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Rapidement installée dans un véhicule assez rapide pour l'époque, la jeune chrétienne pouvait apercevoir à l'horizon les célèbres marais Pontins, une vaste étendue de terre sans relief vers où convergeaient les eaux abondantes de quelques fleuves.

Célia traversa ainsi différentes agglomérations, des villages naissants ou des vieilles villes en ruines, retenant plus longuement ses yeux tristes sur les humbles constructions du Foro Appio (Forum Appii), où les traditions chrétiennes de Rome assuraient qu'avait eu lieu la rencontre de Paul de Tarse avec ses frères de la ville de César.

Plongée dans ses réflexions, la voyageuse passa près d'Anxur, qui s'appellera plus tard Terracine, et qui débouchait sur les flancs escarpés de la montagne, passant par les ruines bien conservées d'anciens palais qui avaient appartenu à de lointains souverains. Des sommets, ses yeux découvraient toute la région des célèbres marais ainsi que la vaste étendue de la mer Tyrrhénienne.

Arrivée là, cependant, elle sentit son cœur affligé se glacer, car sur cette route hostile et montagneuse, le cocher âgé, bienveillant et amical, devait faire marche arrière obéissant ainsi aux ordres reçus.

Le soir tombait. Le vieux transporteur de terre a salué sa compagne qui avait les yeux larmoyants. Pendant tout le chemin, Célia était restée triste et silencieuse, mais, percevant que son bienfaiteur ému craignait de devoir l'abandonner dans un endroit aussi ingrat à une telle heure, elle lui dit courageusement :

Adieu, mon bon ami ! Que le ciel récompense votre bonté. Votre offre généreuse m'a évité une grande fatigue sur cette route !...

Vous allez à Fundi ? - a demandé le bon vieillard avec intérêt.

Je n'aurai pas besoin d'aller jusqu'à là-bas - a répondu la jeune fille avec un courage inouï - ; la maison de mes parents est toute proche.

Encore heureux - a-t-il répliqué réconforté -, je craignais que vous ayez à marcher encore longtemps car ces régions sont infestées de fauves et de hors-la-loi.

Soyez tranquille - a dit Célia cachant sa propre angoisse -, ces routes ne me sont pas inconnues. En outre, je suis sûre que le ciel me soutiendra, protégeant mon enfant...

Entendant cette invocation faite au ciel, dans sa Simplicité d'âme vouée à Dieu, le généreux transporteur s'est respectueusement découvert et après avoir tendu sa main à la jeune inconnue, il s'est préparé à descendre la montagne où il n'était monté que pour répondre à la

Sollicitation de sa gracieuse passagère. Il reprit les mêmes sentiers escarpés afin d'accomplir à Anxur la tâche qui lui Incombait.

Célia le vit disparaître dans les courbes raides, accompagnant le véhicule d'un regard triste et soucieux, elle aurait aussi voulu faire demi-tour car une crainte immense des hommes impitoyables qui ne sauraient pas respecter sa chasteté, la poussait à chercher l'inconnu entre les ombres épaisses des forêts du Latium.

Plongée dans la prière, elle a marché presque mécaniquement, observant, angoissée, que les ombres du crépuscule s'avoisinaient...

La route passait par une étroite vallée, d'un côté elle pouvait voir l'océan et de l'autre la chaîne de montagnes. Les derniers rayons de soleil doraient les immenses sommets quand ses yeux découvrirent sur la gauche, une grotte providentielle formée par les éléments de la nature. C'était, néanmoins, une construction naturelle si imposante qu'il a suffi d'un examen plus poussé pour qu'elle se rappelle des leçons de son grand-père, en d'autres temps, identifiant l'endroit avec les souvenirs de ses études. Cette grotte était le lieu célèbre où Séjan avait sauvé la vie de Tibère, quand l'ancien Empereur, encore prince, se dirigeait avec quelques amis vers les villes de Campanie. Se sentant assaillie par les faibles clartés en fin d'après-midi, elle s'est dirigée vers l'intérieur où une cavité naturelle semblait bien adaptée au repos d'une nuit. Remerciant Jésus d'avoir trouvé un abri comme celui-ci, elle a arrangé les pauvres vêtements qu'elle avait apportés pour accommoder le petit et se mit à récolter de grandes brassées de mousse sauvage qui tombait des vieux arbres, elle rembourra le lit dur avec le plus grand soin. Alors qu'elle cherchait à barrer le passage dans la grotte où elle allait se reposer avec des pierres et des branches vertes, envisageant la possible apparition de quelque bête sauvage, voici qu'elle entendit s'approcher rapidement le bruit des sabots de chevaux au trot sur le chemin...

