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— C’est vrai mais nous n’avons pas le choix. Ou c’est le G.M. qui saute ou c’est nous qui serons liquidés. Et ni vous ni moi ne nous laisserons faire sans livrer bataille.

Les autres acquiescèrent, la plupart à contrecœur et la mine lugubre. Mais personne n’exprima un avis contraire.

— Bien. L’opération Substitut est en attente dans les archives de données depuis des années. Il est temps de la déclencher, de faire passer Île Un à l’action et de préparer une offensive planétaire coordonnée de nos bravaches révolutionnaires.

— Une guerre civile globale, murmura Morgenstern, encore plus pâle qu’à l’ordinaire.

— À propos d’Île Un…, intervint St. George, je ne crois pas que l’ami Cobb approuvera nos projets.

— Il fera ce qu’on lui dira de faire, répliqua Garrison. Il n’a pas le choix, en l’occurrence.

— C’est un homme d’esprit très indépendant. Êtes-vous certain qu’on puisse se fier à lui ? demanda Tanaka.

— Je ne me fie à personne. Je le contrôle.

— J’ai une espionne sur Île Un, vous savez, fit l’Australien. Elle ne sait naturellement pas qu’elle en est une. Elle croit qu’elle va révéler un scandale pour le compte d’International News.

Garrison s’esclaffa.

— Cobb lui dira de prendre ses cliques et ses claques avant un mois.

— On verra bien, rétorqua St. George sur un ton guindé.

— En attendant, que chacun d’entre vous contacte les groupes du F.R.P. dans sa zone d’influence. Mon organisation a déjà infiltré deux agents aux États-Unis. Je sais que l’un d’eux est à New York. Il va falloir les activer. C’est le moment de combattre le feu par le feu.

Le complexe sportif d’Île Un était exclusivement réservé aux amateurs. Le Dr. Cobb avait interdit l’accès de la colonie aux athlètes professionnels bien que les colons fussent libres de suivre à la télévision les rencontres pro qui se déroulaient sur la Terre.

— Ici, pas de violence par procuration, disait-il à tous les nouveaux. Pas d’équipes organisées, pas de compétitions organisées et pas de paris organisés. Je n’en veux pas.

Cela n’empêchait pas qu’il y eût des compétitions et des paris, ce qu’il avait d’ailleurs prévu, mais cela se passait entre amateurs et il ne s’agissait que de matches amicaux.

Les gymnases, les piscines et toutes les autres installations étaient rassemblés à l’extrémité du cylindre principal, à l’opposé des quais où s’amarraient les astronefs, pas loin de la maison de David. Le complexe sportif était construit sur les pentes des collines de façon que les athlètes puissent s’entraîner sous la gravité de leur choix qui variait de la normale au pied des hauteurs à zéro au centre axial du cylindre.

Sous 0 G, le sport était à trois dimensions. Quand les notions de « haut » et de « bas » cessent d’avoir une signification physique, les planchers, les murs et les plafonds ne sont plus que des surfaces de rebond. La pelote devenait un jeu particulièrement délicat et avant que Cobb eût fait agrandir les terrains sans souci de la réglementation en vigueur sur la Terre, les colons étaient plus souvent hospitalisés à la suite de blessures dues à ce sport que pour les accidents du travail. Cobb, quant à lui, était un fanatique du jeu sous gravité nulle.

— Comme ça, un vieux cruchon comme moi a sa chance contre ces jeunes pleins de muscles, disait-il.

Et le vieux cruchon étrillait les jeunes gens trop ardents, après quoi, ruisselant de sueur, il les consolait d’un « Ne vous laissez pas abattre, je ne le dirai à personne », accompagné d’un sourire torve.

David connaissait toutes ses attaques et la plupart de ses coups fourrés. Il jouait avec lui sous 0 G depuis son enfance et il y avait belle lurette qu’il avait compris que s’il gardait son sang-froid et se concentrait sur la balle, ses réflexes de vingt ans et son endurance supérieure lui permettaient de battre le vieil homme. En général.

