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Triste et sans compagnie, le vieux tribun a déambulé inutilement dans toutes les villes près de Terracine. Il s'est longuement arrêté dans la grotte de Tibère à évoquer les pénibles souvenirs de son beau-fils. Malgré tous ses efforts, ce fut en vain qu'il parcourut l'Italie entière.

C'est ainsi qu'une année après la mort de Lucinie, il est retourné à Rome plus démoralisé que jamais.

Se sentant profondément désemparé, il était comme un bel arbre singulièrement isolé devant la grande plaine qu'était sa vie. Quand il avait encore à ses côtés ses compagnes, il pouvait supporter les ouragans violents qui s'abattaient des hauteurs, mais une fois que les troncs proches dont la présence le fortifiait furent abattus, il était maintenant bien incapable de résister aux vents les plus légers des vallées obscures de la douleur et de la destinée.

Recueilli dans son cabinet, il ne recevait que la visite de ses amis les plus intimes dont les propos ne rappelaient pas à son esprit tourmenté les souvenirs de son malheureux passé.

Un jour, néanmoins, un esclave vint annoncer la visite d'un ancien camarade d'enfance, Rufus Properce, dont il connaissait la triste histoire de ses dernières années. Malgré ses propres luttes, il avait été informé de ses nombreux malheurs.

Helvidius Lucius le fit entrer, empressé de le revoir comme un frère de douleurs et de souffrances.

Une fois qu'ils eurent échangé les premières impressions, Rufus Properce lui dit :

Cher Helvidius, après une si longue séparation et face aux cruelles hécatombes de mon existence, ma force morale te surprend. Je dois t'expliquer la raison de ma résignation et de ma sérénité. C'est qu'aujourd'hui, j'ai abandonné nos croyances inexpressives pour m'attacher à Jésus-Christ, le Fils de Dieu vivant !...

Comment cela est-il possible ? - s'exclama le tribun intéressé.

Oui, aujourd'hui je comprends mieux la vie et les souffrances en ce monde. Ce n'est qu'à travers les trésors de l'enseignement chrétien que j'ai trouvé la force nécessaire à la compréhension de la douleur et de la destinée. Seul Jésus, par ses leçons de compassion et de miséricorde, peut nous sauver de l'abîme de nos angoisses profondes pour une vie meilleure qui ne comporte pas les tromperies et les désillusions amères de la terre..

Et pendant qu'Helvidius Lucius l'écoutait, perplexe de rencontrer un ami intime ancré dans la foi ardente et pure parmi les décombres de son temps, Properce ajoutait :

Puisque tu te sens également blessé par le destin, pourquoi ne fréquenterais-tu pas avec nous les réunions chrétiennes où je pourrais t'accompagner ? Il est bien possible que tu trouves dans l'Évangile la paix convoitée et l'énergie indispensable pour vaincre tous les tourments de la vie.

En entendant cette aimable invitation de la part de son ami d'enfance, le tribun s'est instinctivement rappelé de sa fille et de ses convictions. Oui, c'était bien le christianisme qui lui avait donné de telles forces pour supporter la souffrance et pour accepter de tels sacrifices. En outre, il s'est souvenu de la figure de Nestor et de celle de Cirus, qui avaient marché à la mort sans un gémissement, sans une plainte.

Et comme cédant à une soudaine résolution, il a résolument répondu :

J'accepte l'invitation. Où est la réunion ?

Dans une humble maison, près de la porte Appienne.

D'accord, j'irai avec toi.

Rufus le salua lui promettant de venir le chercher dans la soirée. Il passa le reste de la journée plongé dans des cogitations graves et profondes.

À l'heure stipulée, ils se sont dirigés vers le lieu des humbles assemblées où, pour la première fois, Helvidius Lucius a entendu la lecture de l'Évangile et les simples commentaires des chrétiens. Au début, il a trouvé étrange ce Jésus qui pardonnait et qui aimait tout le monde avec la même affection et le même dévouement. Mais, au fur et à mesure qu'il assistait aux réunions, il a mieux compris l'Évangile et bien que ne comprenant pas les leçons entièrement, il admirait le prophète simple et aimant qui bénissait les pauvres et les angoissés du monde, promettant un royaume de lumière et d'amour au-delà des ingrates circonstances de la terre.

