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La jeune femme, qui était enthousiasmée par ses espoirs, écoutait les considérations paternelles.

Helvidius Lucius est resté là pendant trois jours, à se rétablir dans cette paix inaltérable. Des heures d'une douce tranquillité où toutes les amertumes terrestres comme par enchantement s'étaient calmées au fond de son cœur attristé.

Parfois, Célia éprouvait l'envie de lui communiquer les tendres émotions de son cœur filial mais une étrange force semblait réprimer sa volonté, laissant comprendre que toute révélation était encore prématurée.

Finalement, lorsqu'ils se sont fait leurs adieux, plus fortifié et réconforté, le tribun lui

dit :

Frère Marin, je pars l'esprit frappé par de nouvelles dispositions et débordant d'énergies pour affronter la lutte et les tristes expiations qui m'appartiennent sur terre !... Priez Dieu pour moi, demandez à Jésus que j'aie l'occasion et la force de mettre en pratique vos conseils. Je retourne à Rome avec l'idée de faire le bien qui enchante mon âme. Je suivrai vos suggestions à chaque pas et, avec cet objectif, il est bien possible que le Seigneur satisfasse mes justes aspirations paternelles. Dès que je le pourrai, je reviendrai pour vous saluer !... Jamais je ne pourrai oublier le bien que vous m'avez fait !

Elle lui a alors pris la main droite et l'a embrassée de ses yeux humides. À ce geste d'humilité, le tribun resta admiratif et ému.

Peinée, elle est restée à regarder la voiture qui le transportait de retour à Alexandrie, s'éloigner jusqu'à ce qu'il ait disparu au loin dans un nuage de poussière.

S'enfermant alors dans sa maisonnette, elle a ouvert une petite boîte en bois, rapportée de Minturnes, dans laquelle elle gardait la tunique avec laquelle elle avait quitté son foyer le triste jour de son exil. Parmi les quelques objets, se trouvait la perle que son père lui avait rapportée de Phocide, le seul bijou qui lui soit resté, après avoir été victime de l'ambition criminelle d'Hatéria. Elle retournait sans cesse dans ses mains, en larmes, les objets anciens et simples de ses doux souvenirs.

Élevant ses prières à Dieu, elle l'a supplié de lui donner les énergies indispensables à l'accomplissement intégral de sa mission.

Une fois de retour en Italie, Helvidius Lucius se sentit comme baigné dans un courant de pensées nouvelles.

Le frère Marin, à ses yeux, était un symbole parfait des jours apostoliques quand les partisans de Jésus opéraient dans le monde, en son nom.

En débarquant à Naples, il s'est dirigé vers Capoue où il fut reçu par ses enfants avec d'exceptionnelles démonstrations d'affection.

Caius et sa femme exultaient en constatant ses améliorations physiques et spirituelles, ils trouvaient seulement étrange qu'il revienne d'Egypte avec tant d'idées de charité et de bienfaisance.

Après leur avoir parlé du frère Marin et de la séduction qu'il avait exercé sur son esprit, Helvidius Lucius a ajouté :

Mes enfants, je sens que je ne vivrai plus très longtemps et je veux mourir conformément à la doctrine que j'ai étreinte de tout mon cœur. Je retourne maintenant à Rome où je vais traiter de préparer mon avenir spirituel conformément à mes nouvelles convictions. J'espère que vous ne contrarierez pas mes derniers désirs. Je répartirai nos biens et la troisième partie vous sera remise en temps opportun. Le reste, je chercherai à l'appliquer conformément à ma nouvelle croyance. Je compte sur votre assentiment pour cela.

Au fond, Caius et Helvidia ont attribué la soudaine transformation paternelle aux sorcelleries des chrétiens qui, à leur avis, auraient abusé de sa situation de faiblesse et d'abattement en raison des nombreux chocs moraux qu'il avait souffert. Néanmoins, avec la générosité qui la caractérisait, la femme de Fabrice a souligné :

Mon père, je n'ose discuter la question de votre foi, car au-delà de toute controverse religieuse, il y a notre amour et votre bien-être ! Procédez comme il vous conviendra. Financièrement, vous n'avez pas à vous inquiéter de notre avenir. Caius est travailleur et je n'ai pas de grandes prétentions. En outre, les dieux veilleront toujours sur nous, comme ils l'ont fait jusqu'à présent. Donc, vous pouvez agir et soyez assuré de notre affection et de notre respect quant aux décisions que vous prendrez.

