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Et voici qu'elle a un sursaut éperdu.

Instantanément guérie de son sommeil et de son épuisement, elle saute à genoux sur le lit et arrache le traversin, dévoilant une chose effroyable : un sexe sectionné, tout flasque sur ses burnes crépies de sang séché.

Alors Francine de Saint-Braque se met à hurler.

DE L'OMBRE A LA LUMIÈRE

Lui mets la main en bâillon. Qu'inutile de réveiller toute la gentillommasse : les petites bourgeoises salopiotes et les malfrats de grande banlieue vont radiner aux questions, et ça va chari-varier à tout berzingue. L'émoi, la panique vont grandir. La vie devenir intenable.

La biroute à Riton fait peur à voir. Elle ressemble à un animal hautement dangereux, du genre reptile à venin rapide. Hélas, elle ne le crachera plus ! C'est redoutable comme spectacle. L'homme, il est beau quand il est rassemblé, entier, compact. Si tu le prives d'un de ses attributs, celui-ci prend un aspect répugnant. Il est l'horreur absolue. A la rigueur extrême, tu as le droit de perdre une dent. Mais perdre une oreille ou son paf, alors là tu franchis une limite extrême au-delà de laquelle ton ticket de vivant n'est plus valable.

Francine finit par se calmer un peu, mais des frissons l'agitent et elle continue de geindre, le visage plaqué à ma virile poitrine.

— Mais pourquoi ? hoquette-t-elle. Pourquoi ? Qu'est-ce que cela signifie ? On m'en veut donc à ce point ?

Et là, je suis frappé par cette question, tu vois ? Sыr « qu'on lui en veut » à la petite dame. Et salement ! Impitotayablement. Que dis-je im-pi-to-ya-ble-ment !

Je passe en revue la soirée. Nous deux à l'office. Moi, bouffant ses rillettes tout en m'intéressant à son cul, Francinette. Le caillou-brise-glace avec le message injurieux « Salope de Tueuse ». II signifie qu'on nous observait depuis l'extérieur. Et alors, je vais te dire, celui (ou celle) qui a virgulé le gadin à travers la fenêtre détenait le paf du pauvre Riton et l'a glissé dans le lit de la Saint-Braque. Pourquoi ? Parce que notre attitude abandonnée disait assez qu'on allait pieuter ensemble et qu'il (ou elle) souhaitait que je fusse avec elle lorsqu'elle découvrirait le chibre coupé.

— Vous étiez couchée, Francine, avant mon arrivée tardive ?

— Bien sûr.

— Si ce… cette chose horrible s'était trouvée sous votre traversin, vous l'auriez découverte, n'est-ce pas ?

— Naturellement : je dors depuis l'enfance avec une main engagée dessous.

— Conclusion, quelqu'un l'y a mise alors que nous nous trouvions à la cuisine.

— Je n'oserai jamais plus dormir dans ce lit, balbutie la pauvrette.

— Eh bien, vous en changerez, grondé-je.

Quelqu'un… Qui ? Mystère.

Cette fois, l'affaire me prend en sandwich. Elle devient bicéphale. J'ai les bites de la pharmacie et la bite du château. Faut faire avec. Pas commode.

— Allez me chercher un sac en plastique, enjoins-je.

Fini, le tutoiement. Quand ça cacate trop, je redeviens mondain, professionnel. On n'en est plus à la séance de baise par délire verbal.

Elle sort et je l'escorte dans le couloir. Tout au bout, y a une armure qui ressemble à Chirac. Elle me fait également songer au cousin Gonzague.

— Où se trouve la chambre de M. de Vatefaire ? questionnai-je dans un souffle.

Francine me désigne la dernière porte sur la droite. Je m'y dirige et, parvenu devant l'huis, m'agenouille sur le dallage. Je ramasse une sorte de confetti brun, et c'est une particule de feuille morte. Elle est détrempée.

M'étant légèrement redressé, j'actionne la poignée massive de la serrure. Ça s'ouvre. J'écarte le panneau de trois ou quatre centimètres, pas davantage, n'ensuite de quoi, je m'assieds en tailleur et j'attends.

Tu sais qui ?

