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Après avoir réfléchi un moment, la vieille employée a murmuré d'un air satisfait comme si elle avait déjà fait tous les calculs nécessaires à une réponse la plus exacte possible.

Madame, vous savez que j'ai une fille mariée dont l'époux passe par la plus grande misère en ces jours de tourments et de pauvreté. Valère, mon gendre, a toujours eu un grand amour pour la vie à la campagne ; mais dans sa pénible condition de pauvre libéré, il n'a jamais réussi à rassembler suffisamment d'argent pour acquérir un lopin de terre où il pourrait faire le bonheur de sa famille. Mon souhait pour autant serait de posséder un site loin de Rome où je me retirerais avec mes enfants et mes petits-enfants qui m'estimeront, comme ils le font aujourd'hui, dans les jours proches de la vieillesse, incapable que je serai de travailler.

Tes désirs seront satisfaits - s'exclama la femme du préfet alors qu'Hatéria l'écoutait toute joyeuse - ; je vais chercher le coût d'un site agréable et le moment opportun venu, je te donnerai la quantité nécessaire.

Et que dois-je faire maintenant pour gagner un tel bonheur ?

Écoute bien - lui dit Claudia avec gravité -, d'ici une semaine Helvidius Lucius devrait être de retour. Dans l'après-midi de son arrivée, tu devras venir me voir pour recevoir des instructions. Ce même jour, tu auras l'argent nécessaire pour réaliser tes désirs. Pour le moment, va en paix et aie confiance en moi.

Hatéria était rayonnante face aux perspective» d'avenir, indifférentes aux actes criminels qu'elle aurait à pratiquer pour arriver à ses fins.

Le lendemain, dans la matinée, une modeste litière sortait de la résidence de Lolius Urbicus, en direction de Suburra.

Il serait bien inutile de dire qu'il s'agissait de Claudia Sabine qui se dirigeait chez la jeteuse de sortilèges bien connue dans Rome et avec qui elle allait conclure ses funestes projets.

La sorcière de Cumes l'a reçue sans surprise, comme si elle l'attendait.

Après avoir plongé ses mains avides dans la quantité de pièces que Claudia lui apportait, Plotina s'est concentrée devant l'oracle que nous connaissons déjà, puis elle a dit :

Madame, le moment est unique ! Nous devons soigner les moindres détails quant à ce que vous devez faire pour que nos efforts n'aient pas été vains.

Claudia Sabine s'est mise à réfléchir à un minutieux plan que la sorcière soumettait à ses critères.

Plotina parlait à voix très basse comme si elle craignait que les murs eux-mêmes entendent, telle était l'ignominie des suggestions criminelles planifiées.

Une fois la longue exposition faite, la consultante répliqua pensive :

Mais, ne vaudrait-il pas mieux exterminer ma rivale ? J'ai quelqu'un chez elle qui pourrait se charger du coup fatal. Je sais que tu connais les potions les plus violentes et que tu peux me les fournir aujourd'hui même.

Madame - vos pondérations sont raisonnables mais vous devez vous rappeler que la mort du corps ne profite qu'aux questions d'ordre matériel, et dans notre cas, elles sont d'ordre spirituel, rendant indispensable un coup infaillible. Qui nous dira que l'homme aimé reviendra dans vos bras si sa compagne descend dans les antres de la tombe ? Ceux qui partent laissent habituellement une nostalgie durable, nourrissant toujours une passion inoubliable.

Et pendant que la femme du préfet considérait ces étranges insinuations comme justes et avisées, Plotina continuait :

Il faut instiller la haine dans le cœur de l'homme désiré pour que votre bonheur soit accompli. Pour atteindre cet objectif, il faut flageller son âme en l'abattant et en la détruisant.

Oui, tes avertissements sont assez judicieux et je ne dois pas les mépriser, mais selon ton plan, mon mari devra disparaître.

Et en quoi cela vous gêne-t-il, si sa mort est nécessaire ? Vous ne forceriez pas le destin pour jouir de tout le bonheur possible avec un autre homme ?

