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Lucinie - a continué Helvidius grave -, explique-toi !... N'aurais-tu pas exercé chez nous la précieuse vigilance maternelle ? Est-il vrai que le préfet des prétoriens a insulté ta dignité ?...

Helvidius - sanglotait-elle d'une voix tremblante -, tout ce qui se produit ici est absolument étrange et incroyable, mais le fait est clair, et atteste d'une réalité plus désolante ! Je soupçonnais que notre pauvre fille fût aussi victime de l'ami pervers de mon père puisqu'en ce qui me concerne, je souffre, depuis que tu es parti, des plus atroces persécutions qui se sont traduites par de constantes menaces, étant donné ma résistance à ses désirs inavouables...

Les paroles sincères de sa femme qui se montrait amère et surprise annihilèrent ses derniers espoirs, le fier patricien se laissa complètement dominer par les réalités apparentes de cette heure tragique.

Les poings fermés, les yeux durs et sombres qui révélaient des dispositions inflexibles de vengeance, Helvidius Lucius s'exclama d'une voix terrible alors que tous ses traits étaient dominés par un rictus d'angoisse :

Je me vengerai de l'infâme, sans pitié !...

Et dévisageant sa fille qui était restée à genoux, les yeux baissés comme pour éviter le regard paternel, il a prononcé ces mots terribles :

Quant à toi, tu devras mourir pour sauver ce crime hideux !... Tu as commencé à me déplaire en préférant des esclaves et tu as fini par ruiner mon nom, en mettant cette maison dans une situation exécrable ! Mais, je saurai laver la tache criminelle par des décisions implacables !...

Une fois qu'il eut dit cela, l'orgueilleux tribun a sorti un poignard aiguisé qui brilla à la lumière du soleil matinal, mais Alba Lucinie, d'un bond, prévoyant sa décision inflexible, a retenu son bras, s'exclamant angoissée :

Helvidius, par les dieux et pour ce que tu es... La douleur immense de notre honte et de notre malheur ne suffit-elle pas ?!... Tu veux aggraver nos souffrances avec la mort et avec le crime ? Non ! Pas cela !... Par dessus tout, Célia est notre fuie !

A cet instant, le tribun s'est soudainement rappelé des prières aimantes de son père au plus profond de ses souvenirs, comme s'il l'incitait au calme, à la résignation et à la clémence. Il lui semblait que Cneius Lucius revenait des ombres de sa tombe pour le supplier d'épargner sa petite-fille idolâtrée coopérant ainsi aux exhortations de sa femme.

Alors, sentant son cœur saturé d'une souffrance morale indéfinissable, il dit d'une voix caverneuse :

Les dieux ne permettront pas que je sois un misérable infanticide... Mais j'écraserai le traître comme on écrase une vipère !

Et, se tournant soudain vers sa fille humiliée, il sévit avec énergie :

J'épargne ta vie, mais désormais pour notre immense malheur tu es définitivement morte et ton indignité ne te permet plus de vivre une minute de plus sous le toit paternel !... Tu es maudite pour toujours !... Fuis n'importe où, sans te rappeler de tes parents ou de ta naissance, parce que Rome assistera bientôt à ton enterrement ! Tu seras une étrangère pour nous !... Ne te souviens plus jamais de nous, ne te raccroche pas au passé car je pourrais t'exterminer dans un moment d'impulsion !...

Humblement, Célia continuait agenouillée mais à ses oreilles résonnaient les paroles décisives de son orgueilleux père offensé dans son amour propre.

-Va-t'en, fuis, maudite !...

Elle s'est alors levée, chancelante, et elle a adressé à sa mère un dernier regard qui semblait concentrer toute sa confiance et tous ses espoirs... Alba Lucinie lui a renvoyé ce signe d'affection la fixant pleine d'une douloureuse tendresse. Elle sembla découvrir dans la limpidité de son expression toute l'innocence de l'âme miséricordieuse et chrétienne de sa malheureuse fille et son cœur maternel remercia intimement les dieux d'avoir épargné sa vie...

Comprenant le caractère inflexible de l'ordre paternel, Célia a fait quelques pas titubante et sortit par une issue latérale, elle s'est retrouvée en pleine rue sans avoir où aller alors que derrière elle, les portes du foyer paternel se refermaient pour toujours.

Après avoir fait des reproches à sa femme sur sa conduite l'accusant d'indifférence et de son manque de vigilance, et après avoir promis de récompenser le silence d'Hatéria, la menaçant aussi de prison au cas où elle agirait contrairement, il envoya un serviteur de confiance à la résidence de ses beaux-parents pour leur demander de venir chez lui de toute urgence.

Une heure plus tard, Fabius Corneille et sa femme se trouvaient auprès du couple apprenant tout ce qui s'était passé.

Alors que Julia Spinter était touchée par les plus pénibles émotions, le vieux et fier censeur s'exclama convaincu :

- Oui, Helvidius, partons immédiatement trouver le traître pour l'exterminer quelles qu'en soient les conséquences ; mais tu aurais dû exécuter ta fille, car le sang doit compenser les préjudices de la honte selon nos codes d'honneur !... Mais, bon, elle sera moralement morte pour toujours. Après avoir éliminé Lolius Urbicus, nous ferons en sorte que les cendres de Célia viennent de Capoue pour être déposées à Rome dans le caveau familial.

Pendant que les deux femmes bouleversées, mère et fille, restaient dans la chambre d'Alba Lucinie à se consoler réciproquement et suppliaient la protection des dieux pour cette tragédie inattendue si éprouvante, Fabius et Helvidius se sont précipitamment dirigés vers le Capitule afin de liquider l'ennemi comme s'ils allaient supprimer un serpent immonde et vénéneux.

Cependant, une surprise, aussi grande que la première, les attendait.

Au palais du préfet des prétoriens, l'agitation était inhabituelle et étrange.

Avant d'atteindre l'atrium, les deux patriciens furent informés que Lolius Urbicus était mort quelques minutes auparavant et l'on croyait qu'il s'agissait d'un suicide.

Le décès de son mari faisait partie du sinistre plan de Claudia, maintenant propriétaire d'un riche patrimoine financier, car de cette manière, il ne resterait personne pour éclairer Helvidius Lucius sur l'infamie que l'ancienne plébéienne croyait avoir jeté sur le nom de son épouse. En outre, tard dans la nuit, Sabine avait pris l'un des parchemins vierges signés de la main du préfet, et imitant parfaitement son écriture rédigea un billet laconique où il se reconnaissait fatigué de la vie et suppliait Flavius Corneille, son ami de tous les temps, de lui pardonner les dommages moraux qu'il lui avait causés.

Pénétrant abasourdis chez leur ennemi mort, Fabius et Helvidius furent abordés par Claudia Sabine qui leur est apparue en larmes en ce matin tragique.

Après avoir déploré la tragique décision de son époux qui avait déserté la vie, Sabine livra au censeur le dernier billet d'Urbicus, qu'elle disait avoir été écrit par son mari à sa dernière heure, laissant transparaître une grande curiosité concernant cette demande de pardon injustifiable et étrange. Elle désirait ainsi, connaître les premiers résultats du funeste travail d'Hatéria, attendant anxieusement des informations indirectes des lèvres d'HeMdius ou quelque allusion venant de Fabius que son esprit vindicatif attendait impatiemment.

Le censeur et son beau-fils, néanmoins, reçurent sèchement et avec indifférence le supposé billet d'Urbicus. Et comme il fallait dire quelque chose face à cet événement imprévisible, Fabius Corneille a ajouté :