Ben oui : le cousin.

Parce que, de mes deux choses l'une, comme dit Béru : ou bien il roupille du sommeil de Just Fontaine, ou bien pas. S'il roupille, il n'a pas pu s'apercevoir que sa lourde est légèrement ouverte, car je n'ai fait aucun bruit, et en ce cas il continuera d'en concasser. Par contre s'il ne dort pas, il est au courant de la chose et, comme rien de plus ne se produit, il voudra en avoir le cœur net et viendra vérifier de quoi il retourne.

Un jour j'écrirai un traité (de con) sur l'attente dans le métier de perdreau. L'attente, cet auxiliaire primordial. L'attente, aussi indispensable au flic qu'au cuisinier. Tu ne peux éluder le temps. Il doit s'exprimer, jouer son rôle. Si tu lui passes outre, il te fait des crocs-enjambe.

En bas, il y a un bruit lointain de portes. Francine qui cherche le sac de plastique dans lequel je placerai les attributs de Riton. M'est avis qu'elle doit s'enfoncer un coup d'alcool pour se redonner des couleurs. La pauvrette : se faire carboniser le sensoriel à l'évocation graveleuse, être rincée complet pour, à l'instant de la défaillance sublime, mettre la main sur un paf tronçonné (qu'elle a dû turluter d'importance quand il était rattaché à son tronc d'origine), voilà qui déstabilise une gonzesse pour toujours. Si ça se trouve, elle refusera de niquer, désormais, Francinounette. Le chibre va lui faire horreur. Je la vois très bien se convertir dans les ordres.

Sœur Francine de la chibrée morte !

Un feutrement. La porte du Gonzague frémit. La voilà qui s'écarte de quelques centimètres supplémentaires et une petite moitié de visage s'inscrit dans l'entrebâillure.

Comme en général l'homme aux aguets regarde à sa hauteur et que je me tiens assis sur le sol, il ne m'avise pas d'emblée.

— Salut, cousin ! lui lancé-je joyeusement. Des insomnies ?

Et poum ! Un rétablissement de gymnaste et je le refoule dans la chambre bleue.

Eberlué, le gonze Gonzague. Effrayé aussi. II s'attendait pas.

Porte une robe de chambre pompeuse, à brandebourgs et gros glands dorés à frange, à chaque extrémité de la ceinture. Dans les bleus king ! Dessous, il est en chemise de jour, pantalon, chaussettes noires.

— Vous ne dormiez pas ? interrogé-je, en fixant ses fringues.

— C'est-à-dire qu'ayant cru entendre crier, je me suis habillé en hâte…

— Vous permettez.

J'entre délibérément et furète un instant jusqu'à ce je trouve ses godasses au pied du lit. Je les ramasse pour examiner leurs semelles.

— Vous étiez dehors il y a très peu de temps, noté-je.

— Pensez-vous, je…

— Vos souliers sont mouillés et il ne pleut que depuis une heure, mon cher Gonzigue de Zague.

— C'est un délit, de sortir ?

— Seulement une indication.

— Quelle indication ?

— Vous permettez ?

Je saisis ses deux mains et les contemple à la lumière du lustre. Sur le côté de son index droit et sur la face interne de son pouce, j'aperçois d'imperceptibles traînées noires.

— Qui a-t-il ? s'impatiente le cousin en reprenant vivement ses pattoches.

— Dans ma jeunesse, j'ai lu beaucoup de romans policiers du « Masque », lui dis-je. En ce temps-là, les histoires étaient toujours basées sur la recherche du criminel, alors il était beaucoup question des traces, des indices, de ces bricoles qu'on n'utilise plus guère de nos jours où l'on fait dans la violence.

Je me rends aux gogues contigus et prends une feuille de faf à train ouatiné double face.

— Votre main droite, s'il vous plaît !

— Ah ! monsieur, vos brimades injustifiées m'importunent, à la fin !

— Ce sera la dernière, promets-je, et elle n'est pas très violente.

D'autor, je rempare sa pogne et frotte avec mon papelard moelleux ses deux doigts maculés.

— On analysera, dis-je, mais je sais déjà que c'est du fusain.