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L'âme immergée dans des songes pesants, très surprise, elle vit tout à coup approcher le détachement de prétoriens.

Prise d'émotion, elle s'est souvenue ce que ces petites expéditions de terreur signifiaient en d'autres temps, elle reçut alors dans son cabinet l'officier qui était accompagné de deux hommes athlétiques avec qui il échangea des regards significatifs.

À quoi dois-je l'honneur de votre visite ? - a-t-elle demandé après s'être assise, adressant à Silain un regard d'une intense curiosité.

Etes-vous la veuve de l'ancien préfet Lolius Urbicus ?

Oui... - a répliqué l'interpellée avec indifférence.

Bien, je suis Silain Plautius et je suis ici par ordre du censeur Fabius Corneille qui, après une longue procédure, a prononcé contre votre personne la sentence finale. J'espère que vous saurez mourir dignement, étant donné votre condition de conspiratrice de l'Empire..

Claudia entendit ces paroles alors qu'elle sentit son sang glacer son cœur. Une pâleur d'albâtre a recouvert son front, ses tempes battaient de façon accélérée. Elle a précipitamment tendu ses mains vers des meubles à proximité, essayant d'utiliser une grande sonnette, mais Silain a retenu son geste, s'exclamant avec sérénité :

Toute résistance est inutile ! La maison est encerclée. Faites aux dieux vos dernières prières !...

À cet instant, obéissant aux signes en usage, Lydien et Marc, deux géants, se sont avancés vers Claudia Sabine chancelante qui avait du mal à se tenir debout... Tandis que le premier la bâillonnait impitoyablement, le second s'apprêtait à lui couper les pouls avec une lame tranchante...

Éprouvant toute l'horreur de cette situation irrémédiable, Claudia se livrait à ses bourreaux sans résistance, adressant, néanmoins, à Silain un regard inoubliable.

Que ce soit en raison de la terreur à cette minute ultime ou à cause des émotions irrésistibles et profondes ressenties, le sang de la malheureuse ne coulait pas de ses veines ouvertes. On aurait dit qu'une émotion ardente agitait toutes ses forces psychiques, contrariant les lois communes des énergies organiques.

Devant ce fait insolite et rarement observé lors des exécutions de cette nature, et face au regard angoissé et insistant que la victime lui adressait, comme pour lui demander qu'il l'écoute, l'officier a ordonné à Lydien de lui retirer son bâillon, afin que la condamnée puisse faire ses dernières recommandations et mourir tranquille.

Soulagée du garrot, Claudia Sabine s'exclama d'une voix lugubre :

Silain Plautius, mon sang se refuse à couler avant que je n'aie confessé toutes les péripéties de ma vie !

Éloigne tes hommes de ce cabinet et ne crains rien d'une femme désarmé etmoribonde!...

Très impressionné, le fils adoptif de Cneius Lucius a ordonné à ses compagnons de se retirer dans une pièce contigûe, tandis que Claudia, maintenant seule avec lui, s'est jetée à ses pieds, les veines ruisselantes, elle lui dit amèrement :

Silain, pardonne le cœur misérable qui t'a donné la vie !... Je suis ta mère, malheureuse et criminelle, et je ne veux pas mourir sans te demander de me venger ! Fabius

Corneille est un monstre. Je le hais ! Mon passé est plein d'ombres épaisses !... Mais celui qui a fait de toi aujourd'hui un matricide est mandataire de nombreux crimes !

Le pauvre jeune homme dévisageait sa victime, pris de consternation. Son visage était devenu extrêmement pâle, dénonçant une commotion profonde ; mais si ses yeux reflétaient une angoissante anxiété, ses lèvres continuaient muettes pendant que la veuve de Lolius Urbicus lui baisait les pieds, effondrée en larmes.

