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J'ai t semblable ce fou qui surgit la nuit au cur des ruines, arm de sa pelle, de sa pioche et de son ciseau. Et il te dmantibule les murs. Et il te retourne les pierres, et il t'ausculte les dalles pesantes. Il s'agite saisi d'une ferveur noire, car il se trompe, Seigneur, il te cherche un trsor qui soit provision dj faite, dpose par les sicles dans le secret de tel alvole comme une perle dans sa coquille, jouvence pour le vieux, gage de richesse pour l'avare, gage d'amour pour l'amoureux, gage d'orgueil pour l'orgueilleux et pour le glorieux de gloire et cependant cendre et vanit car il n'est point de fruit qui ne soit d'un arbre, point de joie que tu n'aies btie. Strile est de rechercher parmi les pierres une pierre plus exaltante que l'autre pierre. De son agitation au ventre des ruines, il ne tirera ni la gloire ni la richesse ni l'amour.

Comparable donc ce fou qui va de nuit piochant l'aridit, je n'ai rien trouv dans la volupt qui ft autre chose que plaisir d'avare et prodigieusement inutile. Je n'y ai trouv que moi-mme. Je n'ai que faire de moi, Seigneur, et l'cho de mon propre plaisir me fatigue.

Je veux btir le crmonial de l'amour afin que la fte me conduise ailleurs. Car rien de ce que je cherche, et dont j'ai soif, et dont ont soif les hommes, n'est de l'tage des matriaux dont ils disposent. Et celui-l s'gare rechercher parmi les pierres ce qui n'est point de leur essence, alors qu'il pourrait en user pour en btir sa basilique, sa joie n'tant point tirer d'une pierre parmi d'autres pierres mais d'un certain crmonial des pierres, une fois la cathdrale btie. Ainsi, telle femme, je la fais disparate si je ne lis pas au travers.

Seigneur, nue telle pouse, la regardant dormir, me sera doux qu'elle soit belle et dlicate de jointures et tide de seins, et pourquoi n'y prendrais-je point ma rcompense?

Mais j'ai compris ta vrit. Importe que celle-l qui dort et que j'veillerai bientt, rien qu'en posant mon ombre, ne soit point le mur contre quoi je bute, mais la porte qui mne ailleurs et, donc, que je ne la disperse en matriaux divers, chercher l'impossible trsor, mais la tienne bien noue et une dans le silence de mon amour.

Et comment serais-je du? Certes est due celle-l qui reoit un bijou. Il est une meraude plus belle que ton opale. Il est un diamant plus beau que l'meraude. Il est le diamant du roi plus beau que tous. Je n'ai que faire d'un objet chri pour lui-mme s'il n'a point sens de perfection. Car je vis non des choses, mais du sens des choses.

Cependant cette bague mal taille, ou cette rose fane cousue dans un carr de linge, ou cette aiguire, ft-elle d'tain, qui est du th auprs d'elle avant l'amour, certes les voil irremplaables puisque objets d'un culte. C'est le dieu seul que j'exigeais parfait, et le grossier objet de bois, s'il est dsormais de son culte, participe de sa perfection.

Ainsi de l'pouse endormie. De la considrer pour elle-mme j'irai aussitt me lassant et cherchant ailleurs. Car elle est moins belle que l'autre, ou de caractre aigre, et si mme la voil parfaite en apparence, reste qu'elle ne rend point tel son de cloche dont j'prouve la nostalgie, reste qu'elle dit tout de travers le Toi, mon Seigneur dont la lvre d'une autre ferait musique pour le cur.

Mais dormez rassure dans votre imperfection, pouse imparfaite. Je ne me heurte point contre un mur. Vous n'tes point but et rcompense et bijou vnr pour soi-mme, dont je me lasserais aussitt, vous tes chemin, vhicule et charroi. Et je ne me lasserai point de devenir.

CCV

Je fus ainsi clair sur la fte, laquelle est de l'instant o tu passes d'un tat l'autre, quand l'observation du crmonial t'a prpar une naissance. Et je te l'ai dit du navire. D'avoir t longtemps maison btir l'tage des planches et des clous, il devint, une fois gr, mari pour la mer. Et tu le maries. C'est l'instant de fte. Mais tu ne t'installes pas, pour en vivre, dans le lancement du navire.

