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CXXIII

Je parlerai pour toi qui es seule. Car j'ai le dsir de verser en toi cette lumire.

Ayant dcouvert que dans ton silence et dans ta solitude il tait possible de t'alimenter. Car les dieux se rient des murs et des mers. Et tu es enrichie, toi aussi, de ce qu'il existe quelque part une odeur de cire. Mme si tu n'espres point la goter jamais.

Mais la qualit de la nourriture que je t'apporte, je n'ai d'autre moyen d'en juger que de te juger toi-mme. Que deviens-tu l'ayant reue? Je veux que tu joignes les mains dans le silence, les yeux devenus sombres, comme de l'enfant auquel j'ai remis le trsor qui commence de le dvorer. Car ce n'tait point objet non plus mon cadeau l'enfant. Celui qui sait, de trois cailloux, btir une flotte de guerre et la menacer d'une tempte, si je lui donne le soldat de bois, il en fait arme et capitaines et fidlit l'empire et duret de la discipline et mort par la soif dans le dsert. Car il en est ainsi de l'instrument pour la musique, lequel est bien autre chose qu'instrument mais matire du pige pour tes captures. Lesquelles ne sont jamais de l'essence du pige. Et toi aussi je t'illuminerai afin que ta mansarde soit claire et habite ton cur. Car n'est point la mme la ville endormie que tu regardes de ta fentre si je t'ai parl du feu sous la cendre. Et n'est point le mme le chemin de ronde pour ma sentinelle s'il est promontoire de l'empire.

Quand tu te donnes, tu reois plus que tu ne donnes. Car tu n'tais rien et tu deviens. Et peu m'importe si les mots se tirent la langue.

Je parlerai pour toi qui es seule car j'ai le dsir de t'habiter. Et peut-tre t'est-il difficile cause d'une paule dmise ou d'une infirmit de l'il de recevoir l'poux de chair dans ta maison. Mais il est des prsences plus fortes et j'ai observ que n'tait plus le mme le cancreux sur son grabat un matin de victoire et que, malgr que l'paisseur des murs empche le bruit des clairons, sa chambre tait comme pleine.

Et cependant qu'est-il pass du dehors au-dedans sinon le nud des choses qui est victoire et se rit des murs et des mers? Et pourquoi n'existerait-il point de divinit plus brlante encore? Laquelle te ptrira brlante de cur et fidle et merveilleuse.

Car l'amour vritable ne se dpense point. Plus tu donnes, plus il te reste. Et si tu vas puiser la fontaine vritable, plus tu puises plus elle est gnreuse. Et l'odeur de cire est vraie pour tous. Et si l'autre la gote aussi, elle sera plus riche pour toi-mme.

Mais cet poux de chair de ta maison, il te pillera s'il sourit ailleurs, et te fera lasse d'aimer.

Et c'est pourquoi je te visiterai. Et je n'ai point besoin de me faire connatre de toi. Je suis nud de l'empire et je t'ai invent une prire. Et je suis clef de vote d'un certain got des choses. Et je te noue. Et c'en est fini de ta solitude.

Et comment donc ne me suivrais-tu pas? Je ne suis plus autre chose que toi-mme. Ainsi de la musique qui construit en toi une certaine structure, laquelle te brle. Et la musique n'est ni vraie ni fausse. C'est toi qui viens de devenir.

Je ne veux point de toi que tu sois dserte dans ta perfection. Dserte et amre. Je te rveillerai la ferveur, laquelle donne et ne pille jamais car la ferveur ne revendique ni la proprit ni la prsence.

Mais le pome est beau pour des raisons qui ne sont point de la logique puisque d'un autre tage. Et d'autant plus pathtique qu'il t'tablit mieux dans l'tendue. Car il est un son tirer de toi et que tu peux rendre mais non toujours de la mme qualit. Il est de mauvaise musique qui t'ouvre des chemins mdiocres dans le cur. Et le dieu est faible qui t'apparat.

Mais il est des visites qui te laissent endormie d'avoir tant aim.

Et c'est pourquoi, pour toi qui es seule, j'ai invent cette prire.

CXXIV

Prire de la solitude.

