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Vous savez, mère - dit le jeune homme comme s'il avait toutes les qualités d'un cancanier -, un grand événement a bouleversé toute la ville !

Tandis qu'Orphilia faisait un geste d'étonnement, Junin continuait :

La première nouvelle qui a ébranlé aujourd'hui l'entourage du forum dans la matinée fut la mort du préfet Lolius Urbicus qui s'est suicidé scandaleusement, entraînant le gouvernement à de nombreux hommages !

Comme c'est étrange - s'exclama l'interpellée -, plusieurs fois, j'ai vu cet homme noble en public à l'allure fière et virile. Hier encore, je l'ai aperçu sur les chars à l'occasion des fêtes triomphales de l'Empereur. Son visage débordait de joie et pourtant...

Et bien - interrompit le chef de maison -, nous traversons une phase de terribles surprises dans toutes les classes sociales. Qui pourrait garantir avec certitude que le préfet des prétoriens s'est réellement suicidé ? Le mois passé, la ville a assisté à deux événements de ce type, pourtant, on a appris ensuite que les deux patriciens suicidaires avaient été cruellement assassinés par des tueurs de leur propre bande.

Célia assise dans un coin comme si elle était une jeune mendiante, écoutait ces remarques, amèrement impressionnée. La mort étrange de Lolius Urbicus l'atterrait. Bien qu'inquiète, elle faisait son possible pour ne pas trahir ses plus vives émotions.

Mais la journée n'a pas seulement été marquée par cet événement là -continuait Junin, loquace - ; on m'a dit au forum que quelques chrétiens ont été arrêtés alors qu'ils étaient réunis près de l'Esquilin et que le censeur Fabius Corneille et sa famille sont partis pour Capoue afin de rapporter à Rome les cendres de l'une des filles du tribun Helvidius Lucius, récemment décédée...

La jeune chrétienne reçut cette nouvelle avec étonnement, comprenant la gravité de sa situation face à ses parents orgueilleux et inexorables. Elle fut tristement choquée par des nouvelles aussi affligeantes... L'idée lui vint à l'esprit de retourner chez elle et de reposer son corps épuisé... Elle ne s'était jamais éloignée de son foyer, excepté quand elle se reposait auprès de son grand-père malade, au palais de l'Aventin. Elle s'est souvenue des serviteurs amicaux et dévoués, a évoqué tous les recoins du nid paternel avec ses aspects particuliers. Une nostalgie immense de sa mère l'a profondément envahie et pourtant par une secrète intuition, son cœur lui disait que jamais plus ses yeux ne reverraient la tranquillité du foyer paternel, si ce n'est lorsqu'elle aurait quitté la prison du monde. D'après les informations de Junin, elle comprit que les portes de la maison paternelle lui étaient à jamais fermées... Symboliquement morte, ce n'est qu'en tant qu'ombre qu'elle pourrait un jour retrouver les siens...

Observant ses yeux larmoyants et reconnaissant son énorme fatigue, Orphilia voulut interrompre les sujets frivoles lui adressant la parole gentiment :

Et toi, ma chère enfant, pour peu nous ne finissions pas notre histoire. Tu te dis veuve ? Mais, quelle pitié !... Tu es si jeune !

La prenant par la main, elle la conduisit à l'intérieur sous le regard surpris des deux hommes qui remarquaient la noblesse des traits de l'inconnue, tout en disant :

Entrons, ma Me !... Il fait très froid et tu semblés fatiguée. En outre, nous avons besoin de nous occuper de l'alimentation du petit. Viens !

Après les remarques de Junin, comprenant qu'elle ne pourrait pas exposer à cette amie occasionnelle la réalité de sa situation, Célia priait Jésus de l'inspirer dans des circonstances aussi difficiles alors qu'Orphilia continuait avec intérêt :

Mais, comment t'appelles-tu, ma sœur ? Tu es veuve depuis longtemps ? Et tu n'as pas d'amis ?...

