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Si cela vous fait du bien, mon ami - lui fit la jeune femme, séchant une larme discrète - vous pouvez vous fier à mon cœur, qui priera le Seigneur pour votre paix spirituelle en toutes circonstances dans la vie...

Et pendant que le frère Marin caressait sa tête blanchie prématurément, tourmenté par des souvenirs oppressants, sans pouvoir expliquer le motif de sa confiance, Helvidius Lucius se mit à lui raconter la pénible histoire de son existence. De temps en temps, sa voix était étouffée par l'un ou l'autre souvenir ou épisode de sa vie. À chaque pause son interlocuteur, ému, répondait à son état d'âme par telle ou telle remarque, trahissant ses propres réminiscences. Le tribun était étonné, mais il attribuait le fait aux facultés divinatoires présumées de l'apôtre de l'amour et de la charité pure, qu'il avait devant lui.

Après de longues heures de confidences où tous deux pleuraient en silence, Helvidius finit par conclure :

Voilà frère Marin, ma pauvre histoire. De toutes les tragédies rappelées, je garde de profonds remords, mais ce qui me contrarie le plus, c'est d'avoir été un père injuste et cruel. Avec un peu plus de calme et un peu moins d'orgueil, je serais arrivé à la vérité, éloignant les funestes génies qui pesaient sur mon foyer et ma destinée !... En me rappelant ces événements, aujourd'hui encore, je me sens transporté à ce terrible jour où j'ai expulsé de mon cœur ma fille chérie. Depuis que j'ai appris son innocence. |<- l.i cherche désespérément de toute part ; il me semble, néanmoins, que Dieu, punissant mes actes condamnables, m'a livré au suprême martyre moral pour que je comprenne toute l'extension de mes fautes. Voilà pourquoi, frère, je me sens comme accusé par la justice divine, sans consolation et sans espoir. J'ai l'impression que pour réparer mon grand crime, je dois marcher comme le juif errant de la légende, sans repos et sans lumière dans mes pensées. Par mon exposition sincère et émouvante, vous comprenez maintenant que je suis un pécheur déçu par tous les remèdes du monde. Voilà pourquoi, j'ai décidé de faire appel à votre bonté pour m'apporter la consolation. Vous qui avez illuminé tant d'âmes, ayez pitié de moi qui suis un naufragé désespéré !

Les larmes étouffaient sa voix.

Se sentant touchée dans toutes les fibres de son cœur, sa fille douce et aimante l'écoutait les yeux larmoyants.

Elle aurait souhaité révéler son secret à son père, embrasser ses mains ridées, lui dire sa joie de le retrouver sur le même chemin qui la conduisait vers Jésus... Elle aurait voulu lui dire qu'elle l'avait toujours aimé et qu'elle avait oublié ses sanglots passés, afin de pouvoir tous deux s'élever au Seigneur, dans une même vibration de foi, mais une force mystérieuse et incoercible paralysait son élan.

C'est ainsi qu'elle a murmuré affectueusement :

Mon ami, ne vous livrez pas au découragement et à l'abattement ! Jésus est la personnification de la miséricorde et il consolera certainement votre cœur ! Ayons confiance et attendons sa bonté infinie !...

Mais - acquiesça Helvidius Lucius dans sa sincérité poignante, je suis un pécheur qui se juge sans pardon et sans espoir !

Qui ne l'est pas en ce monde, mon ami ? - lui répondit Célia pleine de bonté. - La leçon de la « première pierre » par hasard, ne serait-elle pas destinée à tous les hommes ? Qui pourrait dire « je n'ai jamais commis d'erreur », dans l'océan d'ombres où nous vivons ?

Dieu est le juge suprême et dans sa miséricorde inépuisable, il ne peut exiger de ses enfants une dette inexistante !... Si votre fille a souffert, il y avait malgré tout une loi d'épreuves qui s'est accomplie conformément à la sagesse divine !...

Néanmoins - a gémi le tribun d'une voix amère -, elle était bonne et humble, affectueuse et juste ! En outre, je sens que j'ai été impitoyable parce que j'éprouve maintenant les plus rudes accusations de ma propre conscience !...

