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- Pourquoi pleures-tu mon enfant - a-t-il ajouté avec douceur -, puisque ma pauvre histoire de vieillard ne te touche pas directement ?

La fille d'Helvidius n'a pas répondu, dominée par l'émotion du moment, mais l'ancien continua, surpris et mélancolique :

Aurais-tu par hasard une histoire aussi triste que la mienne ? Malgré la foi intense que je devine en toi, une telle sensibilité spirituelle n'est pas justifiée à ton âge. Dis-moi, ma fille, si tu as le cœur également touché par un poignant ulcère... si les douleurs pèsent dans ton âme désappointée, rappelle-toi la parole du Maître quand il prêchait dans Capharnaùm : - « Venez à moi vous tous qui portez au fond de vous les tourments du monde et je vous soulagerai... » Il est vrai que tu n'es pas devant le

Messie de Dieu, mais nous devons quand même nous souvenir de la leçon de Jésus qui accepta l'affection de Simon de Cyrène quand il l'a aidé à porter sa croix !... Lui qui était la personnification de toute l'énergie de l'amour, n'a pas hésité à recevoir le soutien d'un humble fils d'infortune... Je suis aussi un misérable pécheur, fils des épreuves les plus dures et les plus épineuses ; mais si tu pouvais lire dans mon cœur, tu verrais qu'au fond, bat pour toi la bonté d'un père. Ta présence éveille en moi une inexplicable et mystérieuse tendresse... J'ai confié à ton esprit ce que je ne dirais qu'à ma fille adorée qui m'a précédé dans les ombres de la tombe. Si tu te sens accablée par les tourments du monde, parle-moi un peu de tes douleurs. Tu partageras avec moi tes souffrances et la croix des épreuves te semblera plus légère'...

À ces exhortations tendres et spontanées qu'elle n'avait plus entendu depuis le décès de son grand-père dont le nom avait été prononcé par le vieillard de Minturnes, comme une référence faite à la confiance qu'il lui témoignait, après avoir installé le petit qui était endormi, Célia s'est assise à côté de son bienfaiteur avec l'intimité de quelqu'un qui le connaîtrait depuis longtemps et d'une voix entrecoupée par une forte émotion, elle s'est mise à parler :

Puisque vous me considérez comme votre fille, vous permettrez que je baise vos mains généreuses et que je vous appelle mon père, par les affinités les plus sacrées qui soient.

Vous venez d'évoquer un nom qui m'oblige à m'émouvoir face à mes souvenirs si désolants... Je me confierai à. vous comme je l'ai toujours fait à mon affectueux grand-père dont vous vous êtes rappelé avec reconnaissance. Moi aussi je viens de Rome par les mêmes chemins éprouvants d'amertume et de sacrifice. Vous remerciant de votre confiance, je vous révélerai moi aussi ma malheureuse histoire quand la jeunesse semblait me sourire en pleine floraison printanière.

Abandonnée et seule, je recevrai certainement de votre expérience sur les routes de la vie le bon conseil qui me permettra de m'arrêter quelque part afin d'accomplir ma mission de mère pour ce pauvre innocent ! Depuis mon départ de Rome, je ressens le plus atroce besoin d'en parler à un cœur bienveillant qui pourra me guider et m'éclairer. Dans mon périple, partout j'ai trouvé des hommes impitoyables qui me jetaient des regards pleins de corruption et de volupté. Quelques-uns en sont même arrivés à insulter ma chasteté mais j'ai sans cesse supplié Jésus de me donner l'occasion de rencontrer un esprit bienfaiteur et chrétien qui me soutiendrait !...

Se sentant prise d'une inexplicable confiance alors que le petit vieux de Minturnes l'écoutait surpris, malgré l'immense sérénité qui transparaissait de son regard, la fille d'Helvidius Lucius lui raconta sa romance pleine d'événements intenses et émouvants. Reconnaissant être la petite-fille du magnanime Cneius, ce qui sensibilisa profondément son interlocuteur, elle lui narra tous les épisodes de sa vie, depuis ses premières contrariétés de jeune fille et de jeune femme dans la Palestine lointaine-, jusqu'au long récit de la vision de son grand-père, la nu il précédente, quand elle fut forcée de passer la nuit dans la grotte de Tibère.

