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Et tu n'as rien pour te dominer sinon la discipline qui te vient de ton caporal, lequel te surveille. Et les caporaux n'ont de discipline, s'ils doutent de soi, que celle qui leur vient de leurs sergents, lesquels les surveillent. Et les sergents des capitaines, lesquels les surveillent. Et ainsi jusqu' moi, qui n'ai plus que Dieu pour me gouverner et qui demeure, si je doute, en porte faux dans le dsert.

Mais je veux te dire un secret et qui est celui de la permanence. Car si tu dors ta vie est suspendue. Mais elle est suspendue de mme quand te viennent ces clipses du cur qui sont secret de ta faiblesse. Car autour de toi rien n'a chang et tout a chang en toi-mme. Et te voici devant la ville, toi sentinelle, mais non plus appuy contre la poitrine de ta bien-aime couter les battements du cur que tu ne distingues point d'avec son silence ou son haleine car tout n'est que signe de cette bien-aime, laquelle est une, mais perdu parmi des objets en vrac que tu ne sais plus runir en un, soumis aux airs nocturnes qui se contredisent les uns les autres, ce chant de l'ivrogne qui nie la plainte du malade, cette lamentation autour de quelque mort qui nie le cri du nouveau-n, ce temple qui nie cette cohue de foire. Et tu te dis: Qu'ai-je affaire de tout ce dsordre et de ce spectacle incohrent?, car si tu ne sais plus qu'il est ici un arbre, alors racines, tronc, branches et feuillage n'ont plus de commune mesure. Et comment serais-tu fidle quand il n'est plus personne pour recevoir? Je sais de toi que tu ne dormirais point si tu veillais quelque malade que tu aimerais. Mais s'est vanoui celui que tu eusses pu aimer et il s'est fait matriaux en vrac.

Car s'est dfait le nud divin qui noue les choses.

Mais je te dsire fidle toi-mme, sachant que tu vas revenir. Je ne te demande point de comprendre ni de ressentir dans chaque instant, sachant trop que l'amour mme le plus ivre est fait de traverses de tant de dserts intrieurs. Et devant la bien-aime elle-mme tu te demandes: Son front est un front. Comment puis-je l'aimer? Sa voix est cette voix. Elle a dit ici cette sottise. Elle a fait ici ce faux pas Elle est somme qui se dcompose et ne peut plus t'alimenter, et bientt tu la crois har. Mais comment la harais-tu? Tu n'es mme pas capable d'aimer.

Mais tu te tais car tu sais bien obscurment qu'il ne s'agit l que d'un sommeil. Ce qui est, dans l'instant, vrai de la femme, est vrai du pome que tu lisais ou du domaine ou de l'empire. Te manque le pouvoir d'tre allait et de mme de dcouvrir, qui est aussi amour et connaissance, les nuds divins qui nouent les choses. Toi, ma sentinelle endormie, tes amours tu les retrouveras ensemble comme un tribut qui te reviendra, non l'un ou l'autre, mais tous, et il convient de respecter en toi, quand te vient l'ennui d'tre infidle, cette maison abandonne.

Quand vont sur le chemin de ronde mes sentinelles, je ne prtends pas que toutes soient ferventes. Beaucoup s'ennuient et rvent de la soupe, car si tous les dieux dorment en toi, te reste l'appel animal des satisfactions de ton ventre, et qui s'ennuie pense manger. Je ne prtends point que leurs mes toutes soient veilles. Car je dis me ce qui de toi communique avec ces ensembles qui sont nuds divins qui nouent les choses et se rit des murs. Mais simplement de temps autre que l'une de leurs mes brle. Qu'il en soit une dont le cur batte. Qu'il en soit une qui connaisse l'amour et tout coup se sente remplie par le poids et les bruits de la ville. Une qui se sente vaste et respire les toiles et contienne l'horizon comme ces conques que remplit le chant de la mer.

Il me suffit que tu aies connu la visite et cette plnitude d'tre un homme, et que tu te tiennes bien prpar pour recevoir, car il en est comme du sommeil bu de la faim ou du dsir qui te reviennent par intervalles, et ton doute n'est rien que de pur et je t'en voudrais consoler.