Je te l'ai dit de ton enfant. De fte est sa naissance. Mais tu ne vas pas chaque jour, des annes durant, te frottant les mains de ce qu'il soit n. Tu attendras, pour l'autre fte, tel changement d'tat, comme il en sera du jour o le fruit de ton arbre se fera souche d'un arbre nouveau et plantera plus loin ta dynastie. Je te l'ai dit de la graine rcolte. Vient la fte de l'engrange-ment. Puis des semailles. Puis la fte du printemps qui te change tes semailles en herbe douce comme un bassin d'eau frache. Puis tu attends encore, et c'est la fte de la moisson, puis encore une fois de l'engrange-ment. Et ainsi de suite, de fte en fte, jusqu' la mort, car il n'est point de provisions. Et je ne connais point de fte laquelle tu n'accdes venant de quelque part, et par laquelle tu n'ailles ailleurs. Tu as march longtemps. La porte s'ouvre. C'est l'instant de fte. Mais tu ne vivras point de cette salle-ci plus que de l'autre. Cependant je veux que tu te rjouisses de franchir le seuil qui va quelque part, et rserve ta joie pour l'instant o tu briseras ta chrysalide. Car tu es foyer de faible pouvoir, et n'est point de chaque minute l'illumination de la sentinelle. Je la rserve, s'il se peut, pour les jours de clairons et de tambours et de victoire. Faut bien que se rpare en toi quelque chose qui ressemble au dsir, et exige souvent le sommeil.

Moi j'avance lentement, un pas lent sur la dalle d'or, un pas lent sur la dalle noire, dans les profondeurs de mon palais. Me parat citerne, midi, cause de la fracheur captive. Et me berce mon propre pas: je suis rameur inpuisable vers o je vais. Car je ne suis plus de cette patrie.

S'coulent lentement les murs du vestibule et, si je lve les yeux vers la vote, je la vois balancer doucement comme l'arche d'un pont. Un pas lent sur un carreau d'or, un pas lent sur un carreau noir je fais lentement mon travail, comme l'quipe du puits en forage qui te remonte les gravats. Ils scandent l'appel de la corde muscles doux. Je connais o je vais et je ne suis plus de cette patrie.

De vestibule en vestibule, je poursuis mon voyage. Et tels sont les murs. Et tels sont les ornements suspendus au mur. Et je contourne la grande table d'argent o sont les candlabres. Et je frle de la main tel pilier de marbre. Il est froid. Toujours. Mais je pntre dans les territoires habits. M'en viennent les bruits comme dans un rve car je ne suis plus de cette patrie.

Douces cependant me sont les rumeurs domestiques. Te plat toujours le chant confidentiel du cur. Rien ne dort tout fait. Et, de ton chien lui-mme, s'il dort, il arrive qu'il aboie en rve, petits coups, et s'agite un peu par souvenir. Ainsi de mon palais bien que mon midi l'ait endormi. Et il est une porte qui bat, on ne sait o, dans le silence. Et tu songes au travail des servantes, des femmes. Car sans doute est-ce de leur domaine? Elles t'ont pli le linge frais dans leurs corbeilles. Elles ont navigu deux par deux pour les transporter. Et, maintenant qu'elles l'ont rang, elles referment les hautes armoires. Il est l-bas un geste rvolu. Une obligation a t respecte. Quelque chose vient de s'accomplir. Sans doute est-ce maintenant le repos, mais que saurai-je? Je ne suis plus de cette patrie.

De vestibule en vestibule, de carreau noir en carreau d'or, je contourne lentement le quartier des cuisines. Je reconnais le chant des porcelaines. Puis d'une aiguire d'argent que l'on m'a heurte. Puis cette faible rumeur d'une porte profonde. Puis le silence. Puis un bruit de pas prcipits. Quelque chose a t oubli qui exige soudain ta prsence, comme il en est du lait qui bout, ou de l'enfant qui pousse un cri, ou plus simplement de l'extinction inattendue d'un ronronnement familier. Quelque pice vient de se coincer dans la pompe, la broche, ou le moulin pour la farine. Tu cours remettre en marche l'humble prire