De temps en temps, un excès de toux survenait qui provoquait la pitié des personnes présentes ; elle, néanmoins, transformant sa fragilité en énergie spirituelle inébranlable, semblait ne pas sentir la destruction de son corps, afin de toujours garder allumée la lumière de sa mission de charité et d'amour.
En fin de journée, invariablement, elle procédait aux lectures évangéliques, entendues par les nombreux visiteurs et par les gens simples du peuple.
C'est là, aux lueurs du crépuscule, qu'un beau jour, ses yeux surprirent un véhicule élégant et noble arriver d'où surgit Helvidius Lucius que son cœur filial identifia immédiatement. L'ancien tribun, trouvant la petite assemblée en plein air, chercha à s'accommoder comme il le put, tandis que les traits physionomiques du frère Marin laissaient transparaître les signes d'émotion qui vibrait dans son âme... Bien que prise d'une profonde tendresse, elle ne cessait de faire des commentaires détaillés sur la parabole du Seigneur, analysée ce jour-là. Le frère des malades et des malheureux parlait des sermons du Lac Tibériade, comme s'il avait connu Jésus de Nazareth, telle était remarquable la fidélité et l'aimante vibration de ses propos.
À la contemplation de ce merveilleux tableau, comme transporté, le fils de Cneius Lucius fixait le célèbre missionnaire, pris d'une étrange surprise ! Cette voix, ce profil qui ressemblait à un marbre précieux ravagé par les larmes et les souffrances de la vie, ne lui rappelait-il pas sa propre fille ? Si le frère Marin avait porté des vêtements féminins, se disait le tribun vivement intéressé, ce serait l'image parfaite de sa chère fille qu'il cherchait de toute part sans la moindre consolation et sans le plus petit espoir. Réfléchissant à cela, il accompagnait ses paroles, très agréablement étonné.
Personne encore ne lui avait parlé de l'Évangile avec une telle clarté et une si grande simplicité, avec cette onction d'amour et de fermeté qui, instinctivement, pénétrait son cœur, lui apportant une douce consolation. Il avait fait le voyage d'Ostie à Alexandrie, abattu et malade. Son état organique avait même inquiété ses quelques amis romains, au point d'insister pour qu'il retourne Immédiatement à la métropole. Une profonde fatigue transparaissait de ses yeux tristes, une tristesse inaltérable et un laborieux désenchantement pour la vie. Mais à entendre cet apôtre extraordinaire, plein de bienveillance et de douceur, il ressentit au fond un soulagement salutaire. La brise vespérale lui caressait légèrement le visage avec les derniers reflets du soleil qui se diluaient dans les lointains nuages. À ses côtés, concentrée, la multitude de pauvres, de malades, de désertés par la chance, prononçaient des prières ferventes, comme s'ils attendaient tous les bonheurs du ciel pour leurs jours d'épreuves.
À quelques pas, la figure svelte et délicate du frère des nécessiteux et des angoissés leur parlait avec une merveilleuse douceur.
Helvidius Lucius eut l'impression qu'il était transporté dans un pays mystérieux, plein de figures apostoliques et qu'il se sentait parmi les croyants anonymes pris d'un indescriptible bien-être.
Depuis la regrettable désincarnation de sa compagne, il avait l'esprit plongé dans un voile d'amertumes atroces. Jamais plus il n'avait joui de la tranquillité intérieure, accablé par le poids de ses angoisses poignantes. Néanmoins, les enseignements du frère Marin, ses considérations et ses prières, lui fournissaient un espoir intraduisible. Il se figurait que ce court instant lui suffirait pour reprendre confiance en un futur spirituel, plein de réalités divines. Sans pouvoir expliquer la cause de son émotion, il se mit à pleurer en silence comme si ce ne fut qu'à cet instant que les beautés immenses du christianisme le touchèrent en son for intérieur. Une fois que les interprétations et les prières du jour furent terminées, tandis que la foule se levait émue, Célia est restée sans bouger et sans savoir quelle attitude adopter dans de telles circonstances. Au fond, cependant, clic remerciait Dieu de lui avoir donné la grâce sublime de surprendre l'esprit de son père goûter aux lumières divines, et elle suppliait le Seigneur de permettre à son cœur filial de recevoir l'inspiration nécessaire de ses augustes messagers.
