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Elle m'astique le mandrin avec art et délicatesse.

Des larmes perlent à ses cils. De ses lèvres, légèrement entrouvertes, s'exhale un souffle d'amour qui embrase mon visage. Elle serait pas un chouïa jobastre, la dame châtelaine ? Un tantisoit siphonnée du bulbe ? Y aurait pas un peu de fading dans son sensoriel ?

— O ma belle queue, soupire-t-elle. Si tu es revenu nuitamment me voir, c'est bien parce que ton être me désirait ; ton subconscient convoite ce que ta raison feint de repousser. Il est trop tard pour reculer. Ou trop tôt ! Tu vas me prendre, ardent poulet. Me pénétrer jusqu'à la garde somptueuse de ta royale épée. Tu verras comme mon fourreau est contractile. Tu vas connaître une infinie jouissance parce que je te désire au-delà du possible. Laisse-moi dégainer ton magnifique membre. Prends-moi, commissaire ! Et sache que si j'étais coupable, tu aurais toujours la ressource de nier cette étreinte. Mais va, rassure-toi, mon superbe : je n'ai rien à me reprocher. Tu peux m'enfiler la tête haute ! Francine de Saint-Braque possède un blason sans tache.

Elle se tait car, parfaitement éduquée, elle ne saurait parler la bouche pleine. Et me voilà vaincu, dominé, pompé, astiqué, trituré.

Quelle nuit ! Mais quelle nuit !

Un bris de vitre. Puis de vaisselle.

Elle détêtedenœude.

On constate. Quelqu'un a balancé une grosse pierre à travers un carreau de la fenêtre. Le caillou a atterri sur la table, pulvérisant mon assiette. Il est enveloppé d'un papier d'emballage sur lequel on a écrit, en caractères bâton et au fusain : « SALOPE DE TUEUSE ».

Je tends l'étrange message à Francine.

— Plus rapide encore que le chronopost, fais-je. Et dispensé d'affranchissement.

Elle prend connaissance des trois mots et son visage devient lit vide, comme l'écrivait Ponton du Serail.

— Oh ! mon Dieu, quelle horreur ! balbutie-t-elle.

Elle ajoute peu après :

— Des gens sont donc au courant du meurtre ?

— Tous ceux qui habitent le château, réponds-je.

— Ce n'est pas quelqu'un d'ici qui a lancé cette pierre dans la fenêtre !

— Voyons, ma chère, vos pensionnaires ne représentent pas la fine fleur des petits pois. N'oubliez pas que vous les avez recrutés en prison ! Ce style laconique correspond assez à leur culture.

Elle me prend le bras, n'ayant plus le souci de ma bite.

— Commissaire ! Je ne veux pas être accusée de cet épouvantable assassinat. Je n'y suis pour rien. Si des bruits commencent déjà à circuler à mon propos, je vais devenir la proie de la rumeur publique ! Je serai déshonorée, mise à l'index.

— A moins que je n'identifie le coupable.

Elle frénétise, collée à moi, son cher pubis frottant éperdument mes sublimes testicules.

— Démasquez-le, je vous en conjure ! implore-me-t-elle.

— Je ferai mon possible.

— Ce n'est pas assez, commissaire !

— Alors, l'impossible !

— Voilà qui est déjà mieux.

Je vide la boutanche. Ce bourgueil est épatant, fruité, légèrement râpeux : tout ce que j'attends d'un vin rouge !

— Montons nous coucher, tranché-je.

Elle n'était plus dans « le coup », Ninette. Mon zob lui était sorti de la tête, si j'ose m'exprimer ainsi.

— Ensemble ? fait-elle.

Et l'espoir revient, la lubricité également. Je vois se refléter sa chatte dans ses prunelles, comme l'écrivait le duc d'Edimbourg à son cousin Jules, au moment de ses fiançailles avec Elizabeth.

A vrai dire, c'est pas exactement une chambrette destinée aux voluptés. Il s'agit d'une vaste pièce plutôt austère avec son haut plafond, sa grande cheminée Louis XIII, son parquet craquant, son lit à « vilebrequin » (comme dit Béru) et les tableaux croûteux qui sarabandent sur les murs recouverts d'une étoffe noble, passée et neurasthénique.

