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Caius et sa femme, à leur tour, n'ont pas réussi à cacher leurs larmes d'émotion.

Avec cet esprit résolu qui le caractérisait, le fils de Cneius Lucius ne s'est pas rendu compte des appréhensions de ses enfants. Il partit sereinement, suivi des deux employés de Caius Fabrice qui ne l'abandonneraient pas un seul instant.

Mais avant que le bateau n'arrive à Alexandrie, il se mit à sentir une recrudescence de son mal organique. La nuit, il ne réussissait pas à se débarrasser de sa dyspnée inflexible et durant le jour, il était pris d'une grande faiblesse.

Cela faisait plus d'un an qu'il avait connu de près le frère Marin. Un an de plus de travaux incessants au service de la charité évangélique. Et Helvidius Lucius, qui s'était laissé fasciner par l'esprit aimant du frère des pauvres malheureux, ne voulait pas mourir sans lui prouver qu'il avait profité de ses leçons sublimes. Il n'aurait pu expliquer la profonde sympathie que le moine avait éveillée en lui. Il ne savait qu'une chose, il l'aimait avec des sentiments très paternels. Ainsi, pris de joie d'avoir appliqué ses enseignements avec dévouement et sans crainte, il attendait anxieux l'instant de le revoir et de l'informer de tous ces faits, qui, bien que tardifs, avaient extraordinairement calmé son cœur.

D'Alexandrie au monastère, il fit le voyage dans une litière spéciale avec tout le confort possible. Mais même ainsi, il est arrivé à sa destination grandement affaibli.

Le frère Marin, à son tour, vivait les derniers jours de son apostolat. Ses yeux étaient devenus plus profonds et sur son visage planait une expression douloureuse et résignée, comme s'il était absolument sûr de sa fin prochaine.

La scène de leurs retrouvailles fut profondément émouvante parce que Célia aussi attendait anxieuse ce cœur paternel car elle croyait que bientôt elle partirait à la rencontre des êtres chers qui l'avaient précédée dans les ombres de la tombe. Depuis quelques mois, elle avait interrompu ses prêches parce que tous les efforts physiques qu'elle faisait provoquaient des hémoptysies. Néanmoins, les études évangéliques continuaient toujours. Les frères du monastère s'étaient chargés de poursuivre la tâche sacrée, alors que les vieux et les enfants la remplaçaient aux travaux du jardin où les arbres se couvraient à nouveau de fleurs. Ce fut en vain qu'Épiphane, à présent touché par les actes de sacrifice et d'humilité de cette âme généreuse, voulut la faire transporter dans une chambre confortable et pleine de soleil dans le monastère pour atténuer ses souffrances. Mais elle préféra sa petite maison simple au bout du jardin, car elle voulait rester seule dans ses méditations et ses prières, convaincue que son père reviendrait et qu'elle pourrait se révéler à lui avant de mourir.

Il faisait presque nuit noire quand le patricien a frappé à sa porte, tourmenté par de singulières souffrances.

Elle le reçut avec une joie intense, et bien que très faible, elle trouva immédiatement un endroit où loger les serviteurs dans une simple dépendance un peu distante. Ensuite elle retourna chez elle où Helvidius l'attendait affligé, vu son état qui s'était brusquement aggravé.

En vain, la jeune femme lui apporta les remèdes dont elle disposait et qu'elle avait confectionnés, mais d'heure en heure, le tribun souffrait de dyspnées de plus en plus fortes, alors que son cœur battait à vive allure.

La nuit avançait quand Helvidius Lucius demanda à sa fille de s'asseoir près de lui, et lui murmura avec difficulté :

Frère Marin... ne t'occupe plus de mon corps... J'ai l'impression de vivre mes derniers instants... Je gardais le désir secret de mourir ici en écoutant tes prières qui m'ont appris à aimer Jésus... avec plus d'affection.

Célia se mit à pleurer amèrement, percevant la pénible réalité.

Vous pleurez ??... vous serez toujours le frère .des malheureux et des désemparés... Vous ne m'oublierez pas dans vos prières..