Si, ton plan est le meilleur dès lors que tu en as prévu toutes les conséquences.

Et, comme si elle interpelait la figure imaginaire de sa rivale, victime de son insanité et de sa haine, elle scanda les yeux perdus dans le vide :

Alba Lucinie devra vivre !... Reléguée à un plan inférieur, vivant avec sa honte, elle souffrira le dédain et l'exécration dont j'ai souffert!...

Plotina s'est levée. D'une étrange armoire, elle a retiré des flacons et des emballages qu'elle a donnés à sa cliente avec des observations particulières.

Acceptant de bon gré le plan odieux, Claudia Sabine est sortie promettant de revenir.

Quelques jours plus tard, Aelius Hadrien avec son imposante suite entrait par la porte Ostie, acclamé par une immense foule où se mêlaient l'aristocratie et le peuple.

L'Empereur, avec sa prédilection pour les reliques de l'antiquité, avait recommandé à Helvidius de veiller sur tous les services de déchargement des pièces curieuses de Phocide, destinées à Rome. Mais déléguant cette tâche à l'un de ses hommes de confiance, le tribun s'est dirigé en ville pour étreindre sa femme et sa fille.

Lucinie et Célia le reçurent transportées d'une joie Indicible.

En les revoyant, le tribun fut pris d'une énorme surprise, toutes deux étaient si transformées et si malades. Malgré tout, ils ont échangés des impressions touchantes, pleines d'enchantement et de joie du fait de se revoir. Remarquant cette émouvante allégresse, le généreux patricien, attaché à son foyer, a retiré d'une petite boîte un magnifique bracelet de pierres précieuses, qu'il a donné à sa femme en souvenir d'Athènes et remit à sa fille une belle perle acquise en Achaïe comme souvenir de la lointaine Grèce.

Puis, ce fut une longue suite de souvenirs doux et amicaux, Alba Lucinie dut confier à son mari les péripéties de la maladie de Cneius Lucius, son agonie et sa mort.

Pendant que la ville s'animait de spectacles à l'occasion du retour de l'illustre Empereur, HeMdius Lucius et les siens échangeaient de doux propos, tuant les privations passées.

Néanmoins, quand les dernières lueurs du soleil préludaient au crépuscule, le patricien dit à sa femme avec une grande tendresse :

Maintenant, chérie, je vais retourner à Ostie où je suis obligé de dormir aujourd'hui encore. Demain j'aurai définitivement réintégré la maison afin d'organiser notre nouvelle vie. J'ai déjà vu Fabius Corneille qui a accompagné l'Empereur aux côtés du préfet, mais ce n'est que demain que je pourrai voir Marcia, pour écouter ce qu'elle a à me dire concernant mon père et ses dernières volontés.

Mais, tes responsabilités à Ostie sont si impérieuses ? a demandé Alba Lucinie inquiète. - Pour servir l'Empereur plus d'une année d'absence n'était-ce pas suffisant ?

Oui, chérie, il est nécessaire d'accomplir notre devoir dans ses moindres détails. Hadrien m'a chargé de la vérification de toutes les reliques apportées de Grèce et je ne peux me fier qu'au travail des serviteurs étant donné la valeur considérable du chargement en question. Mais, ne t'inquiète pas pour cela !... Souviens-toi que demain je serai ici pour préparer nos projets familiaux.

Alba Lucinie a acquiescé avec un triste sourire comme si elle était face à l'inévitable. Son cœur, néanmoins, désirait la présence de son compagnon pour lui confier, immédiatement, ses déboires intimes.

En fin d'après-midi, la litière d'Helvidius sortait de chez lui précipitamment.

Alba Lucinie se retira dans sa chambre, pleine de nouveaux espoirs, pendant que sa fille retournait à ses méditations.

Quelqu'un, néanmoins, sortait de la résidence du tribun, prudemment et précipitamment, sans éveiller la curiosité des domestiques. C'était Hatéria qui se dirigeait vers le Capitole.