Et comme s'il voulait transmettre à son interlocuteur l'image exacte de ses réminiscences, le fils de Cneius Lucius a ajouté, en séchant ses larmes :

Si vous l'aviez vue, frère, en ce jour fatidique et sinistre, vous seriez d'accord j'en suis sûr pour dire que ma malheureuse Célia était comme un mouton immaculé qui marchait au sacrifice. Je ne pourrai jamais oublier son regard blessé, alors qu'elle s'éloignait du foyer domestique, rejetée du sanctuaire de sa famille honoré par son âme d'enfant à travers les actes 1es plus nobles de travail et de résignation ! Rappelant ces la II s. Je me vois tel un tyran qui, après s'être abandonné à toute sorte de de crimes, marche dans le monde mendiant la justice des hommes, afin d'éprouver le soulagement désiré de sa conscience !

À entendre ces paroles, la jeune femme pleurait copieusement, laissant libre cours à ses propres souvenirs contaminés de douleur et d'amertume.

Oui, frère - continua le tribun angoissé -, je sais que vous pleurez pour les malheurs de vos prochains ; je sens que mes épreuves ont aussi touché votre cœur. Mais, dites-moi !... que devrais-je faire pour retrouver ma fille bien-aimée ? Serait-ce qu'elle aussi est partie au ciel sous le coup des angoisses humaines ? Que faire pour embrasser, un jour, ses mains avant sa mort ?

En guise de réponse, ses pénibles questions ne trouvaient que le silence de la jeune femme qui pleurait émue. Peu après, néanmoins, comme prise d'une soudaine résolution, elle lui fit remarquer :

Mon ami, avant tout nous devons pleinement confier en Jésus, en observant dans toutes nos souffrances la détermination sacrée de sa sagesse et de sa bonté infinies ! Ne perdons pas notre temps à regretter le passé. Dieu bénit ceux qui travaillent et le Maître a promis le soutien divin à tous ceux qui travaillent en ce monde avec persévérance et bonne volonté !... Si vous n'avez pas encore retrouvé votre fille aimée, il faut dilater les liens du sang afin qu'ils se conjuguent avec les liens éternels et lumineux de la famille spirituelle. Dieu veillera sur vous, dès lors que pour remplacer l'affection de votre fille absente, vous chercherez à ouvrir votre cœur à tous les désemparés de la chance... Il y a des milliers d'êtres qui demandent une aumône d'amour à leurs semblables ! En vain, ils tendent des bras nus à ceux qui passent, heureux, par les chemins fleuris des espoirs mondains.

Je connais Rome et le tourbillon de ses funestes misères. À côté des résidences nobles des Carines, des constructions magnifiques du Palatin et des quartiers aristocratiques, il y a les lépreux du Suburre, les aveugles du Vélabre, les orphelins de la voie Momentané, les familles indigentes du Trastevere, la misère noire de l'Esquilin !... Tendez vos bras aux filles de parents anonymes ou aux foyers délaissés par la fortune !... Étreignons les misérables, distribuons notre pain pour atténuer la faim d'autrui ! Travaillons pour les pauvres et pour les malheureux, car la charité matérielle, si facile à pratiquer, nous enseignera la charité morale qui nous transformera en de vrais disciples de l'Agneau. Aimons-nous beaucoup !... Tous les apôtres du Seigneur sont unanimes à déclarer que le bien couvre la multitude de nos péchés ! Chaque fois que nous nous détachons des biens de ce monde, nous acquérons des trésors au ciel, inaccessibles à l'égoïsme et à l'ambition qui dévorent les énergies terrestres. Convertissez le superflu de vos possibilités financières en pain pour les malheureux. Habillez ceux qui sont nus, protégez les orphelins ! Tout le bien que nous ferons aux désemparés est une pièce de lumière que le Seigneur épargne pour notre âme. I In |i>m nous nous réunirons dans la vraie patrie spirituelle. In <m les printemps de l'amour sont interminables. I,à l>;is. personne ne nous demandera ce que nous avons été au monde, mais nous serons questionnés sur les larmes que nous avons séchées et les bonnes ou les mauvaises actions que nous avons pratiquées pendant notre séjour sur terre.