C'est alors qu'elle a remarqué une hutte entourée d'orangers où la vie semblait être plus simple et plus solitaire. Son modeste aspect émergeait du bois à deux cents mètres du lieu où elle se trouvait, et comme attirée par quelque détail qu'elle ne pouvait définir, Célia a atteint le sentier et a frappé à la porte. Les premières étoiles brillaient dans le ciel.
Après avoir appelé plusieurs fois, elle a senti que quelqu'un approchait avec difficulté et faisait tourner une clé dans la serrure.
Sans plus tarder, elle avait devant ses yeux surpris une figure respectable et vénérable qui l'accueillit avec sollicitude et sympathie.
C'était un vieil homme qui portait une barbe vraiment grisonnante. Sa chevelure argentée renforçait ses nobles traits romains, irréprochables. Il semblait avoir plus de soixante-dix ans, mais son regard était plein de tendresse et de vie, comme si ses facultés de jugement étaient en pleine maturité. Lui tendant des mains ridées et tremblantes, Célia a remarqué une petite croix accrochée à sa poitrine par-dessus sa toge décolorée et usée.
Profondément émue et comprenant qu'elle se trouvait devant un vieux chrétien, elle a murmuré humblement :
Loué soit Notre Seigneur Jésus-Christ !
Pour toujours, ma fille ! - a répondu l'ancien révélant par un sourire toute la joie que ce salut lui causait. - Entre dans la chaumière du misérable serf du Seigneur et dispose de celui qui est également ton serviteur.
La fille d'Helvidius Lucius lui a alors expliqué qu'elle se trouvait désemparée en ce monde avec un petit enfant de quelques jours, bénissant l'heureux instant où elle avait frappé à la porte d'un chrétien qu'elle considérerait dès lors comme un maître. Immédiatement, il s'est établi entre eux deux un sentiment mutuel de cordialité et d'affection si fort et si pur qu'il semblait trouver son origine dans l'éternité.
Entendant son histoire, l'ancien de Minturnes lui a parlé avec douceur et sincérité :
Après avoir analysé ta situation, ma fille, de par mon expérience et ma foi, tu dois me permettre de t'aider comme un père ou comme un frère aine. C'est que moi aussi j'ai eu une fille que j'ai perdue il y a peu de temps, exactement quand je venais la chercher pour m'accompagner dans mon exil volontaire et béni en Afrique... Elle te ressemblait beaucoup et ce serait pour moi un grand bonheur si tu pouvais me regarder avec la même sympathie que tu m'inspires. Tu resteras dans cette maison le temps que tu voudras ou dont tu as besoin... Je suis seul, après avoir vécu une existence pleine de plaisirs et de douleurs... Dans le temps, l'affection de ma fille retenait encore mon cœur aux cogitations mondaines, mais maintenant je ne vis que pour ma foi en Jésus-Christ, attendant bientôt que ses paroles de miséricorde m'appellent en son royaume pour mesurer mon indigence !
Sa voix était entrecoupée de soupirs comme si les plus atroces souffrances intimes lui flagellaient le cœur en évoquant ces réminiscences.
Depuis plus d'un an - a-t-il continué - j'attends l'occasion de retourner à Alexandrie, mais mon dépérissement physique semble m'avertir que sous peu je serai forcé de livrer ce corps à la terre de Campanie, malgré mon désir de mourir dans un endroit solitaire d'où mon esprit serait transporté.
Tandis qu'il faisait une pause, la jeune fille suggéra innocemment :
Vous êtes romain, je présume, par les traits évidents de votre physionomie patricienne.
La regardant bien dans les yeux, comme s'il voulait se certifier de la pureté et de la simplicité d'âme de son interlocutrice, l'ancien a répondu posément :
Ma fille, ta condition de chrétienne et la candeur qui rayonne de ton âme m'oblige à la plus grande sincérité envers toi !...
