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C'est alors qu'elle réussit à rompre les émotions qui l'asphyxiaient, s'exclamant d'une voix triste et éprouvée :

Plus que des paroles, mon cœur, que votre esprit est en mesure de scruter, peut vous dire ma joie et ma reconnaissance !... Protecteur et ami, guide aimant de mon âme, puisque vous venez des ombres de la tombe pour m'apporter les vérités les plus consolatrices, aidez- moi à vaincre les pénibles difficultés de la vie !... Stimulez-moi ! Inspirez-moi par votre sagesse et votre amour compatissant ! Ne me laissez pas désorientée au milieu de ces durs rochers !... Grand-père, mon cœur est aussi triste que cette nuit, et le découragement et l'amertume clament en mon for intérieur comme les loups féroces qui hurlent dans ces forêts!... Désormais, néanmoins, je saurai que je vous ai près de moi !... Je marcherai consciente que vous suivrez mes pas en quête du vrai bonheur !... Priez Jésus que j'accomplisse austèrement tous mes devoirs ! Et, surtout, soutenez aussi cet innocent dont je chercherai à protéger la vie en toutes circonstances !...

La voix de Célia s'arrêta alors. Entendant ses suppliques avec la même expression de sérénité et d'affection dans le regard, Cneius Lucius s'est avancé lentement jusqu'au lit improvisé du petit, illuminant son petit visage blanc d'un geste de sa main droite radieuse, il lui dit souriant :

Ainsi donc ma fille - a-t-il dit en montrant du doigt l'enfant -, Cirus a accompli sa promesse en revenant immédiatement au monde pour être plus près de ton cœur, sous les bénédictions de l'Agneau !...

Comment ne me l'avez-vous pas révélé avant ? - se dit la jeune fille profondément possédée d'un sublime enthousiasme.

C'est que Dieu - répondit l'entité généreuse devinant ses pensées - souhaite que nous spiritualisions tous l'amour, en cherchant ses expressions les plus pures et les plus sublimes. En recevant un enfant abandonné comme ton frère, sans te laisser conduire par d'autres dispositions particulières, tu as su sanctifier bien davantage ton affection pour Cirus, par le lien indissoluble des âmes jumelées, en route vers les plus lucides conquêtes spirituelles dans la rédemption suprême...

Oui - a dit la jeune patricienne dans sa joie spirituelle -, maintenant je comprends mieux mon attendrissement, et puisque vous m'avez apporté au cœur une joie aussi douce, dites-moi comment je dois agir à partir de là, donnez-moi une orientation adéquate pour que je puisse accomplir irréprochablement tous mes devoirs...

Ma fille, l'orientation de tous les hommes est tracée par les exemples de Jésus-Christ! Nous n'avons pas le droit de gêner l'initiative et la liberté des êtres qui nous sont les plus chers, parce que sur le chemin de la vie, l'effort personnel est indispensable ! Lutte avec énergie, avec foi et persévérance pour que le royaume du Seigneur fleurisse en lumière et en paix dans ta propre vie... Garde ta conscience toujours pure et si un jour le doute vient perturber ton cœur, demande toi ce que ferait le Maître à ta place dans les mêmes circonstances... Ainsi tu apprendras à agir avec assurance, illuminant tes résolutions à la lumière de l'Évangile !...

Après une pause pendant laquelle Célia ne savait pas si elle devait fixer la personnalité survivante de son grand-père, ou si elle réveillait l'enfant abandonné pour revoir dans ses yeux, encore une fois, le souvenir de son bien-aimé, Cneius Lucius a ajouté :

Après tant de surprises exaltantes et tant de fatigue, tu dois te reposer ! Repose ton corps douloureux qui devra encore supporter beaucoup de luttes... Continue avec tes prières et la même vigilance de toujours car Jésus ne t'abandonnera pas sur les mers intrépides de la vie!...

