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Claudia Sabine, néanmoins, caressait de nouveaux espoirs. À ses yeux, il suffirait d'éloigner de son chemin le personnage gênant d'Alba Lucinie pour assurer son bonheur adultère.

Un beau jour, l'épouse du préfet, feignant d'être distraite, comme d'habitude, affirma à Helvidius sur un ton de confidence :

Dans sa dernière lettre l'une de mes amies à Rome m'apprenait un détail curieux concernant la vie de mon mari. A travers ses courriers, Musonia m'informe qu'Urbicus passe presque tout son temps de loisir, chez toi.

Chez moi ? - a demandé le tribun, rougissant, devinant la malice cachée par de telles informations.

Oui - a répondu Claudia avec la plus grande indifférence -, j'ai toujours remarqué que mon mari porte une singulière prédilection pour ta famille. Lucinie et ta fille ont toujours fait l'objet de gentillesses toutes spéciales de sa part. D'ailleurs, cela ne peut nous surprendre,

Fabius Corneille est ton meilleur ami depuis de nombreuses années.

Oui, cela est vrai - répliqua Helvidius un peu désappointé par de telles allusions à son foyer.

Sabine perçut que l'instant était favorable pour initier le sinistre plan et feignant de s'intéresser à la paix domestique d'Helvidius Lucius, elle a ajouté sans pitié :

Mon ami, entre nous, je dois te dire que mon mari n'est homme qui justifie les plus précieux usages de la culture romaine. Tu imagines combien il m'en coûte de te faire cette confidence, mais je désire veiller à la paix de ton foyer par dessus tout. Hypocrite et impulsif de nature, Lolius Urbicus a fait de nombreuses victimes sur le terrain de ses aventures de conquérant invétéré. Je crains pour ta femme et ta fille.

Helvidius devint pâle, mais Claudia percevant l'effet de ses paroles, continua impitoyable :

Nous vivons à une époque de surprises terribles où les plus solides réputations chancellent brusquement... Depuis que je suis mariée avec le préfet, je passe par une série d'épreuves. Ses aventures amoureuses m'ont causé de grandes déceptions, vu l'immense clameur de ses victimes et les répercutions sur mon cœur...

Par Jupiter ! - a murmuré le tribun fortement Impressionné - je ne peux contester tes appréciations, mais je veux croire que Fabius Corneille ne pourrait s'être trompé depuis tant d'années élisant le préfet comme l'un de ses meilleurs amis.

Oui, à première vue, cet argument semble tenir - a répondu Sabine avec astuce -, mais il faut se souvenir, cher ami, qu'après de nombreuses années pendant lesquelles tu as été habitué à la tranquillité de la province, tu recommences ta vie dans la capitale de l'Empire. Le temps sera là pour prouver que le censeur et le préfet se sont fortement identifiés dans tant d'affaires de l'État. Tous deux sont obligés de se respecter et de s'apprécier mutuellement, mais quant à leur conduite individuelle, seuls les dieux connaissent la réalité de mes affirmations.

Helvidius Lucius dévia alors leur entretien sur d'autres sujets de conversation, reconnaissant la délicatesse de ces commentaires sur l'honorabilité d'autrui et à propos de son foyer ; mais, quand Sabine s'est levée, il s'est senti contaminé par des soupçons injustifiables et vains. Que signifiaient les visites réitérées de Lolius Urbicus chez lui ? Par hasard, Alba Lucinie aurait-elle oublié ses devoirs sacrés ? Fabius Corneille serait-il si attaché aux intérêts matériels au point d'oublier le nom et les respectables traditions de sa famille ? Dans l'esprit du tribun, le flux des cogitations intimes s'embrouillait et le tourmentait. Encore heureux que cette déchirante absence était sur le point de se terminer. Aelius Hadrien avait déjà envoyé des ordres pour que les galères quittent l'Italie et les ramènent sur le chemin du retour.

À Rome, cependant, la situation d'Alba Lucinie et de sa fille atteignait le summum de la souffrance morale. À plusieurs reprises, Célia avait perçu des entretiens entre sa mère et l'impitoyable conquérant, mais vu sa timidité, elle ne put percevoir toute la répulsion de sa mère lace à l'infamie et à la cruelle audace de cet homme. Lucinie, à son tour, lors de visite chez elle et alors qu'elle s'absentait brièvement de la présence de ses amies, avait quelques fois rencontré le préfet des prétoriens échangeant des propos avec sa fille qui l'accueillait avec toute la tolérance de ses bons sentiments pour ne pas blesser le cœur maternel. La femme d'Helvidius craignait, sincèrement, la présence de cet homme cruel, transformé en démon de son foyer.

La noble Lucinie, abattue et malade, pensa exposer la situation à son vieux père, néanmoins, elle se dit que le censeur aurait dû percevoir depuis longtemps sa position angoissante sur le plan moral, supposant donc que s'il se taisait, c'est qu'il avait de bonnes raisons à cela.

Plusieurs fois, elle avait essayé de parler de ce sujet si délicat à sa fille, la supposant aussi victime des persécutions insidieuses de l'ennemi de leur tranquillité ; néanmoins, Célia, avec sa pudeur naturelle, n'avait jamais fait de confidences à sa mère déviant chaque fois le cours de la conversation et redoublant d'affection à son égard, car elle devinait ses plus angoissantes préoccupations.

Finalement, alors qu'il ne manquait que deux mois avant le retour définitif d'Helvidius, Alba Lucinie fut alitée, extrêmement abattue.

Cela faisait plus d'un an que l'Empereur s'était absenté.

Ce furent quatorze mois d'angoisses pour la fille de Fabius Corneille dont la santé n'avait pu résister au choc des épreuves les plus accablantes. Célia, aussi, avait le teint pâle et une expression triste sur le visage. À travers ses traits, on pouvait noter sa faiblesse organique. Les inquiétudes de sa fille se traduisaient par de longues nuits d'insomnie qui finirent par ruiner sa santé auparavant vigoureuse. Avec sa tendresse innée, elle faisait tout pour réconforter sa chère mère souffrante.

Des ports d'Italie quatre grandes galères furent envoyées pour le retour d'Hadrien et de sa suite. Le premier bateau arrivé sur le littoral d'Attique fut disputé par ceux qui étaient les plus impatients de retourner à Rome, dont Claudia Sabine qui prétextait avoir besoin de repartir au plus vite car elle disait être demandée auprès des siens.

Helvidius Lucius trouva cet empressement étrange, mais ne pouvait deviner la portée de ses plans. Lui aussi désirait retourner chez lui de toute urgence mais il était obligé de répondre à l'invitation de l'Empereur qui souhaitait sa compagnie sur le bateau d'honneur qui arriverait à Ostie huit jours après les premières galères.

Quelques jours plus tard, la femme du préfet des prétoriens arrivait à la capitale de l'Empire avec une avance d'une semaine pour mettre en place la réalisation des sinistres projets de vengeance qu'elle avait à l'esprit. Son mari l'a reçue avec sa froideur habituelle et les employés de maison avec l'angoisse que sa présence occasionnait.

Claudia Sabine trouva le moyen de faire savoir à Hatéria la nouvelle de son retour, alléguant une possible urgence pour lui rendre visite.

Devant sa complice, pour qui elle manifestait la plus grande générosité, l'ancienne plébéienne lui dit, soucieuse :

Hatéria, le moment est venu de jouer la dernière carte de la partie. Je réaliserai mon projet sans vaciller dans mes intentions, quant à toi, tu recevras alors le prix de ton dévouement.

Oui, Maîtresse - riposta la servante d'un regard cupide considérant sa récompense.

Comment va la femme d'Helvidius ?

La patronne est très abattue et malade.

Encore heureux - a murmuré Sabine satisfaite -cela facilite l'exécution de mes plans.

Et après avoir fixé sa compagne d'un regard, elle a souligné d'une manière singulière :

Hatéria, tu es prête à affronter ce qui peut arriver ?

Sans aucun doute, Maîtresse. Je suis entrée chez le patricien Helvdius Lucius spécialement pour vous servir.

Tu ne t'en repentiras pas alors - lui dit Sabine avec énergie. - Écoute-moi : nous arrivons aux termes de ta mission chez Alba Lucinie. J'attends de toi un dernier service face à mon besoin de réparation pour l'affront dont J'ai souffert dans le passé. J'ai été généreuse avec toi mais je désire assurer ton avenir pour les bons services que tu m'as rendus. Que désires-tu pour le repos de ta vieillesse au sein de la plèbe désemparée ?