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Mais il arrivait que l'un d'entre eux me rpondt:

Je btis des palais, je taille des diamants, je sculpte des statues de pierre

Et ceux-l certes ne travaillaient point pour tous mais pour quelques-uns seulement car le produit de leur activit n'tait point divisible.

Et en effet si tu observes celui-l qui travaille une anne pour peindre son vase, comment distribuerais-tu de tels vases tous? Car un homme travaille pour plusieurs dans une cit. Il est les femmes, les malades, les infirmes, les enfants, les vieillards et ceux qui aujourd'hui se reposent. Il est aussi des serviteurs de mon empire, lesquels ne faonnent point d'objets: les soldats, les gendarmes, les potes, les danseurs, les gouverneurs. Et ceux-l cependant autant que les autres consomment, s'habillent, se chaussent, mangent, boivent et dorment dans un lit d'une maison. Et puisqu'ils n'changent point d'objet contre les objets qu'ils consomment, il faut bien que quelque part tu voles ces objets ceux-l qui les fabriquent afin d'en alimenter galement ceux qui ne les fabriquent point. Et aucun homme install dans son atelier ne peut prtendre consommer la totalit de ce qu'il produit. Donc il est des objets que tu ne peux prtendre offrir tous car il ne serait personne pour les faonner.

Et cependant n'importe-t-il pas que de tels objets soient conus et soient fabriqus puisqu'ils sont le luxe et la fleur et le sens de ta civilisation? Et puisque prcisment l'objet qui vaut et qui est digne de l'homme est celui qui a cot beaucoup de temps. Et c'est le sens mme du diamant, lequel est anne de travail qui donne une larme grande comme l'ongle. Ou la goutte de parfum tire du tombereau de fleurs. Et que m'importe moi le destin de la larme et de la goutte de parfum puisque je connais d'avance qu'elles ne sont point distribuables tous et que je connais galement qu'une civilisation repose non sur le destin de l'objet mais sur sa naissance?

Moi le seigneur je vole du pain et des vtements aux travailleurs pour les donner mes soldats, mes femmes et mes vieillards.

Pourquoi serais-je plus troubl de voler du pain et des vtements pour les donner mes sculpteurs et aux polisseurs de diamants et aux potes qui, bien qu'ils crivent leurs pomes, doivent se nourrir?

Sinon il n'est plus ni diamant, ni palais, ni quoi que ce soit qui soit souhaitable.

Et ce qui enrichit bien peu mon peuple: il s'enrichit du seul dversement dans les autres activits de ses activits de civilisation qui certes cotent beaucoup de temps ceux qui s'y emploient, mais emploient peu d'hommes dans la cit comme me le montrrent nos rencontres.

Et par ailleurs je rflchissais sur ce que, si le destinataire de l'objet n'avait point d'importance puisque de toute faon cet objet n'tait pas distribuable--tous et que par consquent je ne pouvais prtendre qu'il volt les autres, il me venait cette vidence que le canevas des destinataires est chose dlicate toucher et qui demande beaucoup de prcautions car il est trame d'une civilisation. Et peu importe leur qualit ou les justifications morales.

Il est certes l un problme moral. Mais il est un problme exactement oppos. Et si je pense avec des mots qui excluent les contradictions j'teins chez moi toute lumire.

CXVI

(Notes pour plus tard: Les rfugis berbres qui ne veulent travailler se couchent. Action impossible.

Mais j'impose non des actes mais des structures. Et je diffrencie les jours. Et je hirarchise les hommes et je cre des habitations plus ou moins belles pour apporter la jalousie. Et je cre des rgles plus ou moins justes pour provoquer des mouvements divers. Et je ne puis m'intresser la justice car elle est ici de laisser croupir cette mare absolument morte. Et je les oblige bien prendre mon langage puisque mon langage a un sens pour eux. Et ce n'est l qu'un systme de conventions l'aide desquelles je veux atteindre, comme travers l'aveugle sourd-muet, l'homme, qui est entirement endormi en eux. Ainsi l'aveugle sourd-muet, tu le brles et tu lui dis: feu. Et chaque fois que tu le brles tu lui dis: feu. Et tu es injuste pour l'individu puisque tu le brles. Mais tu es juste pour l'homme puisque lui ayant dit: feu, tu l'clairs. Et viendra le jour o quand tu lui diras: feu sans le brler il retirera aussitt la main. Et ce sera signe qu'il est n.