Alors, comme si un pouvoir invincible annihilait ses capacités de résistance, Célia s'est sentie enveloppée d'un magnétisme doux et délicieux. Peu à peu, elle cessa de voir la figure radieuse de son grand-père qui se posta à ses côtés telle une sentinelle affectueuse la protégeant contre l'irruption de tous dangers... Un paisible sommeil ferma ses paupières fatiguées et, étreignant le petit, elle a tranquillement dormi jusqu'à ce que les premiers rayons du soleil pénètrent dans la grotte annonçant le jour.

DE MINTURNES A ALEXANDRIE

Pendant que la vie familiale de Fabius Corneille suivait son cours dans la ville impériale sans incidents majeurs, suivons la fille d'Helvidius Lucius sur son pénible chemin.

De bon matin, Célia a rejoint le village de Fundi où dans les environs une généreuse créature l'a accueillie une journée avec tendresse et bonté. Ce fut suffisant pour la consoler de ses dures et longues randonnées et le lendemain, elle se remettait en chemin en direction d'Itri, l'ancienne « Urbs Mamurrarum », profitant toujours du tracé de la voie Appienne.

En chemin, elle eut la satisfaction de rencontrer la charrette de Grégoire, l'humble transporteur qui l'avait laissée la veille dans les montagnes de Terracine, ces retrouvailles furent pour elle une grande joie. Dans les difficultés et les douleurs du monde, la fraternité crée des liens profonds qui n'existent pas dans les joies mondaines toujours fugaces et transitoires.

Grégoire lui a offert la même place à ses côtés, un geste de protection que la jeune fille a accepté bien volonté le considérant comme étant une bénédiction du ciel.

Comme deux bons vieux amis, ils ont parlé du paysage et des petits incidents de parcours, quand Grégoire lui a demandé avec intérêt :

Avez-vous d'autres parents que ceux de Fundi ? Ce n'est pas un petit sacrifice que de s'aventurer à faire un voyage aussi long que celui d'avant-hier, me semble-t-il... Comment ont- ils pu approuver que vous fassiez un autre voyage à pied ?

Oui, mon ami - a-t-elle répondu cherchant à dévier son aimable curiosité -, mes parents de Fundi sont très pauvres et je ne souhaite pas retourner à Rome sans avoir revu un oncle malade qui habite à Minturnes."

Très bien - a murmuré le généreux plébéien satisfait par cette réponse -, puisqu'il en est ainsi, je pourrai vous conduire jusqu'au bout de votre voyage aujourd'hui même car je vais au-delà des lagunes de la ville.

Leur route a continué entre les gentillesses de Grégoire et les remerciements de Célia qui appréciait sa bonté, émue.

Ce n'est qu'en fin d'après-midi que le véhicule a atteint la banlieue de la célèbre ville.

Saluant l'affectueux compagnon, la jeune chrétienne contempla le magnifique paysage qui se révélait à ses yeux. Une belle végétation côtière surgissait des terres inondables dans une abondance de fleurs. La première porte de la ville était à quelques mètres, mais son amour pour la nature la fit s'arrêter près des grands arbres sur le chemin. Le soleil qui baissait renvoyait à la vision fleurie ses rayons agonisants. Dominée par de sublimes pensées et reprenant confiance en la vie grâce aux paroles de vérité et de consolation que son grand-père lui avait apportées la veille des confins de sa tombe, elle se mit à prier, remerciant Jésus de toutes ces grâces merveilleuses et infinies.

Dans son doux ravissement, elle a dévisagé la petite figure délicate qui s'agitait dans ses bras et lui embrassa le front dans une extase de spiritualité.

La veille, ils avaient reçu l'hospitalité de la nature, mais maintenant, devant les files de taudis tout près de la route, elle se demandait quel serait le meilleur moyen de faire appel à la miséricorde de son prochain, comptant bien sûr, comme les autres fois, sur l'assistance de Jésus qui lui fournirait l'inspiration la plus juste par l'intermédiaire de ses messagers éclairés.