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Celles-l donc qui te font confiance, je les perptue, bien que celles-l seules on les puisse trahir. Si donc le voleur de femmes en pille une, certes j'en souffrirai dans mon cur. Et si je dsire un beau guerrier, j'accepte le risque de le perdre en guerre.

Renonce donc tes souhaits contradictoires.

Tant il est vrai qu'une fois encore tait absurde ta dmarche. De mme qu'ayant admir l'admirable visage que la coutume de chez toi avait cr, tu t'es pris har la coutume, laquelle te paraissait contrainte, et en effet puisqu'elle tait celle de devenir! Et, ayant dtruit ta coutume, il s'ensuit que tu as dtruit ce que tu prtendais sauver.

Et en effet par horreur de la brutalit grossire et de la rouerie qui menace les mes nobles tu as rduit ces mes nobles se montrer plus grossires et plus roues.

Sache que ce n'est point en vain que j'aime ce qui est menac. Car il n'est point dplorer que les choses prcieuses le soient. Puisque prcisment j'y trouve une condition de leur qualit. J'aime l'ami fidle dans les tentations. Car s'il n'est point de tentation, il n'est point de fidlit et je n'ai point d'ami. Et j'accepte que quelques-uns tombent pour faire le prix des autres. J'aime le soldat courageux debout sous les balles. Car s'il n'est point de courage je n'ai plus de soldats. Et j'accepte qu'il en meure quelques-uns s'ils fondent par leur mort la noblesse des autres.

Et si tu m'apportes un trsor, je le veux si fragile que le vent me le puisse dpenser.

J'aime du jeune visage qu'il soit menac de vieillir et du sourire qu'un mot de moi le puisse aisment changer en larmes.

CX

Et c'est alors que m'apparut la solution de la contradiction sur laquelle j'avais tant rflchi. Car me blessait ce litige cruel quand je me penchais, moi le roi, sur ma sentinelle endormie. De prendre un enfant dans ses songes heureux pour le dposer tel quel dans la mort, et tout tonn, pendant la courte veille, d'avoir souffrir du fait des hommes.

Car il s'veilla devant moi et se passa la main sur son front puis, ne m'ayant point reconnu, offrit son visage aux toiles en poussant un faible soupir qui tait de reprendre le poids des armes. Et c'est alors qu'il m'apparut qu'une telle me tait conqurir.

A son ct moi, son roi, je me tournais vers la ville respirant la mme ville que lui en apparence et cependant non la mme. Et je songeais: Du pathtique auquel j'assiste il n'est rien lui dmontrer. Il n'est d'autre dmarcher qui ait un sens que de le convertir et de le charger non de ces choses, puisque tout aussi bien que moi il les regarde et les respire et les mesure et les possde, mais du visage qui est apparition travers et nud divin qui noue les choses. Et je compris qu'il importait de distinguer d'abord la conqute de la contrainte. Conqurir c'est convertir. Contraindre c'est emprisonner. Si je te conquiers je dlivre un homme. Si je te contrains je l'crase. La conqute c'est en toi et travers toi une construction de toi-mme. La contrainte c'est le tas de pierres alignes et toutes semblables dont rien ne natra.

Et m'apparut que tous les hommes taient ainsi conqurir. Ceux qui veillaient et ceux qui dormaient, ceux qui faisaient leur ronde sur les remparts et ceux qu'abritait cette ronde. Ceux qui se rjouissaient cause d'un nouveau-n ou qui se lamentaient cause d'un mort. Ceux qui priaient et ceux qui doutaient. La conqute c'est de te btir ton armature et t'ouvrir l'esprit aux provisions pleines. Car il est des lacs pour t'abreuver si l'on te montre le chemin. Et j'installerai mes dieux en toi pour qu'ils t'clairent.

Et sans doute est-ce dans l'enfance qu'il importe de te conqurir d'abord sinon te voil ptri et durci et ne sachant plus apprendre un langage.