À la fin, elle avait les yeux gonflés de larmes comme quelqu'un qui aurait longtemps tardé à décharger son cœur du poids de sa détresse.

Ému, le vieillard lui caressait les cheveux comme il l'aurait fait à sa fille après une longue absence pleine de déchirantes nostalgies et lui dit finalement :

- Ma fille, en me proposant de te consoler, c'est ton propre cœur d'enfant par les plus beaux exemples de sacrifice et de courage qui me console !... Pour moi, qui si souvent ai abrité le mal et qui me suis perverti dans le crime, les souffrances de la terre signifient la justice des destins humains ; mais pour ton esprit affectueux et bon, les épreuves terrestres sont un héroïsme du ciel !... Dieu bénisse ton cœur fustigé par les tempêtes du monde avant les floraisons du printemps. Des joies du royaume de Jésus, Cneius Lucius doit se réjouir au Seigneur de tes faits héroïques... Je sens que son âme anoblie dans la pratique du bien et de la vertu, suit tes pas comme une très fidèle sentinelle !...

Après une longue pause pendant laquelle Marin a semblé réfléchir à l'avenir de sa gracieuse compagne, il lui dit paternellement :

-Alors que tu me disais tes souffrances personnelles. Je me demandais quelle serait la meilleure manière de t'aider au crépuscule de ma vie ! Je comprends ta situation de jeune fille abandonnée et seule au monde avec le lourd poids de devoir t'occuper d'un enfant accueilli dans de si étranges circonstances. Te conseiller de retourner à ton foyer, je ne peux le faire, connaissant la rigidité des coutumes dans certaines familles de la noblesse. En outre, chez toi, on te considère morte pour toujours, et les paroles aimantes de Cneius Lucius ne peuvent avoir de valeur inestimable que pour nous qui en comprenons la portée et la sublime révélation. Selon lui, nous devons admettre la complète innocence de ta mère, mais si tu retournes à Rome, l'apparition de cette nuit ne suffirait pas à élucider tous les problèmes de la situation te laissant dans les mêmes circonstances de suspicion. Et tu sais qu'entre le doute et la vérité, il vaut mieux choisir le sacrifice, car la vérité est de Jésus et elle vaincra dès que sa miséricorde jugera sa victoire opportune.

Mon expérience acquise en ces temps de décadence morale me laisse penser que presque tous les jeunes gens pleins de sentiments douteux se plieront devant ta fraîcheur, pris d'intentions ignominieuses. La destruction de mon foyer sera toujours une preuve vivante des misères morales de notre temps.

Réfléchissant à tes difficultés, je désir sauver ton cœur de tous les dangers en t'évitant les embuscades des chemins insidieux, cependant, la maladie et la décrépitude ne me permettront pas d'assurer ta défense... Dans Minturnes, presque tout le monde me hait gratuitement en vertu des idées que je professe. Pendant longtemps encore, un chrétien sincère devra souffrir de l'incompréhension et de la torture des bourreaux du monde, et s'ils ne me mènent pas au sacrifice lors des fêtes régionales qui sont organisées ici, c'est en raison de ma vieillesse avancée et pénible, de mes rides et de mes cicatrices... Présenter un vieux misérable aux puissants fauves ou à l'exercice des athlètes de la débauche et de l'impiété, pourrait sembler relever de la pure lâcheté, raison pour laquelle je me juge épargné.

Je n'ai donc plus aucune relation d'amitié qui pourrait t'être utile dans ta situation.

Souviens-toi qu'il y a peu, je t'ai parlé de mon ancien projet de ramener ma fille en Egypte dans des habits masculins afin de la ravir à cet antre de corruption et de crimes. Ce geste d'un père est bien celui d'un cœur aimant pris de désespoir quant à l'avenir spirituel de cette région d'iniquité.

Contemplant ta jeunesse sans défense chargée de si nobles sacrifices, je crains pour tes jours futurs mais je prie Jésus d'éclairer nos pensées.