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Et une une, de contradiction domine en contradiction domine, je m'achemine vers le silence des questions et ainsi la batitude.

O bavards! Elles ont tellement abm les hommes.

Insens qui espre la rponse de Dieu. S'il te reoit, s'il te gurit, c'est en effaant tes questions, de Sa main, comme la fivre. Cela est.

Engrangeant un jour Ta Cration, Seigneur, ouvre-nous Ton vantail deux portes et fais-nous pntrer l o il ne sera plus rpondu car il n'y aura plus rponse, mais batitude, qui est clef de vote des questions et visage qui satisfait.

Et celui-l dcouvrira l'tendue d'eau douce, plus vaste que l'tendue des mers, et qu'il avait bien devine entendre le chant des fontaines, quand, les jambes pendantes, il s'asseyait contre elle qui cependant n'tait que gazelle force la course, et respirant un peu contre son cur.

Silence, port du navire. Silence en Dieu, port de tous les navires.

XL

Dieu m'envoya celle qui mentait si joliment, avec cruaut chantante, simplement. Et je me penchai sur elle comme sur le vent frais de la mer.

Pourquoi mens-tu? disais-je.

Elle pleurait alors, tellement enfouie dans ses larmes. Et je rflchissais sur ses larmes:

Elle pleure, me disais-je, de ne pas tre crue quand elle ment. Car il n'est point pour moi comdie de la part des hommes. J'ignore le sens de la comdie.

Certes, celle-l veut se faire passer pour une autre. Mais l n'est point le drame qui me tourmente. Il y a drame pour elle qui voudrait tant tre cette autre. Et la vertu, je l'ai vue respecte bien plus souvent par celles qui la feignent que par celles-l qui l'exercent et sont vertueuses comme elles sont laides. Tellement dsireuses, les autres, d'tre vertueuses et d'tre aimes, mais ne sachant point se dominer, ou plutt domines par les autres. Et toujours en rvolte contre. Et mentant pour tre belles.

Les raisons qui jouent sur les mots ne sont jamais les raisons vritables. Et c'est pourquoi je ne leur reprocherai rien sinon de s'exprimer tout de travers. Et c'est pourquoi je me taisais devant ces mensonges, n'coutant point le bruit des mots, dans le silence de mon amour, mais l'effort seul. Ce travail du renard pris au pige qui se dbat contre le pige. Ou de l'oiseau qui s'ensanglante sa volire. Et je me tournais vers Dieu pour Lui dire: Pourquoi ne lui as-tu point appris parler un langage communicable, car si je l'coute, loin de l'aimer, je la ferai pendre. Et cependant il est du pathtique en elle et elle s'ensanglante les ailes dans la nuit de son cur, et elle a peur de moi comme ces jeunes renards des sables auxquels je tendais des morceaux de viande et qui tremblaient, mordaient et m'arrachaient la viande pour l'emporter dans leur tanire.

Seigneur, me disait-elle, ils ne savent point que je suis pure.

Certes je savais bien le remue-mnage qu'elle faisait dans ma maison. Et cependant je me sentais clou au cur par la cruaut de Dieu:

Aidez-la pleurer. Versez-lui des larmes. Qu'elle soit fatigue d'elle-mme contre mon paule: il n'est point en elle de lassitude.

Car on l'avait mal enseigne dans la perfection de son tat et me venait le dsir de la dlivrer. Oui, Seigneur, j'ai manqu mon rle Car il n'est point de petite fille sans importance. Celle-l qui pleure, elle n'est point le monde mais signe du monde. Et l'angoisse lui vient de ne point devenir. Mais toute brle et dilapide en fume. Naufrage dans un fleuve en route et impossible retenir. Moi je viens, et je suis votre terre et votre table et votre signification. Je suis la grande convention du langage, et maison et cadre et armature.

coutez-moi d'abord, lui dis-je.

Elle aussi est recevoir. Et ainsi les enfants des hommes et ceux surtout qui ne savent point qu'ils peuvent savoir

Car je veux vous guider de la main vers vous-mmes Je suis la bonne saison des hommes.

