Выбрать главу

Mais tu connais le cdre. Et si je dis un cdre je transporte en toi sa majest. Car on t'a veill au cdre, lequel est, en plus du tronc, des branches, des racines et du feuillage.

Je ne connais d'autre moyen pour fonder l'amour que de te faire sacrifier l'amour. Mais eux reoivent leur mangeaille sur leur litire, quels sont leurs dieux?

Tu prtends me les augmenter en les engraissant de prsents, mais ils en meurent. Tu ne peux vivre que de cela que tu transformes, et dont un peu chaque jour, puisque tu t'changes contre, tu meurs.

Le savent bien mes vieilles qui s'usent les yeux aux jeux d'aiguille. Tu leur dis de sauver leurs yeux. Et leurs yeux ne leur servent plus. Tu as ruin leur change.

Mais eux contre quoi s'changent-ils, ceux que tu prtends rassasier?

Tu peux fonder la soif de la possession, mais la possession n'est point change. Tu peux fonder la soif de l'empilage des toffes brodes. Mais tu ne fondes que l'me d'entrept. Comment fonderas-tu la soif d'user les yeux aux jeux d'aiguille? Car celle-l seule est soif de vritable vie.

Moi, dans le silence de mon amour, j'ai bien observ mes jardiniers et mes fileuses de laine. J'ai remarqu qu'il leur tait donn peu de chose, et beaucoup demand.

Comme si reposait sur eux, comme sur elles, le sort du monde.

Chaque sentinelle je la veux responsable de tout l'empire. Et celui-l, de mme, contre les chenilles, au seuil du jardin. Et l'autre qui coud la chasuble d'or ne rpand peut-tre qu'une faible lumire, mais elle fleurit son Dieu et c'est un Dieu mieux fleuri que la veille qui rayonne sur elle son tour.

Je ne sais point ce que signifie lever l'homme s'il ne s'agit point de l'enseigner lire des visages au travers des choses. Je perptue les dieux. Ainsi du plaisir du jeu des checs. Je le sauve en sauvant les rgles mais tu leur veux fournir des esclaves qui leur gagnent leurs parties d'checs.

Tu veux faire cadeau des lettres d'amour, ayant observ de certains qu'ils pleuraient s'ils en recevaient, et tu t'tonnes de ne point leur tirer de larmes.

Ne te suffit point de donner. Et fallu btir celui qui reoit. Pour le plaisir d'checs et fallu btir le joueur. Pour l'amour et fallu btir la soif d'amour. Ainsi l'autel d'abord pour recevoir le dieu. Moi j'ai bti l'empire dans le cur de mes sentinelles en les contraignant faire les cent pas sur les remparts.

CXCV

Un pome parfait qui rsiderait dans les actes et sollicitant tout, jusqu' tes muscles, de toi-mme. Tel est mon crmonial.

Faibles chos, bauches de mouvement, que je noue en toi par les mots dous de pouvoir. J'invente le jeu des galres. Tu y veux bien entrer et courber un peu les paules.

Mais les rgles, mais les rites, mais les obligations, et la construction du temple, mais le crmonial des jours, certes voil une autre action.

L'criture a t de t'y convertir en te faisant faiblement te connatre ainsi devenu, et esprer.

Et certes, de mme que tu peux me lire distrait et ne point ressentir, tu peux subir le crmonial sans grandir. Et ton avarice peut loger l'aise dans la gnrosit du rituel.

Mais je ne prtends pas te rgir pour chaque heure, de mme que je ne prtends pas, de ma sentinelle, qu'elle soit dans chaque heure fervente l'empire. Me suffit qu'une, parmi d'autres, le soit. Et, de celle-l, je ne prtends pas qu'elle soit fervente dans chaque instant mais que, si elle rve d'ordinaire de l'heure de la soupe, lui vienne, comme clair, l'illumination de la sentinelle, sachant trop bien que l'esprit dort et ne sait voir en permanence, sinon ce feu brlerait les yeux, mais que la mer a sens de la perle noire autrefois trouve, l'anne sens de la fte unique, et la vie sens de l'accomplissement dans la mort.

Et peu m'importe que mon crmonial me prenne un sens abtardi chez les btards de cur. J'ai observ, au cours de mes conqutes, les tribus noires et le sorcier qui les conviait, par apptit sordide, d'engraisser de leurs prsents quelque bton de bois peint en vert.