CXI

Car me vint un jour la connaissance de ce que je ne pouvais pas me tromper. Non que je me jugeasse plus fort qu'un autre ou raisonnant mieux, mais parce que, ne croyant plus aux raisons qui se succdent de proposition en proposition selon les rgles de la logique, ayant appris que la logique est gouverne par plus haut qu'elle et ne figure que trace sur le sable d'une marche qui est d'une danse, et conduit ou non vers le puits qui sauve selon le gnie du danseur, ayant compris avec certitude que l'histoire une fois faite est tributaire de la raison puisque aucun pas ne manquera dans la succession des pas, mais que l'esprit qui domine les pas ne s'y lit pas vers l'avenir, ayant bien compris qu'une civilisation, comme un arbre sort, de la seule puissance de la graine, laquelle est une, malgr qu'elle se diversifie et se distribue et s'exprime en organes divers qui sont racines, tronc, branches, feuilles, fleurs et fruits, lesquels sont pouvoir de la graine une fois exprim. Ayant bien compris que certes une civilisation une fois faite se remonte sans hiatus vers l'origine, ce qui montre aux logiciens une piste remonter mais qu'ils n'eussent su descendre car ils n'ont point contact avec le conducteur. Ayant cout les hommes disputer sans qu'aucun l'emportt vritablement, ayant prt l'oreille aux commentateurs des gomtres qui croyant saisir des vrits n'y renonaient l'an d'aprs qu'avec hargne ou accusaient leurs adversaires de sacrilge, accrochs qu'ils taient leurs branlantes idoles, mais ayant aussi partag la table du seul gomtre vritable mon ami, lequel savait qu'il cherchait aux hommes un langage, comme le pote s'il veut dire son amour, et qui fut simple pour les pierres dans le mme temps que pour les toiles, et lequel savait parfaitement qu'il aurait d'anne en anne changer de langage car c'est la marque de l'ascension. Ayant bien dcouvert qu'il n'est rien qui soit faux pour la simple raison qu'il n'est rien qui soit vrai (et qu'est vrai tout ce qui devient comme est vrai l'arbre), ayant cout avec patience dans le silence de mon amour les balbutiements, les cris de colre, les rires et les plaintes de mon peuple. Ayant dans ma jeunesse, quand on rsistait aux arguments par lesquels je cherchais non btir mais habiller ma pense, abandonn la lutte faute de langage efficace contre un avocat meilleur que moi, mais sans jamais renoncer ma permanence, sachant que ce qu'il me dmontrait, c'tait simplement que je m'exprimais mal et usant plus tard d'armes plus fortes, car il en est indfiniment, comme d'une source, s'il est en toi caution vritable. Ayant une fois renonc entendre le sens incohrent des paroles confuses des hommes, me parut plus fertile que tout simplement ils essayassent de m'entendre, prfrant simplement me laisser panouir comme l'arbre partir de sa graine jusqu' l'achvement des racines, du tronc et des branches, car alors il n'est plus discuter puisque l'arbre est et il n'est plus non plus choisir entre cet arbre-l et un autre puisque seul il accorde un feuillage assez vaste pour abriter.

Et me venait la certitude que les obscurits de mon style comme la contradiction de mes noncs n'taient point consquences d'une caution incertaine ou contradictoire ou confuse, mais d'un mauvais travail dans l'usage des mots car ne pouvait tre ni confuse, ni contradictoire ni incertaine une attitude intrieure, une direction, un poids, une pente qui n'avait pas se justifier puisque tant, tout simplement, comme est, dans le sculpteur quand il ptrit sa glaise, un certain besoin qui n'a encore point de forme mais deviendra visage dans la glaise qu'il ptrira.

CXII

Naissance aussi de la vanit lorsque non soumis la hirarchie. (Exemple: gnral, gouverneur.) Une fois fond l'tre qui les soumet l'un l'autre, tombe la vanit. Car la vanit vient de ce que, billes mles, si aucun tre ne vous domine dont vous soyez le sens, vous voil ombrageux de la place occupe.