Ayez piti de moi, Seigneur, car me pse ma solitude. Il n'est rien que j'attende. Me voici dans cette chambre o rien ne me parle. Et cependant ce ne sont point des prsences que je sollicite, me dcouvrant plus perdue encore si je m'enfonce dans la foule. Mais telle autre qui me ressemble, seule aussi dans une chambre semblable, voici cependant qu'elle se trouve comble si ceux de sa tendresse vaquent ailleurs dans la maison. Elle ne les entend ni ne les voit. Elle n'en reoit rien dans l'instant. Mais il lui suffit pour tre heureuse de connatre que sa maison est habite.

Seigneur, je ne rclame rien non plus qui soit voir ou entendre. Vos miracles ne sont point pour les sens. Mais il vous suffit pour me gurir de m'clairer l'esprit sur ma demeure.

Le voyageur dans son dsert, s'il est, Seigneur, d'une maison habite, malgr qu'il la sache aux confins du monde, il s'en rjouit. Nulle distance ne l'empche d'en tre nourri, et s'il meurt il meurt dans l'amour Je ne demande donc mme pas, Seigneur, que ma demeure me soit prochaine.

Le promeneur qui dans la foule a t frapp par un visage, le voil qui se transfigure, mme si le visage n'est point pour lui. Ainsi de ce soldat amoureux de la reine. Il devient soldat d'une reine. Je ne demande donc mme pas, Seigneur, que cette demeure me soit promise.

Au large des mers il est des destines brlantes voues une le qui n'existe pas. Ils chantent, ceux du navire, le cantique de l'le et s'en trouvent heureux. Ce n'est point l'le qui les comble mais le cantique. Je ne demande donc mme pas, Seigneur, que cette demeure soit quelque part

La solitude, Seigneur, n'est fruit que de l'esprit s'il est infirme. Il n'habite qu'une patrie, laquelle est sens des choses. Ainsi le temple quand il est sens des pierres. Il n'a d'ailes que pour cet espace. Il ne se rjouit point des objets mais du seul visage qu'on lit au travers et qui les noue. Faites simplement que j'apprenne lire.

Alors, Seigneur, c'en sera fini de ma solitude.

CXXV

Car exactement comme la cathdrale est un certain arrangement de pierres toutes semblables mais distribues selon des lignes de force dont la structure parle l'esprit, exactement de mme qu'il est un crmonial de mes pierres. Et la cathdrale est plus ou moins belle.

Exactement comme la liturgie de mon anne est un certain arrangement de jours d'abord tous semblables mais distribus selon des lignes de force dont la structure parle l'esprit (et maintenant il est des jours o tu dois jener, d'autres o vous tes convis vous rjouir, d'autres o tu ne dois pas travailler, et ce sont mes lignes de force que tu rencontres), exactement de mme qu'il est un crmonial de mes jours. Et l'anne est plus ou moins vivante.

Exactement de mme qu'il est un crmonial des traits du visage. Et le visage est plus ou moins beau. Et un crmonial de mon arme car ce geste-ci t'y est possible mais non cet autre qui te fait rencontrer mes lignes de force. Et tu es soldat d'une arme. Et l'arme est plus ou moins forte.

Et un crmonial de mon village, car voici le jour de fte, ou la cloche des morts, ou l'heure des vendanges, ou le mur btir ensemble, ou la communaut dans la famine et le partage de l'eau dans la scheresse, et cette outre pleine n'est point pour toi seul. Et te voil d'une patrie. Et la patrie est plus ou moins chaude.

Et je ne connais rien au monde qui ne soit d'abord crmonial. Car tu n'as rien attendre d'une cathdrale sans architecture, d'une anne sans ftes, d'un visage sans proportions, d'une arme sans rglements, ni d'une patrie sans coutumes. Tu ne saurais quoi faire de tes matriaux en vrac.

Pourquoi me dirais-tu de ces objets en vrac qu'ils sont ralit, et du crmonial qu'il est illusion? Puisque l'objet lui-mme est crmonial de ses parties. Pourquoi l'arme selon toi serait-elle moins relle qu'une pierre? Mais j'ai dnomm pierre un certain crmonial de la poussire dont elle est compose. Et anne le crmonial des jours. Pourquoi l'anne serait-elle moins vraie que la pierre?