Et, lançant à sa fille un regard inoubliable et triste, il continuait d'une voix hésitante à l'agonie:

J'ai voulu revenir pour vous dire que j'ai cherché à mettre en pratique vos leçons sublimes. Je sais qu'autrefois j'ai été un pervers, un orgueilleux... J'ai été un pécheur, mon frère, je vivais loin de la lumière et... de la vérité. Mais... depuis que je suis venu ici, j'ai fait en sorte de procéder comme vous me l'avez enseigné... J'ai donné la plupart de mes biens aux pauvres et à ceux que la chance avait désertés... J'ai cherché à protéger les malheureuses familles du Trastevere, je suis allé voir les orphelins et les veuves de l'Esquilin... J'ai proclamé ma nouvelle croyance parmi tous les amis qui me ridiculisaient... J'ai donné une maison aux compagnons de foi qui se réunissent près de la porte Appienne... Je suis allé voir tous mes ennemis et je leur ai demandé pardon pour pouvoir calmer mes pensées tourmentées... En restant plusieurs mois dans la propriété agricole de mes enfants, j'ai enseigné le christianisme aux esclaves, je leur ai parlé de votre jardin où la terre reçoit la plus grande coopération d'amour... Alors, j'ai pu voir que tous travaillaient comme vous me l'aviez enseigné... À chaque pièce de monnaie offerte aux malheureux, je vous voyais bénissant mon geste et ma compréhension... Je n'avais pas le courage de m'adresser à Jésus... Je me sens faible et si petit devant sa grandeur... Je pensais ainsi à vous, qui connaissez la pénible histoire de ma vie... Vous prierez pour moi le Divin Maître, car vos prières doivent être entendues au ciel...

Il fit une pause à sa poignante exposition, tandis que la jeune femme en larmes le soutenait et priait en silence.

Bien que difficilement, il chercha à s'assoir plus confortablement. Puis il prit la main droite de Célia et de ses yeux perçants tout en la fixant, il poursuivit d'une voix entrecoupée les révélations de ses derniers espoirs et de ses souhaits :

Frère Marin, j'ai fait tout cela avec la même aspiration paternelle, retrouver ma fille sur le plan physique... En cherchant les pauvres et les abandonnés par la chance, combien de fois ai-je pensé la retrouver et qu'elle me serait rendue... Depuis que je suis devenu un adepte du Seigneur, je crois fermement en la vie dans l'au-delà... Je crois que je retrouverai outre tombe toutes les affections qui m'ont précédé et je voulais apporter à ma compagne la certitude d'avoir réparé mes funestes erreurs du passé... Ma femme a toujours été réfléchie et généreuse et je désirais lui donner cette nouvelle... lui dire avoir réparé mes impulsions d'antan quand je ne sentais pas Jésus dans mon cœur...

Et comme s'il désirait manifester son dernier désenchantement, le mourant conclut, après une pause :

Néanmoins... frère... le Seigneur ne m'a pas considéré digne de cette joie... J'attendrai, alors, son bref jugement, avec le même remords et avec le même repentir...

Devant cet acte d'humilité suprême et de sublime espoir au Seigneur Jésus, le frère Marin s'est levé et, le regardant de ses yeux larmoyants et brillants, il s'exclama :

Votre fille est ici, elle attendait votre venue !... Vous devez reconnaître que Jésus a entendu nos suppliques !...

Helvidius lui a renvoyé un regard pénétrant, plein d'amertume et d'incrédulité, tandis que ses joues pâles étaient baignées d'une abondante sueur d'agonie.

Attendez ! - dit la jeune femme avec un geste affectueux.

Et alors qu'elle s'était éclipsée à l'intérieur, elle retira sa soutane et enfila la vieille tunique avec laquelle elle avait quitté son foyer au moment critique de son pénible destin, elle mit sur sa poitrine la perle de Phocide que son père lui avait offerte la veille de cet angoissant événement. Et donnant à sa chevelure son ancienne coiffure, elle a pénétré dans la pièce anxieusement, tandis que le mourant vérifiait sa métamorphose, pris d'étonnement.

Mon père ! mon père !... - a-t-elle murmure en l'embrassant avec tendresse, comme si à cet instant, elle réalisait enfin tous les espoirs de sa vie.