Mais, aujourd’hui, il ne pensait qu’à Evelyn et au silence de l’ordinateur concernant le cylindre B. La balle de caoutchouc durci passa en sifflant au ras de son oreille gauche avant même qu’il se fût rendu compte que Cobb la lui avait renvoyée. Il pivota en décollant du sol juste à temps pour la voir caramboler en frappant l’angle du plafond et filer à tire-d’aile. Moulinant des bras comme un nageur qui barbote, il réussit tout juste à la récupérer et à la relancer en direction du mur le plus éloigné.

Il vit du coin de l’œil Cobb se balancer la tête en bas un peu plus loin. Le vieil homme adorait déconcerter ses adversaires avec des manœuvres insensées. Maigre et long comme un jour sans pain, on disait souvent qu’il avait le physique même du Yankee de la Nouvelle-Angleterre, sec comme un coup de fouet et noueux comme une trique. Pour David, il évoquait l’Oncle Sam des livres d’école — moins la barbiche et les longs cheveux blancs. Les cheveux de Cobb étaient blancs, certes, mais coupés si ras qu’il avait l’air chauve.

Son visage grave était un fouillis de sillons racornis tandis qu’il suivait des yeux la trajectoire de la balle. Quand il l’étudiait, ce visage puissant, inflexible, rugueux, faisait souvent penser à David au granit de la Nouvelle-Angleterre.

D’une détente des jambes, Cobb intercepta la balle. Sa main fulgura et ce fut au tour de David de la rattraper et de la renvoyer. Mais il rata son coup, s’envola et son épaule heurta l’épais rembourrage de protection qui recouvrait le mur.

— À moi le point ! s’écria triomphalement le Dr Cobb. (Il se propulsa vers le jeune homme et lui demanda de sa voix bourrue :) Tu t’es fait mal ?

— Non, répondit David en se massant l’épaule. Rien de grave.

La balle continuait de rebondir de mur en mur, perdant un peu de son élan et de sa vitesse à chaque impact.

— Cela fait des mois que tu n’as pas joué aussi mal, reprit Cobb. Qu’est-ce qui te tracasse ?

Il y avait longtemps que David avait appris qu’il ne pouvait pas garder beaucoup de secrets devant Cobb.

— Pourquoi n’a-t-on pas le droit d’entrer dans le cylindre B ?

— Ah ! C’est donc ça ! (Cobb exhala un soupir las.) Elle essaie de te tirer les vers du nez, n’est-ce pas ?

Ce n’était pas une question mais une constatation.

— Qui, elle ?

— Evelyn Hall, la petite journaliste d’International News. Elle s’est introduite en douce dans le B, hier. Je suppose qu’elle se prend pour un maître espion.

— Vous êtes au courant ?

— Je l’ai observée. Rien de ce qui se passe dans la colonie ne m’échappe, tu devrais le savoir.

— Alors, elle et moi… vous êtes également au courant ?

David se sentait brusquement tout penaud. Cobb lui ébouriffa les cheveux.

— Je ne m’occupe pas de la vie privée des gens. Je me contente d’avoir l’œil aux affaires publiques — sur les petits curieux qui déclenchent les signaux d’alarme quand ils pénètrent par effraction dans les endroits interdits, par exemple.

— Pourquoi m’avez-vous désigné pour être son guide quand elle est arrivée ?

Cobb haussa les épaules. La transpiration marquait son survêtement de taches sombres.

— J’ai pensé qu’il serait bon que tu fasses maintenant connaissance avec des gens étrangers à la colonie pour que tu apprennes comment te comporter avec eux.

— Mais elle était venue pour se renseigner sur moi.

— Je m’en doutais. J’ai voulu lui épargner la peine de te chercher et te donner l’occasion d’une confrontation avec quelqu’un qui avait l’intention de te manipuler. J’étais sûr que tu verrais clair dans son jeu.

— Eh bien, ça n’a pas été le cas.