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Maintenant, les arbres étaient davantage espacés. C’étaient surtout des pins avec, ici et là, quelques bouleaux au tronc argenté. Un parfum de résine imprégnait l’air. De temps en temps, des rochers gris et grêlés affleuraient à travers l’herbe épaisse. Quelques-uns arrivaient presque à hauteur d’épaule bien que la plupart fussent de dimension beaucoup plus modeste.

— Ils ont un drôle d’air, ces rochers.

— Comment ? fit David, brusquement interrompu dans ses réflexions.

— Les rochers… ils sont bizarres.

— Ils viennent de la Lune.

— Mais toute la colonie est faite de matériaux lunaires, n’est-ce pas ?

— En effet, jusqu’au moindre gramme. Depuis la coque extérieure jusqu’à l’air que nous respirons, tout provient de la surface de la Lune. Le minerai que nous en ramenons est raffiné dans nos fonderies. Mais ces rochers n’ont subi aucun traitement. Les paysagistes ont pensé que cela donnerait un intérêt supplémentaire au paysage.

— C’étaient sûrement des Japonais.

— Comment le savez-vous ?

Evelyn se mit à rire et secoua la tête. Quinze pour moi !

— Eh bien, nous sommes arrivés, annonça David quelques instants plus tard.

— Où ça ?

— Chez moi. (Il écarta les bras et pivota sur lui-même.) C’est ici que j’habite.

— Vous vivez en plein air ?

Ils étaient devant une large mare où le ruisseau qu’ils avaient suivi se déversait avant de reprendre sa course et de dévaler dans la forêt. Les pins et les bouleaux s’arrêtaient un peu plus loin. Le sol était tapissé d’herbes et de fougères et, ici et là, on voyait se hérisser les mêmes roches grises. L’une d’elles, énorme, beaucoup plus haute que lui, se dressait à droite de David. Il tendit la main vers elle.

— Voici ma maison. Elle est en plastique et conçue pour avoir l’air d’un rocher. Ce n’est pas très grand à l’intérieur mais je n’ai pas besoin de beaucoup de place.

Le salaud ! Il m’a conduite chez lui !

Se méprenant sur l’expression d’Evelyn, David poursuivit :

— Évidemment, je passe beaucoup de temps dehors. Pourquoi pas ? Quand il pleut, on est prévenu deux jours à l’avance. La température ne descend jamais au-dessous de quinze degrés centigrades… presque soixante degrés Fahrenheit.

— Nous utilisons l’échelle Celsius, répliqua Evelyn sur un ton acariâtre. Vous dormez à la belle étoile ? demanda-t-elle, sceptique.

— Cela m’arrive, mais rarement. Nous ne sommes pas des Néandertals.

Oui ! Et je parie que ton lit est assez large pour deux, pas vrai ?

— Un bon bain pour vous détendre, ça ne vous tenterait pas ? Je vais mettre vos vêtements dans le nettoyeur et vous préparer un verre.

Evelyn évalua rapidement les probabilités. Se prélasser dans un bon bain chaud… c’était une occasion à ne pas manquer. Jamais ses pieds à vif ne lui pardonneraient de la laisser passer.

— Un bain, oui, ça me paraît être une riche idée.

Après, quand j’aurai récupéré mes vêtements, on pourra toujours voir pour le verre. Une soudaine crampe d’estomac vint à point pour lui rappeler que son dernier repas se perdait dans la nuit des temps.

David lui fit faire le tour du rocher factice. La porte en plastique était si bien camouflée qu’il fallait beaucoup d’attention pour distinguer le rectangle mince comme un cheveu qui la délimitait.

C’était une garçonnière de célibataire. D’épais tapis d’un rouge ardent. Les murs incurvés étaient couleur crème. Pas de fenêtres mais deux écrans pour le moment opaques au-dessus du bureau installé à côté de la porte. Le centre de la pièce était occupé par une cheminée ouverte surmontée d’une hotte. Rouge à l’extérieur, elle était couverte de suie à l’intérieur. Un peu plus loin, un lit bas grand format.