Dans cette ville personne ne me connaît tel que je suis !... Depuis le jour où je me suis consacré à l'institution chrétienne à laquelle je participais en Egypte lointaine, je m'appelle Marin à toutes fins utiles. Dans notre communauté d'hommes sincères et croyants, détachés des biens matériels, nous avons fait un vœu solennel de résignation quant aux avantages éphémères de cette terre, de toutes ses joies, afin de nous unir au Seigneur et Maître avec la compréhension claire et profonde de sa doctrine. Tandis que les despotes de l'Empire projettent la fin du christianisme supposant l'annihiler par le supplice des adeptes, en dehors de Rome s'organisent des forces puissantes qui agiront à l'avenir pour défendre les idées sacrées ! Dans toutes les provinces de l'Asie et de l'Afrique, les chrétiens s'organisent en groupements pacifiques et laborieux et gardent les précieux écrits des disciples du Seigneur et de ses dévoués partisans, protégeant le trésor des croyants pour une postérité plus miséricordieuse et plus heureuse !...
Alors que Célia l'écoutait avec intérêt, l'ancien de Minturnes poursuivit, après avoir fait une pause comme pour se préparer à mieux expliquer ses souvenirs.
À ma propre fille, je n'aurais pu confier ce que je vais te révéler ce soir porté par une impulsion du cœur... Peut-être que mon esprit approche de la tombe et que le Maître aimé désire indirectement avertir mon âme coupable et douloureuse. Quelque chose m'oblige à te confesser mon passé avec ses inquiétudes et ses incertitudes... Je ne pourrais t'expliquer ce que c'est... Je sais à peine que l'innocence de ton regard de chrétienne, de fille pieuse et douce, fait naître dans ma poitrine exténuée les dons divins de la confiance !...
Mon vrai nom est Lesius Munacius, fils d'anciens guerriers dont les descendants ont été remarqués pour leurs actes au sein de la République... Ma jeunesse a été une longue suite de crimes et de déviations auxquels s'est livré mon esprit fragile, vu l'ignorance des enseignements de Jésus... Je n'ai pas hésité en d'autres temps à brandir l'épée homicide, disséminant la ruine et la mort parmi les plus humbles et les plus méprisés... J'ai participé à la persécution des noyaux du christianisme naissant, menant des femmes désarmées au martyre et à la mort, à l'occasion de fêtes exécrables !... Pauvre de moi !... Mais je ne savais pas qu'un jour résonnerait en moi la même voix divine et profonde qui a retenti pour Paul de Tarse en route vers Damas ! Après cette vie aventureuse, je me suis marié tard quand les fleurs de la jeunesse perdaient déjà leurs pétales à l'automne de la vie ! Je ne l'avais pas encore fait !... Pour conquérir l'affection de ma compagne, j'ai été obligé de dépenser l'impossible, abandonnant tous mes biens ! Sans préparation spirituelle, j'ai construit un foyer dans la plus grande simplicité ! Peu après, une petite fille gracieuse est venue illuminer les profondeurs secrètes de mes réflexions sur la destinée mais tourmenté par les plus durs besoins afin de garder à Rome notre niveau de vie sociale, j'ai senti que ma pauvre femme, prise d'illusions, ne boirait pas avec moi le calice de la pauvreté et de l'amertume ! En effet, bientôt mon foyer était outragé et déserté !...
Le juge Flavius Hilas, abusant de l'amitié et de la confiance que je lui témoignais, a séduit ma femme la déviant ostensiblement du sanctuaire domestique, dédaignant mes espoirs et mes souffrances... J'ai désiré mourir pour fuir la honte, mais mon attachement à ma petite fille m'avertissait que ce geste extrême n'était qu'une lâcheté... J'ai alors pensé aller voir Flavius Hilas et ma femme infidèle pour les assassiner carrément d'un coup d'épée, mais quand j'allais réaliser ce funeste dessein, j'ai rencontré en chemin près du temple de Sérapis, un vieux mendiant qui m'a tendu sa main droite mutilée, non pour implorer une aumône mais pour me donner un fragment de parchemin que j'ai pris empressé comme si je recevais le message secret d'un ami. Après quelques pas, j'ai reconnu atterré que quelques pensées de Jésus-Christ s'y trouvaient inscrites et qui venaient du Sermon de la Montagne, ce que j'apprendrai plus tard..
Avec cet hymne bienheureux, il était noté que quelques amis du Seigneur se réuniraient près des vieux murs de la voie Salarienne, cette nuit-là !... J'ai fait demi-tour pour obtenir plus d'informations du mendiant, mais je ne l'ai pas trouvé, ni n'ai plus jamais eu de ses nouvelles.