XLI

J'ai vu les hommes heureux et malheureux, non cause du simple malheur d'un deuil ou du simple bonheur des fianailles (par exemple), non pas cause de la maladie ou de la sant, car celui-l qui est malade, je puis le faire se dominer par une nouvelle retentissante et le pousser debout travers la ville rien qu'en agissant sur son esprit par un certain sens des choses que je nommerai victoire par exemple (le plus simple). Car je guris la ville entire par l'clat l'aube de mes armes victorieuses, et tu les vois qui se poussent et s'embrassent. Et tu te diras: Pourquoi ne serait-il pas possible de les maintenir dans un tel climat, comme est le climat d'une grande musique? Et je te rponds: Parce que la victoire n'est point paysage possd du haut des montagnes mais entrevu du haut des montagnes quand tes muscles te l'ont bti, mais passage d'un tat un autre. Et n'est rien une victoire qui dure. Non plus vivifiante, mais amollissante et ennuyeuse, car il n'est point alors de victoire, mais simple paysage accompli. Alors dois-je vivre dans le perptuel balancement de la misre et de la richesse? Et tu dcouvres bien que cela aussi est faux car tu peux vivre toute ta vie dans le dnuement et la misre et la lassitude, comme celui qui est poursuivi par les cranciers et enfin se pend sans que les petites joies ou les rmissions passagres l'aient pay de l'usure des nuits blanches. Ainsi il n'est point d'tat durable comme la fortune et la victoire, attribu l'homme comme du fourrage un btail.

Je veux des garons chauds et gnreux et des femmes dont les yeux brillent, et d'o cela vient-il? Puisque ni de l'intrieur ni de l'extrieur. Et moi je te rponds: Cela vient du got du retentissement des choses les unes sur les autres, qu'il s'agisse de ta caravane de guerre ou de ta cathdrale ou de ta victoire d'un matin. Mais la victoire n'est djeuner que d'un matin. Car ta victoire faite il n'est plus rien faire qu' user de ces provisions qui te tuent, et si ta joie a t vive c'est que ta communaut tu l'as sentie avec violence, car dans la tristesse de la veille tu t'tais retir chez toi ou chez tes amis dans ton deuil et le deuil de tes fils, mais voici que tu la connais, cette victoire, alors mme qu'elle se dnoue! Mais qui btit sa cathdrale qu'il faudra cent annes pour btir, alors cent annes il peut vivre dans la richesse du cur. Car tu t'augmentes de ce que tu donnes et augmentes ton pouvoir mme de donner. Et si tu marches le long de mon anne o tu btis ta vie, te voil heureux de dj prparer la fte sans jamais te constituer des provisions. Car ce que tu donnes avant la fte pour la fte t'augmente plus que ce que la fte une seule fois te rendra. Et ainsi de tes fils qui grandissent. Et de tes navires qui prennent la mer, se trouvent menacs puis triomphent et abordent le jour naissant avec leurs quipages. Moi j'augmente la ferveur qui se nourrit de ses russites, comme celle de celui-l qui n'est point un pillard et qui, plus il crit, plus il forge son style. Mais je rpudierai celle qui, bien que vive, se ruine dans ses russites. Car plus je connais, plus je veux connatre, plus je suis dispos pour connatre, plus je convoite le bien d'autrui et plus je le pille et plus je m'engraisse le dvorer. Plus je me ruine dans mon cur.

Car de chaque conqute l'homme dcouvre qu'elle l'a tromp quand il use de l'objet conquis, ayant confondu la chaleur de la cration avec le got de l'usage de l'objet qui ne lui apporte plus rien. Et pourtant il est ncessaire de se soumettre un jour cet usage, mais alors m'intresse seul l'usage qui sert la conqute si la conqute sert l'usage. Chacun renforant l'autre. Ainsi de la danse mme ou du chant ou de l'exercice de la prire qui cre la ferveur, laquelle alimente ensuite la prire, ou de l'amour. Car si je change d'tat, si je ne suis plus mouvement et action vers, alors me voil comme mort. Et du sommet de ta montagne tu ne jouiras plus du paysage quand il ne sera plus victoire de tes muscles et satisfaction de ta chair.