Que m'importe que le sorcier msestime son rle! Le pouce du sculpteur cre la vie.

CXCVI

L'autre qui exige la reconnaissance: il a fait pour eux ceci ou cela mais il n'est point non plus de don rcolt et provision faite. Ton don est circulation de l'un en l'autre: Si tu ne donnes plus, tu n'as rien donn. Tu me diras: J'ai t mritoire hier et j'en garde le bnfice. Et je rpondrai: Non! Tu serais mort ayant ce mrite si tu tais mort hier, certes, mais tu n'es pas mort hier. Compte seul ce que tu es devenu l'heure de la mort. Du gnreux que tu tais hier, tu as tir de toi ce ladre d'aujourd'hui. Celui qui mourra sera ladrerie.

Tu es racine d'un arbre qui vit de toi. Tu es li l'arbre. Il est devenu ton devoir. Mais la racine dit: J'ai trop expdi de sve! L'arbre alors meurt La racine se peut-elle flatter d'avoir droit la reconnais sance du mort?

La sentinelle, si elle se lasse de surveiller l'horizon et qu'elle s'endorme, la ville meurt. Il n'est point de provision de rondes dj accomplies. Il n'est point de provision de battements rservs quelque part par ton cur. Ton grenier lui-mme n'est point provision. Il est escale. Et tu laboures la terre dans le mme temps que tu le pilles. Mais tu te trompes en toutes choses. Tu t'imagines te reposer de la cration par l'empilage des objets crs dans le muse. Tu y empiles ton peuple lui-mme. Mais il n'est point d'objets. Il est des sens divers de ce mme objet dans divers langages. N'est point la mme, la perle noire, pour le plongeur, la courtisane ou le marchand. Le diamant vaut quand tu l'extrais, quand tu le vends, quand tu le donnes, quand tu le perds, quand tu le retrouves, quand il pare un front pour une fte. Je ne sais rien du diamant usuel. Le diamant de tous les jours n'est que caillou vide. Et le savent bien celles qui le dtiennent. Elles l'enferment dans le coffre le plus secret afin qu'il y dorme. Elles ne l'en tirent que le jour de l'anniversaire du roi. Il devient alors mouvement d'orgueil. Elles l'ont reu au soir du mariage. Il tait mouvement d'amour. Il a t une fois miracle pour qui a rompu sa gangue.

Les fleurs valent pour les yeux. Mais les plus belles sont celles dont j'ai fleuri la mer pour honorer des morts. Et nul jamais ne les contemplera.

Celui-l parle au nom de son pass. Il me dit: Je suis celui qui J'accepte donc de l'honorer condition qu'il soit mort. Mais, du seul vritable gomtre mon ami, je n'ai jamais entendu qu'il se prvalt de ses triangles. Il tait serviteur des triangles et jardinier d'un jardin de signes. Une nuit que je lui disais: Te voil fier de ton travail, tu as beaucoup donn aux hommes, il se tut d'abord, puis me rpondit:

Il ne s'agit point de donner, je mprise qui donne ou reoit. Comment vnrerais-je l'insatiable apptit du prince qui revendique les prsents! De mme de ceux qui se laissent dvorer. Ainsi la grandeur du prince nie leur grandeur. Il est choisir entre l'une ou l'autre. Mais le prince qui m'abaisse je le mprise. Je suis de sa maison et il se doit de me grandir. Et si je suis grand je grandis mon prince.

Qu'ai-je donn aux hommes? Je suis d'entre eux. Je suis leur part de mditation sur les triangles. Les hommes travers moi ont mdit sur les triangles. A travers eux chaque jour j'ai mang mon pain. Et j'ai bu le lait de leurs chvres. Et je me suis chauss du cuir de leurs bufs.

Je donne aux hommes, mais reois tout des hommes. O loge la prsance de l'un sur l'autre? Si je donne plus, je reois plus. Je me fais d'un plus noble empire. Tu le vois bien de tes financiers les plus vulgaires. Ils ne peuvent vivre d'eux-mmes. Ils chargent quelque courtisane de leur fortune d'meraudes. Elle rayonne. Ils sont, ds lors, de ce rayonnement. Les voil satisfaits de si bien reluire. Et cependant pauvres ils sont: ils ne sont que d'une courtisane. Tel autre a tout donn au roi. De qui es-tu? Je suis du roi. Le voil vritablement qui resplendit.