Francine tire le verrou.

Elle reste triste, un tantinet flasque. Franchement, elle a besoin de vitamine C et d'une grosse bitoune dans le train des équipages. Elle claque des chaules, vu sa vêture légère.

— Tu vas me réchauffer, bel étalon ? me dit-elle avec simplicité.

— D'ici moins de jouge, ton prose va fumer comme une machine à vapeur ancienne dans la cordillère des Andes, ma poule.

— Oh ! merci. Tu es mon salut, chéri.

Elle passe dans la salle de bains pour se préparer très complètement au gala annoncé à l'extérieur. Moi, tu l'auras remarqué, je suis très pudique sous ma gauloiserie. Mes excès de langage masquent une profonde timidité. Ainsi, passé-je sous silence les petits à-côtés tristounets de l'existence, ceux qui dépoétisent les moments les plus rutilants, bien souvent. Pourtant, à cet instant, je dois te révéler un fait menu, sot et vulgaire qui va avoir une énorme répercussion sur l'affaire. Francine fait pipi. Tu vois comme c'est pauvret, un tel détail ? Je t'en demande pardon. J'ai honte, crois-le, et si je le mentionne c'est uniquement parce qu'il m'est impossible de le passer sous silence. Une telle omission t'empêcherait de comprendre ce qui va suivre. Donc, tandis que je commence à me défringuer, Mlle de Saint-Braque soulage sa vessie. Ce qui me désoblige le désir. Moi, une gonzesse qui licebroque avant la baise, j'ai envie de remonter dans mon futal et de m'emporter plus loin. Je sais bien qu'on ne peut pas se cogner des poupées gonflables à longueur de temps, sinon la courbe de la natalité fléchirait davantage encore, toujours est-il que cette manifestation organique me neutralise la chibrance.

La salle de bains étant contiguë et non insonorisée, je prends acte de la chose à mon tympan défendant. Et voilà qu'à travers ce début de consternation physique, quelque chose me fait tiquer. Dans le courant de la nuit, j'ai déjà perçu le bruit d'une femme qui s'essorait le trop-plein : chez la mère Purgon, la pharmagote. Après s'être levée, elle est allée se ravauder dans la salle d'eau et en a profité pour lâcher du lest.

J'écoute cette cataracte qui devrait me paraître un peu bovine mais qui me devient musicale à mesure qu'elle se perpètre. Pour un peu, je complicebroquerais également et dans mes hardes, tellement que ça me commotionne.

« Eurêka ! » comme disait Christophe Colomb en découvrant la verticalité de l'œuf dur. Je frémis d'aise, d'un contentement capiteux. Franchement, des instants aussi forts, ça vaut le coup d'être flic et donc mal aimé de ses concitoyens. Le bicentenaire de la Révolution, ça me laisse froid en comparaison.

Francine a fini son émission. A présent c'est à Jacob-Delafon d'intervenir à grand jet impétueux. Bravo, chers amis ! Quelle œuvre gigantesque est la vôtre ! J'espère qu'on vous a cloqué la Légion d'honneur ? Moi je la veux pas, mais je sais que ça fait plaisir. Je connais des mecs qui préféreraient ça à une douzaine d'huîtres, même à des belons triple zéro. Et les belons triple zéro, tu sais combien ça coûte !

Donc, y a ramonage de saison. Tout bien. La maison frotte-fort et fais-reluire en activité ! Ça la répare de l'outrage du vilain bruit, Francine. La remet à neuf. A disposition ! Opérationnelle, quoi !

Elle réapparaît nue.

Comme je le suis déjà aussi, on fait une paire étourdissante. C'est presque intimidant d'être à ce point disposés pour la bouillave. On ne sait plus très bien par quoi débuter pour que ça soit aussi fort, comme attaque, que la Cinquième.

Bon, faut se rapprocher, d'accord. Mais c'est banal. Un homme inventif, en « relation » avec une diablesse de ce niveau, se doit de créer l'événement. Elle attend un scoop, Miss de Saint-Braque. Du pas encore vu. Faut phosphorer pour l'éblouir. Le coup de reins, ça viendra after, dans la logique des choses.