Et je me disais: __
Ceux qui, travers les choses, savent toucher le nud divin qui les noue, ne disposent point de ce pouvoir en permanence. L'me est pleine de sommeil. L'me non exerce l'est plus encore. Comment esprer de ceux-ci qu'ils soient frapps par la rvlation comme par la foudre? Car ceux-l seuls rencontrent la foudre qui reoivent en elle leur solution, car ils attendaient ce visage, tout construits qu'ils taient pour en tre embrass. Ainsi de celui-l que j'ai dli pour l'amour en l'exerant la prire. Je l'ai si bien fond qu'il est des sourires qui seront pour lui comme des glaives. Mais les autres ne connatront que le dsir. Si je les ai bercs des lgendes du Nord o passent des cygnes et des vols gris de canards sauvages et des appels qui remplissent l'tendue, car le Nord pris dans le gel se remplit d'un seul cri comme un temple de marbre noir, alors ceux-l sont prts pour les yeux gris et le sourire qui brle en dedans comme la lumire d'une auberge mystrieuse dans la neige. Et je les en verrai frapps au cur. Mais ceux-l qui remontent des dserts brlants ne tressaillent point cette forme de sourire.
Si donc je t'ai construit semblable aux autres dans l'enfance, tu dcouvriras les mmes visages que ceux de ton peuple, tu prouveras les mmes amours et vous saurez communiquer. Car vous communiquez non l'un vers l'autre mais par la voie des nuds divins qui nouent les choses et il importe que pour tous ils soient semblables.
Et quand je dis semblables, je ne dis point qu'il s'agit de crer cet ordre qui n'est qu'absence et mort, comme de pierres alignes ou de soldats marchant du mme pas. Je dis que je vous ai exercs reconnatre les mmes visages, et ainsi prouver les mmes amours.
Car je sais maintenant qu'aimer c'est reconnatre et c'est connatre le visage lu travers les choses. L'amour n'est que connaissance des dieux.
Lorsque le domaine, la sculpture, le pome, l'empire, la femme ou Dieu, travers la piti des hommes, te sont pour un instant donns saisir en leur unit, je dis amour cette fentre qui vient en toi de s'ouvrir. Et je dis mort de ton amour s'il n'est plus pour toi qu'assemblage. Et cependant ce qui t'est remis par la voie des sens n'a point chang.
Et c'est pourquoi je dis aussi qu'ils ne peuvent plus communiquer sinon comme l'animal en vue du seul usuel, ceux qui ont renonc aux dieux: btail rentr.
C'est pourquoi ceux-l qui me viennent, regardant sans voir, il importe de les convertir. Car alors seulement ils s'claireront et se feront vastes. Et alors seulement ils seront nus. Car hors ta recherche des satisfactions de ton ventre, que dsirerais-tu et o irais-tu et d'o natrait le feu de ton plaisir?
Convertir c'est tourner vers les dieux afin qu'ils soient vus.
Mais je n'ai point de passerelle qui me permette de m'expliquer toi. Si tu regardes la campagne et que, de mon bton tendu, je t'y dessine mon domaine, je ne puis pas transporter en toi mon amour par un mouvement aussi quelconque, car il serait par trop ais pour toi de t'mouvoir. Et les jours d'ennui, tu t'en irais sur les montagnes y faire tourner un bton pour t'exalter.
Je ne puis qu'essayer sur toi mon domaine. Et c'est pourquoi je crois aux actes. Car m'ont toujours sembl purils ou aveugles ceux qui distinguent la pense de l'action. S'en distinguent les ides qui sont penses changes en objets de bazar.
Je te confierai donc une charrue et des bufs ou encore un flau pour les graines. Ou la surveillance des puisatiers. Ou la rcolte des olives. Ou la clbration des mariages. Ou l'ensevelissement des morts. Ou quoi que ce soit qui te fasse entrer dans l'invisible construction et te soumette ses lignes de force et ces lignes de force te feront ais tel geste et difficile tel autre.
