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Et les yeux fixes comme si elle percevait les paysages célestes, elle continuait :

Oui, il y a un royaume de lumière où le Seigneur attend nos cœurs ! Faisons en sorte de mériter ses grâces divines. Ceux qui pratiquent le bien sont des collaborateurs de Dieu sur le chemin infini de la vie... Là-bas, nous ne pleurerons plus dans la nuit sombre, comme cela arrive sur terre. Un jour éternel baignera le front de tous ceux qui ont aimé et ont souffert sur les routes épineuses du monde. Des harmonies sacrées vibreront dans les Esprits élus qui conquerront ces douces demeures !... Ah ! Que ne ferions-nous pas pour atteindre ces jardins de délice où nous nous reposerons dans les réalisations divines de l'Agneau de Dieu ?! Mais, pour pénétrer ces merveilles, nous devons commencer notre travail de perfectionnement intérieur en illuminant notre conscience avec l'exemple du Divin Maître !

Il y avait dans le regard du frère Marin une clarté sublime, comme si ses yeux mortels se reposaient dans ce pays de lumière beau et fulgurant que ses promesses évangéliques décrivaient. Des larmes sereines glissaient de ses yeux calmes, cautionnant la vérité de ses propos.

Helvidius Lucius pleurait, ému, il sentait que les émotions sacrées de la jeune femme envahissaient également son cœur par une divine contagion.

Frère Marin - a-t-il dit avec difficulté -, je pressens la réalité lumineuse de vos concepts et pour cela je travaillerai infatigablement, afin d'obtenir la paix de conscience nécessaire et pouvoir méditer dans la mort avec la beauté de vos idées. Je pratiquerai le bien désormais sous tous ses aspects et par tous les moyens à ma portée, et j'espère que Jésus aura pitié de moi.

C'est cela, le Divin Maître nous aidera - conclut-elle tout en caressant ses cheveux

blancs.

La nuit avançait et Célia, laissant le cœur de son père baigné de réconfortants espoirs, se coucha dans un coin minuscule, où en sanglots, elle a supplié Cneius Lucius de l'éclairer en ce moment difficile, alors que son affection filiale dominait ses fibres les plus sensibles.

Souriant plein de compassion et calmement, l'Esprit du petit vieux entendit ses suppliques, et lui dit son immense gratitude à Dieu, de voir son fils s'ouvrir aux lumières chrétiennes, mais il l'avertit que la révélation de son identité filiale était, dans ces circonstances, désapprouvée et inopportune, et souligna à ses yeux la délicatesse de la situation et les réalisations à venir.

Au matin, fortifiée et encouragée, Célia a préparé leur petit déjeuner que le tribun a ingéré, sentant une nouvelle saveur, il affichait de meilleures dispositions pour affronter à nouveau la vie.

Comme elle connaissait son ancienne prédilection pour l'environnement agricole, le frère Marin l'a emmené visiter le grand jardin, où, au prix de ses efforts et des nombreux travaux, le monastère d'Épiphane possédait un véritable domaine de production salutaire et inestimable.

Dans les grands espaces de terre, s'élevaient des arbres fruitiers, cultivés avec soins, qui laissaient ressortir les zones réservées aux légumes et à un emplacement bien entretenu où se trouvaient les animaux domestiques. Sous les épais branchages, des chèvres apprivoisées reposaient en paix et se confondaient avec les moutons à la laine claire et douce. Plus loin, des juments tranquilles broutaient et, de temps en temps, des nuées de pigeons passaient dans le ciel en bandes joyeuses. Entre les légumes, jouait le filet agile d'un long ruisselet. Helvidius Lucius observait que tout était soigneusement propre et invitait l'homme à la vie bucolique simple et généreuse.

De-ci delà, se trouvaient un humble petit vieux ou un enfant sain que le frère Marin saluait avec un geste de tendresse et de bonté.