La fille d'Helvidius, mesurant toute la délicatesse du moment, lui donna un faux nom

et dit :

Je suis devenue veuve il y a à peine quatre mois et Je suis complètement abandonnée avec cet enfant de quelques jours. J'ai supporté toutes les souffrances d'une pauvre malheureuse de la plèbe, mais j'ai toujours gardé ma foi en Jésus comme unique refuge. Même maintenant, votre charité fraternelle qui m'accueille dans cette maison, est pour moi le témoignage vivant de la protection du Maître Divin à qui j'ai adressé toutes mes prières!...

Non seulement Orphilia, mais son mari et son fils aussi l'ont écoutée peines.

Et quels sont tes projets, ma fille ? - a demandé la maîtresse de maison, émue.

À cette question, Célia s'est souvenue de Cneius Lucius qui lui avait promis son soutien dans les moments les plus difficiles si le Seigneur le lui permettait, et implorant ses valeureux conseils par les vibrations silencieuses de sa pensée, elle répondit avec une certaine fermeté :

Il faut que je quitte Rome le plus tôt possible. Malheureusement, les moyens nécessaires me manquent, mais j'espère que Jésus m'aidera... J'ai quelques parents dans la banlieue de Naples et aux confins de la Campanie. Je veux faire appel à eux tous, car je ne pourrai pas rester ici sans conditions pour nous faire vivre mon pauvre enfant et moi.

C'est juste - a répondu Orphilia doucement -, Horace et moi, nous pourrons t'aider dans les premières mesures à prendre.

D'ailleurs - a répliqué le chef de famille, avec un geste paternel -, en tant qu'employé du forum, Junin devra partir en voyage ce mois-ci, emportant des documents de peu d'importance jusqu'à Gaète ! Munie des quelques ressources que nous pourrons trouver, tu pourras commencer avec de nouveaux recours pour rejoindre tes parents.

Célia l'écoutait consolée et reconnaissante pendant qu'Orphilia prenait l'enfant pour le nourrir correctement, incitant la jeune fille à se servir, à son tour, une assiette de bouillon.

Cette idée tombe à point nommé - dit Orphilia s'adressant à son mari, les nobles partent pour Naples sur de luxueuses galères, mais nous, les humbles, nous devons utiliser les procédés les plus pauvres.

Toutefois, tout est entre les mains de la miséricorde divine - a commenté Horace, convaincu.

Et s'adressant à son fils, alors que sa femme se taisait, il a demandé :

Quand pars-tu ?

Dans deux semaines, je crois.

Très bien, Orphilia, d'ici là, nous aurons pourvu aux besoins nécessaires pour le voyage de notre sœur.

Célia a esquissé un sourire de remerciements se «entant bien aux côtés de ces cœurs simples et généreux.

Peu après, elle reposait avec le petit dans un modeste lit très propre que la maîtresse de maison lui avait préparé, près de sa chambre.

Accommodant affectueusement l'enfant entre les pauvres couvertures, la fille d'Helvidius Lucius se mit à prier, méditant sur les pénibles péripéties de ce jour inoubliable. Quand l'on souffre, la vie est comme un tourbillon de cauchemars intenses. À son esprit accablé, il lui a semblé qu'elle était séparée des siens depuis plusieurs années, telle fut l'angoisse martyrisante des heures interminables où elle errait sur les voies publiques, sans but et sans aucun espoir... Sans perdre de vue le bébé, elle a senti que petit à petit son corps exténué cédait au sommeil réparateur. Elle s'est alors endormie tranquillement comme si dans les ailes de la nuit son esprit fuyait temporairement sa prison, libérée de la pénible réalité.

Pendant deux semaines, grâce à la protection d'Orphilia et de son mari, la jeune fille chrétienne s'est préparé des vêtements pour elle et pour le petit. Avec ce que ses amis lui fournissaient, elle s'est coupé des habits pauvres et simples avec lesquels elle entreprendrait son chemin d'humilité.

Où irait-elle ? Elle ne pouvait pas le savoir en fait.

Elle ne connaissait pas Naples si ce n'est à travers les descriptions de son vieux grand- père quand il inventait des voyages imaginaires pour instruire sa petite-fille aimée.