Reprenant le petit dans ses bras, elle est accourue vers eux, désireuse de parler à quelqu'un et de pouvoir fuir cette triste impression de solitude, espérant que la Providence divine, par l'intermédiaire d'un cœur bienveillant, lui éviterait l'angoisse d'une nuit qui se présentait terrifiante...

Serait-ce un véhicule, ou serait-ce de généreux cavaliers qui lui tendraient une main fraternelle ? Il se pouvait aussi que ce soit des voleurs à cheval, perdus dans la forêt en quête d'aventures... Considérant cette dernière hypothèse, elle voulut faire marche arrière, mais dans l'obscurité de la nuit, trois ombres se sont détachées à ses côtés l'empêchant de battre en retraite car freinés brusquement, les élégants chevaux ont interrompu leur trot accéléré et bruyant.

Reprenant courage grâce au flux des puissantes énergies qui venaient de l'invisible et se déversaient sur elle, la fille d'Helvidius a demandé :

Vous allez à Fundi, cavaliers ?

En entendant ces paroles, celui qui semblait être le chef des deux autres s'est écrié d'une voix atterrée :

Urbain ! Lucrèce ! - allumez les lanternes. Stupéfaite, Célia a immédiatement reconnu cette voix dans la nuit.

Il s'agissait de Caius Fabrice qui revenait de Rome où il avait laissé sa femme en compagnie de ses parents, contraint de répondre à des obligations urgentes à Capoue après les présumées funérailles de Célia, conformément aux arrangements de la famille.

La jeune chrétienne ressentit les craintes les plus poignantes entremêlées d'espoirs. Qui sait sa situation pourrait peut-être changer face à cette rencontre imprévisible ?

Avant qu'elle n'ait eu le temps de penser plus avant, deux lanternes ont illuminé l'atmosphère.

Le mari d'Helvidia l'a dévisagée, atterré. La vision de Célia, seule et abandonnée, retenant dans ses bras l'enfant qu'il supposait être son fils, a ému son cœur ; néanmoins comprenant la gravité des événements survenus à Rome, conformément aux pénibles informations transmises par son beau-père, il choisit de cacher son émotion et afficha la plus froide indifférence :

-Caius !... - a imploré la jeune fille avec une indicible inflexion de voix, alors que la lumière baignait son visage abattu.

Vous me connaissez ? - a demandé le fier patricien.

Se peut-il que tu ne me reconnaisses pas ?

Qui êtes-vous ?

Tu devrais ouvrir les yeux ?

Je ne vous connais pas.

Serais-je transformée à ce point ? Tu ne te rappelles pas de la sœur de ta femme ? - a- t-elle demandé suppliante.

Ma femme - a conclu le voyageur pendant que les deux serviteurs le regardaient grandement surpris -n'avait qu'une sœur qui est morte il y a dix-huit jours. De toute évidence, vous vous trompez puisque je reviens de Rome où j'ai assisté à son enterrement.

Ces mots furent prononcés avec une froideur indéfinissable.

La fille d'Helvidius Lucius a fixé ses yeux remplis de larmes dans les siens et son visage transfiguré portait les marques d'une infinie affliction. Elle comprit qu'il était inutile de caresser tout espoir de retourner au sein de sa famille. À toutes fins utiles elle était morte, et pour toujours. Elle sembla se réveiller plus violemment encore de sa déchirante réalité, mais sentant que quelqu'un soutenait son esprit à un moment aussi bouleversant, elle s'est exclamée: