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Certes non, s'crirent les gendarmes, l'apptit s'tant veill dans leurs poings.

Or, quand un arbre forme des fruits pourris, reproches-tu la pourriture aux fruits ou l'arbre?

A l'arbre, s'crirent les gendarmes.

Et quelques fruits sains le font-ils absoudre?

Non! non! s'crirent les gendarmes qui, bien heureusement, aimaient leur mtier, lequel n'est point d'absoudre.

Donc serait quitable de me purger l'empire de ces porteurs d'un grain de beaut sur la tempe gauche.

Mais l'ancien charpentier toussa encore:

Formule ton objection, lui dis-je, cependant que ses compagnons guids par leur flair jetaient des coups d'il lourds d'allusions dans la direction de sa tempe.

L'un d'eux s'enhardit, toisant le suspect:

Celui qu'il dit avoir connu ne serait-ce point son frre ou son pre ou quelqu'un des siens?

Et tous grognrent leur assentiment.

Alors flamba ma colre:

Plus dangereuse encore est la secte de ceux qui portent un grain de beaut sur la tempe droite! Car nous n'y avons mme pas song! Donc elle se dissimule mieux encore. Plus dangereuse encore que celle-l est la secte de ceux qui ne portent point de grain de beaut, car ceux-l vont dans le camouflage, invisibles comme des conjurs. Et en fin de compte, de secte en secte, je condamne la secte des hommes tout entire, car elle est, de toute vidence, source de crimes, de rapts, de viols, de concussions, de gloutonnerie et d'impudeur. Et comme il se trouve que les gendarmes, outre qu'ils sont gendarmes, sont hommes, je commencerai travers eux, usant d'une telle commodit, l'puration ncessaire. C'est pourquoi je donne l'ordre au gendarme qui est en vous de jeter l'homme qui est en vous sur le fumier des cachots de mes citadelles!

Et s'en furent mes gendarmes, reniflant de perplexit et rflchissant sans grand rsultat, car il se trouve qu'ils rflchissent avec les poings.

Mais je retins le charpentier, lequel baissait les yeux et faisait le modeste.

Toi, je te destitue! lui dis-je. La vrit pour charpentier, laquelle est subtile et contradictoire cause que le bois lui rsiste, n'est point vrit pour gendarme. Si le manuel classe en noir les porteurs de grain sur la tempe, me plat que mes gendarmes, rien qu' entendre parler d'eux, sentent crotre leurs poings. Me plat de mme que l'adjudant te pse selon ta science au demi-tour. Car l'adjudant, s'il a droit de juger, il t'excusera dans ta maladresse cause que tu es grand pote. De mme pardonnera-t-il ton voisin, car il est pieux. Et au voisin de ton voisin, car celui-l est modle de chastet. Ainsi rgnera la justice. Mais que survienne en guerre la feinte subtile d'un demi-tour et voil mes soldats emptrs du coup les uns dans les autres, dans l'clat d'un grand tintamarre, qui appellent sur eux le carnage. Seront bien consols par l'estime de leur adjudant! Je te renvoie donc tes charpentes, de peur que ton amour de la justice, l o elle n'a que faire, rpande un jour le sang inutile.

CCXIII

Mais vint celui qui m'interrogea sur la justice.

Ah! lui dis-je, si je connais des actes quitables je ne connais rien sur l'quit. Il est quitable que tu sois nourri selon ton travail. Il est quitable que tu sois soign si tu es malade. Il est quitable que tu sois libre si tu es pur. Mais l'vidence ne va pas loin Est quitable ce qui est conforme au crmonial.

J'exige du mdecin qu'il franchisse le dsert, ft-ce sur les poings et sur les genoux, pour panser une blessure d'homme. Quand bien mme cet homme serait un mcrant. Car je fonde ainsi le respect de l'homme. Mais s'il se trouve que l'empire est en guerre contre l'empire du mcrant, j'exige des soldats qu'ils franchissent le mme dsert pour rpandre au soleil les entrailles du mme mcrant. Car ainsi je fonde l'empire.

Seigneur je ne te comprends pas.