Te reviendra, si tu es sculpteur, le sens du visage. Te reviendra, si tu es prtre, le sens de Dieu, te reviendra, si tu es amant, le sens de l'amour, te reviendra, si tu es sentinelle, le sens de l'empire, te reviendra, si tu es fidle toi-mme et nettoies ta maison bien qu'elle semble abandonne, ce qui peut seul t'alimenter le cur. Car tu ne connais point l'heure de la visite, mais il importe que tu saches qu'elle est seule au monde pouvoir combler.

C'est pourquoi je te construis tel par de mornes heures d'tude pour que le pome, par miracle, te puisse incendier, et par les rites et les coutumes de l'empire pour que cet empire te puisse prendre au cur. Car il n'est point de don que tu n'aies prpar. Et la visite ne vient pas s'il n'est point de maison btie pour la recevoir.

Sentinelle, sentinelle, c'est en marchant le long des remparts dans l'ennui du doute qui vient des nuits chaudes, c'est en coutant les bruits de la ville quand la ville ne te parle pas, c'est en surveillant les demeures des hommes quand elles sont morne assemblage, c'est en respirant le dsert autour quand il n'est que vide, c'est en t'efforant d'aimer sans aimer, de croire sans croire, et d'tre fidle quand il n'est plus qui tre fidle, que tu prpares en toi l'illumination de la sentinelle, qui te viendra parfois comme rcompense et don de l'amour.

Fidle toi-mme n'est point difficile quand se montre qui tre fidle, mais je veux que ton souvenir forme un appel de chaque instant et que tu dises: Que ma maison soit visite. Je l'ai construite et la tiens pure Et ma contrainte est pour t'aider. Et j'oblige mes prtres au sacrifice mme si les voil, ces sacrifices, qui n'ont plus de sens. J'oblige mes sculpteurs sculpter mme si voil qu'ils doutent d'eux-mmes. J'oblige mes sentinelles faire les cent pas sous peine de mort, sinon les voil mortes d'elles-mmes, tranches dj par elles-mmes, d'avec l'empire.

Je les sauve par ma rigueur.

Ainsi de celui-l qui se prpare dans l'austrit du poste de garde. Car je l'envoie en claireur franchir les rangs de l'ennemi. Et il sait bien qu'il en mourra. Car ils sont en veil. Et il redoute les supplices dont on l'crasera pour faire sourdre, mls de cris, les secrets de la citadelle. Et certes il est des hommes nous par l'amour dans l'instant, et qui se harnachent chauds de joie car la seule joie est d'pouser et voil qu'ils pousent. Car ne crois pas, quand tu te saisis de la bien-aime au soir des noces qu'il soit d'abord pour toi simple conqute d'un corps, duquel tu eusses pu hriter dans le quartier rserv de la ville o sont des filles semblables d'apparence, mais changement du sens et de la couleur de toute chose. Et ton retour vers la maison le soir, et ton rveil devenu hritage rendu, et l'esprance des enfants et leur enseignement par toi de la prire. Et jusqu' cette bouilloire qui devient du th auprs d'elle avant l'amour. Car peine a-t-elle franchi ta maison que tes tapis de haute laine deviennent prairie pour ses pas. Et de tout ce que tu reois et qui est sens nouveau du monde, il est si peu de chose dont tu uses. Tu n'es combl ni par l'objet donn ni par la caresse du corps, ni par l'usage de tel ou tel avantage mais par la seule qualit du nud divin qui noue les choses.

Et celui-l qui se harnache pour mourir et dont il te semble qu'il ne reoive rien dans l'instant puisque cette caresse mme qui est si peu de chose ne lui est pas promise, mais bien au contraire la soif dans le soleil, le vent de sable qui crisse aux dents, puis les hommes autour de lui devenus pressoir de secrets, et celui qui se harnache pour la mort pour entrer vtu dans la mort de son uniforme de mort et dont il te semble qu'il devrait crier son dsespoir comme tel que j'ai condamn la pendaison pour quelque crime, et qui lutte de sa chair contre d'implacables barreaux, mais celui-l qui se harnache pour la mort tu le dcouvres pacifique, te regardant d'un regard calme et rpondant aux plaisanteries du corps de garde, lesquelles sont affection bourrue, et non par forfanterie ni pour montrer quelque courage, ou quelque ddain de la mort, ou quelque cynisme, ni quoi que ce soit de semblable, mais transparent comme une eau calme et n'ayant rien te cacher et s'il est triste un peu, disant sans gne sa tristesse rien te cacher sinon son amour. Et je te dirai pourquoi plus tard.