Son effort dans l'acquisition de la foi suivait normalement son cours, quand un prédicateur célèbre est apparu, un beau jour, au beau milieu de ces gens simples et bons.

Il s'agissait d'un homme encore jeune, intelligent et cultivé, du nom de Saûl Antoine, qui avait fait de son existence un apostolat sacrosaint consacré au travail d'évangélisation.

Sa parole enflammée et vibrante sur les actes des apôtres, peu après le départ de l'Agneau pour les régions de la lumière, avait profondément impressionné le tribun. Pour la première fois, il écoutait un intellectuel, presque un sage, exalter les vertus des partisans du Christ, faisant des comparaisons extraordinaires entre l'Évangile et les théories de l'époque qu'il avait pour habitude de considérer comme des signes d'évolution inéluctables.

Une fois terminé son discours inspiré et brillant, Helvidius s'est approché de l'orateur, s'exclamant avec sincérité :

Mon ami, je souhaite manifester tous mes vœux pour que votre parole illuminée ne cesse d'éclairer les chemins sur terre. Je désirais, néanmoins, vous entendre sur un doute qui est né dans mon cœur il y a bien longtemps.

Et alors que le prédicateur accueillait ses propos avec une profonde sympathie, il a continué :

Je ne doute pas des actes des apôtres de Jésus, mais je trouve étrange que depuis tant de temps, il n'y ait pas eu sur terre plus d'organisations privilégiées comme celle des anciens partisans du Christ pour soulager nos douleurs et éclairer nos cœurs dans la souffrance !...

Mon frère - a répliqué l'orateur sans se troubler -, avant de faire appel aux intermédiaires, il est urgent de préparer le cœur pour sentir l'inspiration directe de l'Agneau. Votre objection, cependant, est tout à fait justifiée. Cependant, je dois vous dire que les vocations apostoliques ne sont pas mortes pour tout le monde. Partout elles fleurissent sous les bénédictions de Dieu, qui n'a jamais cessé d'envoyer jusqu'à nous les messagers de son infinie miséricorde.

Et après une courte pause, comme s'il désirait transmettre une impression fidèle à ses réminiscences les plus anciennes, Saûl Antoine a ajouté convaincu :

Il y a quelques années, j'étais moi-même un ennemi acéré du christianisme et de ses sublimes postulats ; néanmoins, la contribution d'un vrai disciple de Jésus suffit pour que mes yeux s'éclairent et cherchent le vrai chemin... Aujourd'hui encore il se trouve au même endroit, fragile et humble comme une fleur du ciel mal acclimatée entre les bruyères de la terre... n s'agit du frère

Marin qui vit aux alentours d'Alexandrie et qui est un. bénédiction de Jésus permanent et divin pour toutes les. créatures. Image du bien, personnification de la parfaite charité évangélique, je l'ai vu guérir des lépreux et des paralytiques, rendre l'espoir et la foi aux plus tristes et aux plus endurcis ! À sa misérable chaumière accourent des foules angoissées et abandonnées que le vénérable apôtre de l'Agneau ranime et console de ses leçons pleines d'amour et d'humilité ! Après avoir parcouru les sentiers les plus sombres, j'ai eu la chance de rencontrer sa parole aimante et bienveillante qui m'a ouvert à Jésus, me déviant des ténèbres de ma destinée !...

Percevant sa profonde sincérité, Helvidius Lucius lui a demandé anxieux :

Et cet homme extraordinaire reçoit tout le monde sans distinction ?...

Toutes les créatures méritent son attention et son amour.

Et bien mon ami - a répondu le tribun dans sa profonde désolation -, malgré ma position financière et la considération publique dont je jouis à Rome, plus que jamais mon cœur est déconcerté et malade... Les leçons de l'Évangile ont soutenu en quelque sorte mon esprit abattu. Néanmoins, je ressens le besoin d'un remède spirituel qui, en soulageant mes douleurs, m'amènera à mieux comprendre les divins exemples de l'Agneau... Ces références arrivent à point nommé, j'irai donc à Alexandrie chercher la consolation auprès de cet apôtre ; d'ailleurs un voyage en Egypte, dans les circonstances actuelles de ma vie, me fera le plus grand bien...