Me plat que les forgeurs de clous, qui chantent les cantiques des cloutiers, tendent piller les outils des scieurs de planches pour servir les clous. Me plat que les scieurs de planches tendent dbaucher les forgeurs de clous, pour servir les planches. Me plat que l'architecte qui domine brime les scieurs de planches en protgeant les clous et les forgeurs de clous en protgeant les planches. Car de cette tension des lignes de force, natra le navire et je n'attends rien des scieurs de planches sans passion qui vnrent les clous, ni des forgeurs de clous sans passion qui vnrent les planches.

Tu honores donc la haine?

Je digre la haine et la surmonte et n'honore que l'amour. Mais il se trouve qu'il ne se noue qu'au-dessus des planches et des clous en le navire.

Et m'tant retir, j'adressai Dieu cette prire: J'accepte comme provisoires, Seigneur, et bien qu'il ne soit point de mon tage d'en distinguer la clef de vote, les vrits contradictoires du soldat qui cherche blesser et du mdecin qui cherche gurir. Je ne concilie point, en breuvage tide, des boissons glaces et brlantes. Je ne souhaite point que modrment l'on blesse et soigne. Je chtie le mdecin qui refuse ses soins, je chtie le soldat qui refuse ses coups. Et peu m'importe si les mots se tirent la langue. Car il se trouve que ce pige seul, dont les matriaux sont divers, saisit ma capture dans son unit, laquelle est tel homme, de telle qualit et non un autre.

Je recherche ttons tes divines lignes de force, et faute d'vidences qui ne sont point pour mon tage, je dis que j'ai raison dans le choix des rites du crmonial s'il se trouve que je m'y dlivre et y respire. Ainsi de mon sculpteur, Seigneur, que satisfait tel coup de pouce vers la gauche, bien qu'il ne sache dire pourquoi. Car ainsi seulement il lui semble qu'il charge sa glaise de pouvoir.

Je vais Toi la faon de l'arbre qui se dveloppe selon les lignes de force de sa graine. L'aveugle, Seigneur, ne connat rien du feu. Mais il est, du feu, des lignes de force sensibles aux paumes. Et il marche travers les ronces, car toute mue est douloureuse. Seigneur, je vais Toi, selon ta grce, le long de la pente qui fait devenir.

Tu ne descends pas vers ta cration, et je n'ai rien esprer pour m'instruire qui soit autre chose que chaleur du feu ou tension de graine. De mme de la chenille qui ne sait rien des ailes. Je n'espre point d'tre inform par le guignol des apparitions d'archanges, car ne me dirait rien qui vaille la peine. Inutile de parler d'ailes la chenille comme de navire au forgeur de clous. Suffit que soient, par la passion de l'architecte, les lignes de force du navire. Par la semence, les lignes de force des ailes. Par la graine, les lignes de force de l'arbre. Et Tu sois, Seigneur, tout simplement.

Glaciale, Seigneur, est quelquefois ma solitude. Et je rclame un signe dans le dsert de l'abandon. Mais Tu m'as enseign au cours d'un songe. J'ai compris que tout signe est vain, car si Tu es de mon tage Tu ne m'obliges point de crotre. Et qu'ai-je affaire de moi. Seigneur, tel que je suis?

C'est pourquoi je marche, formant des prires auxquelles il n'est point rpondu, et n'ayant pour guide, tant je suis aveugle, qu'une faible chaleur sur mes paumes fltries, et Te louant cependant, Seigneur, de ce que Tu ne me rpondes point, car si j'ai trouv ce que je cherche, Seigneur, j'ai achev de devenir.

Si Tu faisais vers l'homme, gratuitement, le pas d'archange, l'homme serait accompli. Il ne scierait plus, ne forgerait plus, ne combattrait plus, ne soignerait plus. Il ne balaierait plus sa chambre ni ne chrirait la bien-aime. Seigneur, s'garerait-il T'honorer de sa charit travers les hommes, s'il Te contemplait? Quand le temple est bti, je vois le temple, non les pierres.

Seigneur, me voil vieux et de la faiblesse des arbres quand vente l'hiver. Las de mes ennemis comme de mes amis. Non satisfait dans ma pense d'tre contraint de tuer, la fois, et de gurir, car me vient de Toi le besoin de dominer tous les contraires qui me fait si cruel mon sort. Et cependant ainsi contraint de monter, de mort de questions en mort des questions, vers Ton silence.