Tu rencontreras donc des obligations et des dfenses. Car ce champ est impropre au labour, mais non cet autre. Ce puits-l sauvera ce village, et cet autre le rendra malade. Cette fille est marier et son village devient cantique. Mais l'autre village pleure son mort. Et quand tu tires par un bord, tout le dessin te vient. Car le laboureur boit. Et le puisatier marie sa fille. Et la marie mange le pain du premier et boit l'eau du second, et tous clbrent les mmes ftes, prient les mmes dieux, pleurent les mmes deuils. Et tu deviens ce que l'on devient dans ce village. Tu me diras ensuite qui en toi vient de natre. Et si celui-l ne te plat point, alors seulement tu renieras mon village.
Car il n'est point de promeneur oisif auquel il soit donn de voir. L'assemblage n'est rien, lequel seul se montre, et comment saurais-tu d'emble saisir le dieu quand il n'est qu'exercice de ton cur?
Et je dis vrit cela seul qui t'exalte. Car il n'est rien qui se dmontre ni pour ni contre. Mais tu ne doutes point de la beaut si tu retentis tel visage. Tu me diras alors qu'il est vrai qu'il est beau. Du domaine ainsi, ou de l'empire, s'il te fait accepter, une fois dcouvert, de mourir pour lui. Comment, me dirais-tu, sont vraies les pierres et non le temple?
Et si du creux du monastre o je t'embrase du plus grand des visages aprs t'avoir bti pour qu'il se montre toi, comment le refuserais-tu? Comment peux-tu me dire qu'est vraie la beaut dans le visage et non Dieu dans le monde?
Car tu crois que t'est naturelle la beaut des visages? Et moi je dis qu'elle est le fruit de ton seul apprentissage. Car je n'ai point connu d'aveugle-n, une fois guri, qui ft touch d'emble par un sourire. Il lui faut apprendre aussi le sourire. Mais il te vient, depuis l'enfance, qu'un certain sourire prpare tes joies, car il est d'une surprise que l'on te cache encore. Ou qu'un certain sourcil fronc prpare tes peines, ou qu'une certaine lvre qui tremble annonce les larmes, ou qu'un certain clat des yeux annonce le projet qui entrane et qu'une certaine inclinaison annonce la paix et la confiance dans ses bras.
Et de tes cent mille expriences tu construis une image qui est de la patrie parfaite qui te peut tout entier recevoir et combler et vivifier. Et te voil qui la reconnais dans la foule, et, plutt que de la perdre, prfres mourir.
La foudre t'a frapp au cur, mais ton cur tait prt pour la foudre.
Aussi n'est-ce point l'amour dont je te dis qu'il est long natre, car il peut tre rvlation du pain dont je t'ai appris avoir faim. J'ai ainsi prpar en toi les chos qui vont retentir au pome. Et le pome t'illumine qui laisserait un autre bayant. Je t'ai prpar une faim qui s'ignore et un dsir qui n'a point encore pour toi un nom. Il est ensemble de chemins et structure et architecture. Le dieu qui est pour lui le rveillera d'un coup dans son ensemble et toutes ces voies se feront lumire. Et certes tu en ignores tout: car si tu le connaissais et le cherchais c'est qu'il porterait dj un nom. Et c'est que dj tu l'aurais trouv.
CXXI
(Note pour plus tard: A cause d'une fausse algbre ces imbciles ont cru qu'il existait des contraires. Et le contraire de la dmagogie c'est la cruaut. Alors que le rseau de relations dans la vie est tel que, si tu anantis l'un de tes deux contraires, tu meurs.
Car je dis que le contraire de quoi que ce soit, c'est et ce n'est que la mort.
Ainsi celui-l qui pourchasse le contraire de la perfection. Et, de rature en rature, il te brle tout le texte. Car rien n'est parfait. Mais celui qui aime la perfection, il embellit toujours.
Ainsi celui-l qui pourchasse l contraire de la noblesse. Et il te brle tous les hommes car aucun n'est parfait.
Ainsi celui-l qui anantit son ennemi. Et il vivait de lui. Donc il en meurt. Le contraire du navire c'est la mer. Mais elle a dessin et aiguis l'trave et la carne. Et le contraire du feu c'est la cendre mais elle veille sur le feu.
Ainsi celui-l qui lutte contre l'esclavage, faisant appel la haine, au lieu de lutter pour la libert, faisant appel l'amour. Et comme il est partout, dans toute hirarchie, des traces d'esclavage et que tu peux appeler esclavage le rle des fondations du temple sur qui s'appuient les pierres nobles qui seules gravissent le ciel, te voil oblig, de consquence en consquence, d'anantir le temple.