Immobile presque, plongée dans ses conjectures en un moment aussi grave de sa destinée, elle fut tirée de ses rêveries par la voix d'Helvidius Lucius qui s'était approché et s'exclama :
- Frère Marin, je suis un pécheur déçu du monde, attiré jusqu'ici par vos vertus sacrosaintes. Je viens de loin et ce bref contact avec vos paroles et vos enseignements a suffi pour me réconforter un peu, me permettant de ressentir une plus grande foi et de nouveaux espoirs. J'aurais souhaité vous parler... La nuit, néanmoins, ne va pas tarder et je crains de vous ennuyer...
L'humilité douloureuse de ces mots donna à la jeune chrétienne une idée exacte de tous les tourments qui avaient annihilé ce cœur paternel.
Helvidius Lucius n'avait plus maintenant l'allure droite et ferme qui le caractérisait comme citoyen légitime de l'Empire et de son temps. Ses lèvres tranquilles, d'autrefois, étaient pénétrées d'un rictus de tristesse et d'angoisses indéfinissables. Ses cheveux étaient complètement blancs, comme si un hiver implacable et dur avait versé sur sa tête une poignée de neige indestructible. Ces yeux qui si souvent étaient imprégnés d'une énergie impulsive et fière, étaient maintenant mélancoliques, ils révélaient une humilité sincère pour tout ou adressaient des suppliques au ciel, comme si depuis longtemps ils étaient plongés dans les plus oppressantes prières.
Célia comprit qu'une dure et inflexible tempête s'était abattue sur l'âme paternelle pour que se réalise cette métamorphose.
Mon ami - a-t-elle murmuré les yeux humides -, je supplie Dieu que vos impressions premières ne se dissipent pas et c'est en son nom que je vous offre mon humble hutte ! Si cela vous dit, restez chez moi, car je serai très heureux de votre généreuse présence !...
Helvidius Lucius accepta cette offre délicate, ému.
Et c'est avec une énorme surprise qu'il découvrit la chaumière où vivait résigné le frère des malheureux.
En quelques minutes, le frère Marin lui avait arrangé un lit modeste mais propre et l'obligeait à se reposer. Portée par une joie rayonnante, la jeune femme se déplaçait d'un côté à l'autre de la pièce et elle ne tarda pas à servir au tribun, surpris, un bouillon substantiel et un verre de lait pur qui ont réconforté son organisme. Puis vinrent les remèdes faits maison préparés par elle-même avec un indicible plaisir.
La nuit avec son cortège d'ombres était tombée, quand le frère Marin s'est assis auprès de son hôte enchanté et ému d'une si grande sollicitude.
Ils ont alors parlé de Jésus, de l'Évangile, rapprochant harmonieusement leurs avis et leurs concepts concernant l'Agneau de Dieu et l'exemple de sa vie.
De temps en temps, le tribun dévisageait son interlocuteur avec le plus grand intérêt, gardant en tête l'impression qu'il l'avait rencontré ailleurs.
Finalement, grâce au profond bien-être qu'il sentait renaître en lui, Helvidius Lucius
lui dit :
Je suis venu au christianisme tel un naufragé après les plus amères défaites du monde! Je sens que le Divin Maître a envoyé à mon âme tous les doux appels de sa miséricorde ; néanmoins, je suis longtemps resté sourd et aveugle, commettant de lamentables erreurs. Il a fallu qu'une hécatombe de malheurs s'abatte sur mon foyer et sur ma destinée, pour qu'au grondement de la tempête destructrice, je réussisse à rompre les parois qui me séparaient de la claire compréhension des nouveaux idéaux fleurissant à la mentalité et au cœur du monde.
Je n'ai jamais confié à qui que ce soit les épisodes poignants de ma vie, mais je sens que vous, apôtre de Jésus et adepte du Maître dans l'exemple du bien, pourrez comprendre mon existence, m'aidant à raisonner évangéliquement, pour que j'accomplisse mes devoirs dans mes derniers jours d'activité sur terre. Jamais, où que ce soit, je n'ai cessé de ressentir tel ou tel doute qui m'affligeait ; ici, néanmoins, sans savoir pourquoi, j'éprouve une tranquillité inconnue. Je pense pouvoir avoir confiance en vous, comme en moi-même !... Depuis longtemps, je ressens le besoin d'un réconfort direct et c'est à vous que je confie mes plaies, espérant une aide affectueuse et fraternelle !...