Ah, ah ! se dit Evelyn. À suspension hydraulique, en plus !

Un coin cuisine strictement utilitaire, une petite table ronde flanquée de deux chaises et quelques poufs orientaux éparpillés un peu partout. Pas d’autre meuble. C’était net et propre mais austère. Tout était parfaitement rangé. Comme ses dents, l’animal ! Pas un seul livre, pas le moindre papier qui traînait.

David s’approcha du lit et posa sa main sur le mur. Une porte s’ouvrit, révélant un placard. Il en sortit un ample peignoir gris et le lança à Evelyn qui le rattrapa avec adresse.

— La salle d’eau est par là, dit-il en désignant une autre porte quasiment invisible. Balancez-y vos vêtements. Je les mettrai dans le nettoyeur.

Evelyn opina et entra dans la salle d’eau. David se dirigea vers le coin cuisine. Pourquoi est-elle aussi nerveuse ? se demanda-t-il en ouvrant le meuble de rangement encastré au-dessus de l’évier.

La porte se rouvrit, Evelyn surgit, l’air furibond.

— Il n’y a pas de baignoire ! Il n’y a pas de douche ! Rien !

David la regarda fixement.

— Vous n’allez pas vous baigner dans les toilettes ! Il y a la mare pour cela.

— Quoi ?

— Pour se récurer, on se sert du vibrateur, lui expliqua-t-il avec agacement. Ce truc en métal avec un flexible accroché au mur. La crasse est extirpée et aspirée par infrasons. On emploie le même système pour nettoyer les vêtements. (Il tapota le nettoyeur installé sous l’évier.) L’eau est trop précieuse pour être gaspillée.

— Il y avait des baignoires et des douches dans mon pavillon.

— C’était le pavillon de quarantaine. Ce matin, on vous a attribué un logement permanent et, là, il n’y a ni baignoire ni douche, vous verrez.

— Mais vous avez parlé d’un bain…, protesta Evelyn.

— Oui, dans la mare. Une fois que vous serez propre.

— Je n’ai pas de maillot.

— Moi non plus. Personne ne sera là pour nous épier. Mon voisin le plus proche demeure à cinq kilomètres.

L’expression d’Evelyn se durcit.

— Et vous ?

— J’ai déjà vu des femmes nues. Et vous avez sans doute déjà vu des hommes nus, vous aussi.

— Moi, vous ne m’avez jamais vue toute nue ! Et je me moque des coutumes tribales en honneur dans votre Éden. Et je n’ai pas de goût pour l’exhibitionnisme !

Une Anglaise bégueule ! C’est bien ma veine !

— Bon, bon, fit à haute voix David sur un ton conciliant. Voilà comment nous allons procéder. Vous allez me passer vos vêtements par l’entrebâillement de la porte de la salle d’eau…

Elle avait l’air aussi méfiant que le Dr Coob quand une délégation terrienne se présentait dans l’intention d’« inspecter » la colonie…

— …Et je les mettrai dans le nettoyeur. Après, je sortirai et je plongerai dans la mare.

— Tout nu ?

— Si ça peut vous faire plaisir, je garderai mon short. Mais vous me permettrez quand même d’enlever mes bottes, j’espère ? Les types de la protection de l’environnement font une vraie maladie quand on se baigne avec des chaussures pleines de boue.

— D’accord, fit la jeune fille toujours réticente.

— Je me passerai au vibrateur dehors et je piquerai une tête. Quand vous serez prête, vous n’aurez qu’à crier. Je tournerai la tête, je fermerai les yeux, je me boucherai les oreilles et je disparaîtrai sous l’eau. Ça vous va ? Et ensuite, quand vous serez entrée à votre tour dans l’eau et si je ne me suis pas noyé, nous nous octroierons une agréable et réconfortante baignade. L’eau est toujours chaude, vous savez. Et je ne m’approcherai pas à moins de deux cents mètres. Cela vous convient-il ?