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J’ai téléphoné à papa et maman pour leur dire que j’étais bien arrivé. Ils quittent la ferme la semaine prochaine pour s’installer dans le village de retraite.

Il paraît qu’ici les cours sont drôlement durs mais les professeurs sont bons. C’est fou ce qu’il y a de choses que j’ignore. Dans beaucoup de domaines, je suis ignare. Mais, maintenant, je vais mettre les bouchées doubles.

Mes camarades de classe sont tous formidables. Le premier jour a été consacré aux tests psychologiques. Pour déterminer notre compatibilité et tout ça. Il y a une fille, Ruth Oppeiheimer, qui est un vrai crack. Quelqu’un pas du tout comme les autres. Elle arrive de Californie. Je crois qu’elle est juive…

Journal intime de William Palmquist.

Assis sur la chaise bancale dans la réserve du magasin d’électronique, David contemplait le module de fret béant.

On dirait un cercueil, songea-t-il.

Il y avait disposé le scaphandre spatial pour voir la place qu’occuperait son corps. La combinaison était prise en sandwich entre deux bouteilles d’oxygène et la seule cellule calorique qu’il avait conservée était logée sous les pieds. Il avait rajouté de la mousse isolante.

D’après les chiffres qu’affichait le terminal posé à côté de lui sur un rayon, il aurait tout juste assez d’oxygène et de chaleur pour tenir deux jours — la durée du voyage — s’il demeurait en état de transe MT artificielle.

— Dormir, murmura-t-il. Rêver, peut-être.

Il avait déjà étiqueté le module au pochoir pour identifier son contenu supposé : PIÈCES DÉTACHÉES ÉLECTRONIQUES DIVERSES. Les numéros de code requis étaient peints en orange. Il ne lui restait plus qu’à enfiler le scaphandre, à s’allonger à l’intérieur du module et à mettre en route le programme MT en déclenchant son communicateur buccal. Il l’avait modifié en le réglant sur quarante-huit heures au lieu de six.

Il avait vérifié les calculs. Tout était prêt. Pourtant, il s’éternisait sur sa chaise sans bouger.

Il voyait par les yeux de l’imagination le module fixé au disgracieux transbordeur lunaire, grappe d’étuis métalliques trapus accrochés à des entretoises hérissées d’angles agressifs. Il voyait le transbordeur s’arracher à son quai d’amarrage et s’enfoncer en silence dans le froid meurtrier du vide de l’espace. Et il se voyait lui-même à l’intérieur du module, les yeux fermés, plongé dans sa transe. L’oxygène cessait d’arriver. La cellule thermique cessait de fonctionner. Il se congelait, il n’était plus qu’une statue de glace, de délicats cristaux blancs enrobaient ses cils, les poils de ses narines. Sa peau était d’un bleu laiteux. Il était mort, il était seul, il voguait dans le vide glacé et infini. À jamais.

Il secoua la tête et se morigéna : Assez d’atermoiements !

Il revêtit lentement la combinaison pressurisée en se disant qu’il pourrait toujours tout annuler au dernier moment. Se mettant à genoux, maladroit dans l’encombrant scaphandre, il connecta les flexibles d’alimentation aux réservoirs d’oxygène. Mais il n’avait pas refermé son masque et continuait de respirer l’air ambiant. Il sera temps de passer sur la respiration en bouteille plus tard.

Méthodiquement, geste après geste, il accomplit les différentes phases de l’opération conformément au plan qu’il avait préparé. Quand ce fut terminé, quand il fut allongé dans le module, il rabattit le couvercle et le scella. L’obscurité était totale. Il enclencha son communicateur et ordonna qu’un camion vienne chercher un colis le lendemain à la première heure.

Cela fait, il s’efforça de se décontracter et de s’endormir naturellement. S’il s’endormit, il ne s’en rendit pas compte. Et s’il rêva, sa conscience n’en garda aucun souvenir.

Soudain, des voix étouffées lui parvinrent. Puis il entendit bourdonner un moteur électrique quand le module fut hissé à bord d’un véhicule. La secousse fut brutale lorsque la grue le lâcha et qu’il retomba sur la plate-forme du camion.

Il avait l’impression d’être complètement aveugle et presque entièrement sourd. Les seules informations qu’il recevait lui parvenaient par son sens du toucher. Le camion démarra en ferraillant en direction des quais d’embarquement. À nouveau, un treuil, des oscillations, des coups sourds. Des voix qui s’interpellaient. Des halètements de moteurs. Le vrombissement de la clé à chocs fixant le module à la coque du transbordeur.

Et puis, plus rien. Le silence. Pendant des heures. Le silence et le froid.

David savait que le module était maintenant boulonné au transbordeur et que celui-ci était à son poste d’amarrage à la pointe extrême du cylindre principal. Les gros miroirs solaires maintenaient la température du quai un peu au-dessus de zéro — mais guère plus. Il avait froid.

Ce sera autre chose quand on décrochera.

Il s’assura par le truchement de son communicateur que l’heure du décollage était toujours maintenue. Elle l’était. Dans moins d’une heure, le départ.

Le temps s’écoulait avec une lenteur exaspérante.

David, maintenant, luttait pour ne pas céder au sommeil : son organisme contrariant voulait dormir. Non, il ne faut pas ! Tu dois absolument rester éveillé pour te mettre en état de transe MT dès que le transbordeur quittera le quai. Sinon, tu mourras frigorifié dans ton sommeil !

En outre, il avait faim et il prit conscience qu’il y avait près de vingt-quatre heures qu’il n’avait rien mangé. Il était trop surexcité. Il y avait un tuyau à eau à côté de son casque et un tube spécial évacuerait l’urine. Il n’y aurait rien d’autre à faire qu’à dormir et à attendre.

Il sentit plus qu’il n’entendit le navire s’éveiller à la vie. Des trépidations. Le claquement des écoutilles. Puis une secousse. Légère mais qui, néanmoins, le surprit. C’était parti.

Et le froid s’intensifia. Claquant des dents, David mit en service le programme inducteur de transe.

Et si cela ne marchait pas maintenant que je l’ai modifié ? Je n’ai pas eu le temps de faire l’essai sur quarante-huit heures.

Ce fut sa dernière pensée consciente.

— David Adams ?

David émergea du sommeil et son regard trouble se posa sur l’homme penché au-dessus de lui. L’image se stabilisa.

— Hein ? Quoi ?

Il prit soudain conscience qu’il n’était plus dans le module. Il se trouvait dans une pièce bizarre : petite et basse avec des poutrelles de métal nu.

— Vous êtes bien David Adams ?

— Euh… qu’est-ce que vous dites ?

L’homme portait la blouse vert pastel du personnel médical.

— Bienvenue sur la Lune, M. Adams. Mais je dois reconnaître que vous n’avez pas pris le chemin le plus facile !

David leva la tête. Il était couché sur une table d’examen.

— La Lune ? Alors, j’ai réussi ?

Le médecin hocha le menton en souriant. Il avait le teint blafard et portait une moustache blond filasse à la gauloise.

— Vous avez réussi. Comment vous sentez-vous ?

— Un peu ankylosé. Et je crève de faim, répondit David en s’asseyant avec précaution.

— Le contraire m’eût étonné. (Le toubib l’aida à descendre de la table et le guida jusqu’à une chaise.) Faites attention. Ici, la gravité est six fois plus faible que celle à laquelle vous êtes habitué.

— J’ai vécu dans des environnements G faible.