Alors, c'était là que se trouvait le mystère de sa naissance et de sa vie ? Une pénible émotion le domina et Silain éclata en sanglots qui brisaient sa poitrine saturée d'angoisses. Depuis la mort de Cneius, il alimentait le désir d'éclaircir le mystère de sa naissance. Plusieurs fois, il avait projeté de fonder une famille et se sentait désarmé face aux préjugés sociaux lorsqu'il pensait à l'avenir de sa progéniture. À certaines occasions, il avait ressenti l'envie d'ouvrir le petit médaillon que son vénéré protecteur lui avait confié quand il râlait à la mort et, pourtant, une crainte atroce de la vérité paralysait ses intentions.

Alors que les plus déchirantes réflexions embrouillaient son raisonnement, Claudia, à genoux, lui racontait, point par point, l'histoire pénible de sa vie. Atterré face aux vérités prononcées par cette voix qui approchait de la tombe, Silain découvrait ses premières aventures amoureuses, sa rencontre avec Helvidius Lucius dans le tumulte aventureux de sa vie mondaine, son incertitude quant à la paternité légitime et sa résolution de le confier à Cneius qui comme elle le savait, portait le plus grand dévouement à son fils Helvidius, circonstance qui garantirait à l'enfant abandonné un brillant avenir. Puis elle lui raconta les coups de la chance qui eurent lieu postérieurement lorsqu'elle se maria avec un homme d'État ; elle lui parla aussi de ses intrigues avec Fabius Corneille, dans le passé, pour mettre à exécution des jugements iniques au sein de la société romaine, omettant, néanmoins, le terrible drame de sa vie concernant Alba Lucinie. Sentant que l'imminence de la mort aggravait sa haine à l'égard du censeur qui en avait décidé ainsi pour sa famille, Claudia Sabine se laissant aller aux dernières erreurs de son âme, laissa entendre que la mort de Lolius Urbicus, mystérieuse et inattendue, était l'œuvre de Fabius Corneille et de ses partisans avides de sang afin de causer sa ruine.

Dans ses derniers instants, portée par la noirceur de sa haine sanguinaire, elle n'a pas hésité à inventer un dernier tissu de mensonges et de calomnies pour semer la désolation dans la famille détestée.

Ces terribles confidences retentissaient aux oreilles de l'officier comme une clameur de revanche qui revendiquerait une vengeance suprême. Néanmoins, en toute conscience, toutes ces émotions ne lui suffisaient pas pour arriver à identifier la vérité. Il avait besoin de quelque chose qui parle à sa raison.

Et comme si Claudia Sabine devinait ses pensées, elle comprit ses hésitations silencieuses :

Silain, mon fils, Cneius Lucius ne t'a-t-il pas confié un petit médaillon que j'avais enveloppé dans tes habits d'enfant abandonné ?

Si - a dit le jeune extrêmement perturbé -, je porte avec moi ce souvenir...

Tu ne l'as jamais ouvert ?

- Jamais.

À cet instant, néanmoins, l'émissaire de Fabius a plongé sa main dans une bourse qu'il portait toujours sur lui et en retira le petit médaillon que la condamnée a dévisagé anxieusement.

-À l'intérieur, mon fils - a-t-elle dit -, un jour j'ai écrit ces mots : Mon petit, je te confie à la générosité étrangère avec la bénédiction des dieux. - Claudia Sabine.

Silain Plautius a ouvert le médaillon, nerveusement, conférant, un à un, chacun des mots prononcés.

Une émotion violente lui fit perdre ses moyens. La pâleur de marbre qu'il portait sur son front s'accentua. Le regard effaré, il prit une expression vitreuse d'horreur et d'effroi. Ses larmes ont cessé comme si un sentiment étrange effleurait son âme. Claudia Sabine, se sentant vivre ses derniers instants, dévisageait anxieusement ces transformations soudaines.

Comme s'il avait ressenti la plus radicale de toutes les métamorphoses, le jeune homme s'est incliné sur sa victime et s'est écrié atterré :