage une expression de force avec un sourire affectueux qui consolait profondément l'âme jumelée à la sienne...
Encore un geste d'adieux dans ce silence que des paroles auraient profané, et la porte de la prison a de nouveau grincé de ses charnières sinistres et terribles.
À cet instant, le sourire du jeune homme chrétien a disparu de son visage défiguré. Il s'est dirigé vers les grilles de la prison, s'agrippant aux barreaux comme un oiseau assoiffé de lumière et de liberté. Ses yeux agités balayèrent l'extérieur, cherchant à voir, pour la dernière fois, la litière qui devait reconduire son aimée.
Mais, peu à peu, sa jeunesse inquiète se tourna vers Jésus avec toute la ferveur de ses aspirations passionnées. Il a lâché prise pour finalement s'agenouiller. La lumière du soleil, qui resplendissait maintenant par une belle matinée, baigna sa face et ses cheveux. Il pria, suppliant Jésus de lui donner la force et l'espoir nécessaire. La clarté solaire semblait inonder son front des grâces du ciel, et pourtant laissant tomber sa tête, il a caché son visage dans ses mains amaigries pour pleurer humblement.
Aux FÊTES D'HADRIEN
Rapidement, Cneius Lucius remarqua que la visite de sa petite-fille aux condamnés avait eu un effet très bénéfique. Malgré son abattement, Célia se montrait courageuse dans sa foi, plus calme et mieux disposée. Toutefois considérant toute la sensibilité de son jeune cœur aimant, son vieux grand-père s'organisa avec ses enfants pour qu'elle reste en sa compagnie jusqu'à ce que les fêtes du mariage d'Helvidia fussent passées.
Entre-temps, nous ne pouvons oublier que l'épouse de Lolius Urbicus, de retour à Rome, allait souvent à Suburra où elle avait de longs entretiens secrets avec la vendeuse de sortilèges qu'elle connaissait.
Sachant qu'Hatéria avait conquis toute l'estime de ses employeurs et rapportait à l'ancienne plébéienne tout ce qui se passait dans la vie intime du couple, pendant des heures, Claudia et Plotina échangeaient des idées en sourdine basées sur des actions criminelles ou élaborant de funestes plans.
La veille du mariage d'Helvidia, nous allons trouver la capitale de l'Empire prise d'une agitation caractéristique aux périodes festives.
Se préparant à son dernier pèlerinage dans l'un des centres les plus anciens du monde, Hadrien désirait offrir aux romains des spectacles inoubliables.
En de telles circonstances, les autorités politiques se rapprochaient du sentiment populaire, le nourrissant d'extravagance et de joie. L'inauguration des nouvelles constructions, les préparatifs du voyage et l'adhésion du peuple au programme officiel justifiaient les plus grands caprices de la magnanimité impériale. De toute part, on pouvait remarquer les frissons des travaux extraordinaires, remplissant la ville d'improvisations transformatrices, la construction de nouvelles arcades, de ponts ou d'aqueducs provisoires, de distributions de blé et de vin, d'organisation de cortèges religieux, d'hommages à des temples spéciaux, de loteries populaires et, finalement, de cirques avec leurs formidables nouveautés.
La population attendait toujours de telles manifestations avec une joie ostensible.
Installé au Palatin, Aelius Hadrien voulait distraire les masses romaines en organisant des commémorations de cette nature, poussant les autorités et les induisant à garder confidentiel l'objectif principal de toutes les activités qui étaient son voyage en Grèce dont les grâces avaient déjà conquis sa plus grande sympathie. Le grand Empereur, classé dans l'histoire comme le plus grand bienfaiteur des villes anciennes où s'était érigé le berceau de la culture et de la civilisation, projetait les meilleures constructions pour Athènes, ainsi que l'étude spécialisée des ruines de toute l'Hellade, afin de faire bénéficier le patrimoine grec de toutes ses ressources.
À la veille de ces événements, nous allons retrouver le souverain en privé en compagnie de Claudia Sabine et de Flegon, son secrétaire de confiance. Ils analysent les détails de la croisière que les galères impériales doivent faire sur les eaux méditerranéennes.
Arrivé un moment, Hadrien interpela son secrétaire :
Senecius, as-tu déjà exécuté mes ordres concernant l'envoi des invitations ?
Par Jupiter ! - s'exclama Flegon fièrement - jamais je n'oublierais de satisfaire rigoureusement une décision d'Auguste.
Comme tu vois - dit l'Empereur s'adressant à Claudia -, tout est prêt et en bon état d'avancement. Toutefois, j'ai besoin que quelqu'un m'accompagne, non pas tant pour son sens de l'art ou de la critique, mais pour y effectuer un travail qui répondra à mon souhait de faire transporter à Tibur quelques colonnes célèbres et de magnifiques reliques des ruines de Phocis et de Corinthe.
Je prétends décorer nos bâtiments des trésors du monde antique. Dans ma retraite à Tibur, je ne pourrai m'abstenir des visions du jardin des dieux qui seront à mon âme de précieuses suggestions.
La femme du préfet l'écoutait avec une attention toute particulière et profitant de l'occasion pour réaliser ses projets tout en feignant la plus grande indifférence, elle lui suggéra:
Divin, le fils de Cneius figure-t-il sur la liste de vos invités ?
Non. Helvidius Lucius serait un excellent compagnon, mais je me suis abstenu de le déranger, soucieux de sa situation très spéciale d'homme marié et de chef de famille.
Voyons - a répliqué contrariée l'ancienne plébéienne -, me permettrez-vous d'être en désaccord avec votre façon de penser sur ce sujet. N'ai-je pas moi aussi un foyer qui exige mon dévouement et tous mes soins ? Ne vais-je pas nie séparer de mon mari qui sera retenu ici par les devoirs de sa tâche ? Et pourtant, je nie considère honorée de vous accompagner, obéissant au devoir de vous représenter pour nous tous, vous qui êtes notre souverain et notre chef magnanime. Je crois que le gendre de Fabius pensera comme moi, sans émettre la moindre divergence. Dans deux jours, se réalisera les fiançailles de sa fille la plus âgée, sous votre regard clément. Lui qui a reçu tant de faveurs de vos mains généreuses, pourrait-il dédaigner de vous être utile en quoi que ce soit ?