Profondément impressionné par ce qu'il voyait, le fils de Cneius Lucius a souligné,

ému :

Ce jardin merveilleux me donne l'impression d'un tableau biblique ! Entre ces arbres, je respire l'air balsamique comme si la campagne parlait ici plus intimement à l'âme ! Dis- moi! Comment est organisé votre travail ? Combien payez-vous les travailleurs dévoués qui sont vos assistants ?...

Nous ne payons rien, mon bon ami, je cultive ce jardin depuis plusieurs années et c'est ici que se fournit le monastère dont je suis le modeste jardinier. Je n'ai pas d'employés. Mes assistants sont d'anciens habitants du voisinage qui m'aident gracieusement quand ils disposent d'un peu de temps. Les autres sont des enfants de ma modeste école, fondée il y a plus de cinq ans pour satisfaire les besoins des enfants misérables des villes les plus proches!...

Mais quel secret y a-t-il dans ces parages -s'exclama Helvidius respirant à plein poumons -, pour que la terre se montre si généreuse, si exubérante ?

Je ne sais pas - a dit le frère des pauvres, avec simplicité -, ici nous aimons beaucoup la terre, voilà tout ! Pour recevoir leurs cadeaux et leurs fleurs, nos arbres fruitiers ne sont jamais coupés. Les agneaux nous donnent une laine précieuse, les chèvres et les juments un lait nutritif, mais nous ne les faisons pas abattre, jamais. Les orangers et les oliviers sont nos meilleurs amis. Parfois, c'est à l'ombre de leurs branches que nous faisons nos prières, les jours de repos. Nous sommes, ici, une grande famille. Et nos liens d'affection se prolongent à la nature.

Au fur et à mesure de ses explications qu'Helvidius acquiesçait poliment, elle énumérait les coutumes et décrivait les faits relatifs à ses observations et à sa propre expérience, elle donnait à chaque mot une empreinte d'amour qui manifestait toute la simplicité de son esprit.

Un jour - expliqua-t-elle avec un sourire infantile -nous avons remarqué que les chevreaux les plus âgés aimaient poursuivre les petits agneaux apprivoisés. Alors, les enfants de l'école, se rappelant que Jésus obtenait tout par la douceur de ses enseignements, ont décidé de m'aider à l'élevage des moutons et des chèvres, en construisant pour cela un seul enclos... Encore petits, les uns et les autres, venant de mères différentes, étaient réunis de toute part et, avec le soutien des garçons, ils étaient guidés par nos prières et les leçons en plein air. Les enfants ont toujours cru que les leçons de Jésus devaient aussi concerner les animaux et je les ai laissé nourrir cette charmante conviction. Le résultat a été que les chevreaux querelleurs ont disparu. Dès lors l'enclos devint un nid d'harmonie. En grandissant ensemble, en mangeant la même luzerne et en sentant toujours leur compagnie, les uns et les autres ont éliminé leurs aversions instinctives !... Pour moi, qui observait ces leçons à chaque instant, je me suis mis à penser combien sera heureuse la communauté humaine quand tous les hommes comprendront et pratiqueront l'Évangile ?...

Les larmes aux yeux, le tribun a écouté sa petite histoire qui reflétait sa radieuse simplicité.

Fixant son interlocuteur, Helvidius Lucius a ajouté, laissant transparaître une lueur nouvelle dans son regard :

Frère Marin, je comprends, maintenant, l'exubérance de cette terre et la beauté de ce paysage. Tous ces faits sont un miracle de dévouement car vous consacrez toutes vos énergies à la terre bienveillante. Vous avez beaucoup aimé et cela est essentiel. Pendant de nombreuses années, j'ai moi aussi été un homme de la campagne, mais jusqu'à présent, je n'ai exploré la terre que par intérêt commercial. Maintenant je comprends que, désormais, je dois aimer aussi la terre, si je retourne un jour au champ. Aujourd'hui, je comprends que tout au monde est amour et tout exige de l'amour.