Les voil donc nous malgr eux dans l'absolu d'un rseau qu'ils ne peuvent juger puisqu'il est, tout simplement. Les maisons sont diffrentes. Les repas sont diffrents. (Et j'introduis aussi la fte qui est de tendre vers un jour et ds lors d'exister, et je les soumettrai des torsions et des tensions et des figures. Et certes toute tension est injustice car il n'est pas juste que ce jour diffre des autres.) Et la fte les fait s'loigner ou s'approcher de quelque chose. Et les maisons plus ou moins belles gagner ou perdre. Et entrer et sortir. Et je dessinerai des lignes blanches travers le camp pour que soient des zones dangereuses et d'autres de scurit. Et j'introduirai le lieu interdit o l'on est puni de mort pour les orienter dans l'espace. Et voil ainsi qu'il sera cr des vertbres la mduse. Et elle commencera de marcher, ce qui est admirable.

L'homme disposait d'un langage vide. Mais le langage sera de nouveau sur lui comme un mors. Et il sera des mots cruels qui le pourront faire pleurer. Et il sera des mots chantants qui lui claireront le cur.

Je vous facilite les choses et tout est perdu. Non cause des richesses, mais parce qu'elles ne sont plus tremplin pour quoi que ce soit mais provisions gagnes. Tu t'es tromp non de donner plus mais d'exiger moins. Si tu donnes plus, tu dois exiger plus.

La justice et l'galit. Et voil la mort. Mais la fraternit ne se trouve que dans l'arbre. Car tu ne dois point confondre alliance et communaut, laquelle n'est que promiscuit sans dieu qui domine, ni irrigation, ni musculature, et donc pourrissement.

Car ils se sont dissous d'avoir vcu dans l'galit, la justice et la communaut totales. Ceci est repos des billes mles.

Jette-leur une graine qui les absorbe dans l'injustice de l'arbre.)

CXVII

En ce qui concerne donc mon voisin, j'ai observ qu'il n'tait point fertile d'examiner de son empire les faits, les tats de choses, les institutions, les objets, mais exclusivement les pentes. Car si tu examines mon empire tu t'en iras voir les forgerons et les trouveras forgeant des clous et se passionnant pour les clous et te chantant les cantiques de la clouterie. Puis tu t'en iras voir les bcherons et tu les trouveras abattant des arbres et se passionnant pour l'abattage d'arbres, et se remplissant d'une intense jubilation l'heure de la fte du bcheron, qui est du premier craquement, lorsque la majest de l'arbre commence de se prosterner. Et si tu vas voir les astronomes, tu les verras se passionnant pour les toiles et n'coutant plus que leur silence. Et en effet chacun s'imagine tre tel. Maintenant si je te demande: Que se passe-t-il dans mon empire, que natra-t-il demain chez moi? tu me diras: On forgera des clous, on abattra des arbres, on observera les toiles et il y aura donc des rserves de clous, des rserves de bois et des observations d'toiles. Car myope et le nez contre, tu n'as point reconnu la construction d'un navire.

Et certes nul d'entre eux n'aurait su te dire: Demain nous serons embarqus sur la mer. Chacun croyait servir son dieu et disposait d'un langage malhabile pour te chanter le dieu des dieux qui est navire. Car la fertilit du navire est qu'il devienne amour des clous pour le cloutier.

Et quant la prvision de l'avenir tu en aurais su bien plus long si tu avais domin cet assemblage disparate et pris conscience de ce dont j'ai augment l'me de mon peuple et qui est pente vers la mer. Alors tu l'eusses vu, ce voilier, assemblage de clous, de planches, de troncs d'arbres et gouvern par les toiles, se ptrir lentement dans le silence et s'assembler la faon du cdre qui draine les sucs et les sels de la rocaille pour les tablir dans la lumire.