Helvidius Lucius a étreint sa fille en signe de joie pour sa compréhension, tandis que Caius, d'un sourire, esquissait son consentement.

De retour à Rome, depuis ses jours de triomphe et de jeunesse, le fier patricien était radicalement transformé. Son premier acte de véritable conversion à Jésus fut de libérer tous les esclaves de sa demeure, remédiant à leurs besoins pour leur avenir.

Affrontant les dangers de la situation politique, il n'a pas cherché à cacher ses convictions religieuses, il exaltait les vertus du christianisme dans les sphères les plus aristocratiques. Ses amis, néanmoins, l'écoutaient peines. Pour ceux qui partageaient son environnement social, Helvidius Lucius souffrait des signes les plus évidents de perturbation mentale, provenant de la douloureuse tragédie qui s'était abattue sur son foyer dans un deuil perpétuel et angoissant. Néanmoins, comme s'il renonçait à tous les honneurs exigés par sa condition, le tribun semblait inaccessible aux opinions d'autrui et au grand étonnement de toutes ses relations, il consacra la majeure partie de ses biens patrimoniaux à des œuvres de charité, dont des orphelins et des veuves se bénéficièrent.

Ses humbles compagnons de la porte Appienne se réjouissaient de son ardeur évangélique dont il donnait, maintenant, un vrai témoignage en les aidant dans leurs efforts et en les défendant publiquement. Il ne se livrait plus à l'oisiveté sociale, et parfois dans la matinée, il était aperçu sur l'Esquilin ou dans Suburre, au Trastevere ou au Vélabre, en quête d'informations sur telle ou telle famille d'indigents. Et ce n'était pas tout. Il rendit aussi visite aux descendants d'Hatéria, dans l'intention de lui pardonner, mais il n'obtint aucune nouvelle la concernant, car personne ne connaissait la tragique fin de la petite vieille qui eut lieu dans des conditions aussi occultes qu'elle avait pratiqué le mal. Le tribun, néanmoins, a profité de son séjour à Benevento pour enseigner aux membres de cette famille qui se considérait sous sa tutelle, les méthodes appliquées par le frère Marin dans le traitement soigné de la terre. Puis, il est parti pour la propriété de Caius Fabrice, où il a assumé volontairement la direction de nombreux services agricoles, utilisant les procédés qu'il ne pourrait jamais oublier, en se faisant aimer comme un père par tous ceux qui recevaient volontiers ses idées nouvelles et intéressantes.

Toutefois, après tant de travaux salutaires, l'ancien tribun est tombé malade, inquiétant le cœur de ses enfants et de ses amis.

Il a passé ainsi un mois, abattu et souffrant, quand un jour, mélancolique et tremblant, il a appelé sa fille et il lui dit avec la plus grande tendresse :

- Helvidia, je sens que mes jours en ce monde sont comptés et je désirerais revoir le frère Marin, avant de mourir.

Elle lui fit comprendre les risques qu'il encourait à faire un tel voyage, mais le tribun réagissait avec tant d'insistance qu'elle finit par accepter à la condition de se faire accompagner par son gendre. Helvidius Lucius a refusé alléguant ne pas vouloir interrompre le rythme domestique. Ils ont décidé alors qu'il voyagerait avec deux serviteurs de confiance, en cas d'éventualité.

Se sentant mieux, conforté à l'idée de retourner à Alexandrie et de revoir les endroits où il avait ressenti un si grand réconfort dans sa détresse morale, le tribun s'est correctement préparé, malgré les craintes de sa fille, qui a embrassé ses mains avec tendresse, le cœur rempli de mauvais présages au moment du départ.

Helvidius Lucius l'a serrée dans ses bras avec un regard ineffable, il contempla ensuite le paysage agricole, mélancoliquement, comme s'il voulait garder dans ses yeux le précieux tableau observé pour la dernière fois.