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Leurs vêtements se volatilisèrent comme par magie. Et David reçut le cadeau du corps nu de Bahjat, svelte et souple, de la soyeuse douceur de sa peau brune et dorée, douce et élastique. Il la pénétra sans effort. Luisants l’un et l’autre de sueur, leurs cœurs battant à l’unisson, leurs bras et leurs jambes s’enchevêtraient dans une mêlée passionnée. Soudain, il explosa en elle tandis que les reins de Bahjat s’arquaient… extase… fulgurant brasier… torture exquise…

Ils étaient maintenant étendus côte à côte, silencieux et immobiles. Soudain, Bahjat pouffa.

— Qu’est-ce qui te fait rire ?

— Je me demandais si tu voulais toujours que je t’enferme dans ta chambre.

David s’esclaffa et se tourna vers elle.

— Ne t’ai-je pas dit que forcer une porte est pour moi un jeu d’enfant ?

— Deux fois, tu pourrais ?

— Essayons toujours.

Cette fois, ils s’aimèrent avec moins de hâte et plus de douceur mais avec autant d’ardeur et encore davantage de passion. Les mains de Bahjat exploraient le corps de son partenaire et ses ongles y traçaient d’immatérielles arabesques qui lui arrachaient des frissons. Quand David lui suçota la pointe des seins, il sentit les mamelons se raidir comme il se raidissait lui-même.

— Pas encore, murmura Bahjat dans un souffle. Attends… jusqu’à ce que… attends…

— Pas trop longtemps, chuchota-t-il en dessinant à son tour les linéaments d’une impalpable dentelle sur le ventre, entre les cuisses de son amante. Pas trop longtemps.

Elle exhala un soupir sifflant, le saisit, par les hanches et l’attira à elle. Elle frémit, son visage se convulsa et elle ferma les yeux tandis que des étoiles fusaient de partout.

Ils s’endormirent. Lorsque David se réveilla, il faisait nuit noire. Il se leva sans bruit et faillit se prendre les pieds dans ses vêtements abandonnés par terre. Il alla jusqu’à la fenêtre. La ville était un cimetière obscur et silencieux. Pas un lampadaire ne trouait les ténèbres mais, au loin, on distinguait une lueur incertaine.

Tout est fermé à cette heure. La nuit, les rues sont vides. Désertes.

Il retourna vers le lit. Je partirai à l’aube.

— Mon sultan est revenu ? chuchota Bahjat d’une voix rêveuse.

— Je ne t’ai pas quittée.

— Mais tu me quitteras bientôt ?

— Oui.

— Eh bien, profitons des quelques heures qui nous restent.

La lueur morne et diffuse de la lune qui se levait lentement inondait la vieille chambre à l’odeur de moisi. Pour une fois, Bahjat parlait. D’elle, de son enfance, de sa mère morte, de l’amour sévère que lui portait son père.

— Il était comme un faucon, comme un aigle, disait-elle, pelotonnée contre David. Fier et farouche, prêt à réduire en pièces quiconque aurait voulu me faire du mal.

— Et il t’a gardée prisonnière dans un nid d’aigle.

— Jusqu’au jour où il a décidé de m’envoyer en Europe. Il pensait que je ne risquerais rien avec quelqu’un pour me chaperonner et ses sbires aux aguets. Mais je me suis jouée d’eux… et je suis devenue Shéhérazade.

— Il ne l’a jamais su ?

— Il a toujours fait comme s’il l’ignorait. Mais il le sait, maintenant.

— Et Hamoud, ce fameux Tigre avec qui tu es en contact… C’est en Europe que tu l’as connu ?

— Il n’avait jamais mis les pieds hors de Bagdad quand j’ai fait sa connaissance, répondit-elle avec un petit rire. Il se figure qu’il est un grand et vaillant chef mais le cerveau qui le guidait, c’était moi.

— Mais comment es-tu passée à la révolution ? Comment cela a-t-il commencé ?

David devina que Bahjat se nouait imperceptiblement.

— C’était un jeu. Un jeu excitant. J’ai rencontré des gens passionnants en Europe. À Paris, à Florence, à Milan. Et puis, je suis allée à Rome et je suis tombée amoureuse d’un bel Italien. Un révolutionnaire très sage et plein de fougue, plus âgé que moi. Il devait avoir trente ans, au moins. Son père avait été un révolutionnaire, lui aussi, et son grand-père était un communiste qui s’était battu contre les fascistes.

— Et c’est comme ça que tu es devenue une révolutionnaire à ton tour ?

— Pas parce qu’il l’était. Je ne fais pas de suivisme sous prétexte que les autres sont des hommes et que je ne suis qu’une femme. Mon père aurait bien aimé que je me comporte de cette manière mais je n’ai pas une vocation de potiche.

— Bien sûr.

— Giovanni m’a ouvert les yeux. Il m’a fait comprendre que j’étais une enfant gâtée, il m’a fait voir dans quel état de misère vivaient les pauvres.

— Et tu l’as rejoint dans son combat ?

— Oui. Mais je considérais toujours cela comme un jeu, un jeu glorieux. J’étais Shéhérazade. Je crois que je voulais que mon père le sache.

— Mais, maintenant, ce n’est plus un jeu.

— Non, ce n’est plus un jeu.

Et Bahjat lui parla de Denny, elle lui expliqua comment l’architecte avait été assassiné sur l’ordre d’al-Hachémi… à cause d’elle.

— C’est pourquoi, conclut-elle sur un ton qui avait la dureté et le froid de l’acier, c’est pourquoi je ferai l’impossible pour détruire tout ce à quoi il tient.

— Toi y compris ?

— C’est sans importance. Je m’en moque.

— Moi pas. (Il eut une brusque illumination.) La nuit dernière… à La Nouvelle-Orléans… c’était à ton architecte que tu pensais, n’est-ce pas ?

— Oui.

La voix de Bahjat était presque inaudible.

— Tu l’aimes toujours ?

— Oui.

— Mais il est mort. Tu ne peux pas passer le reste de ta vie avec les morts. Tu appartiens au monde des vivants. Tu es trop merveilleuse pour faire une croix sur ton avenir.

Elle se tourna vers David et lui caressa la joue.

— Tu es un amour, David. Ta place n’est pas ici, dans cet univers sanglant et sordide. Tu devrais retourner sur Île Un.

— Pas sans toi.

Elle resta un long moment silencieuse.

— Viens avec moi, dit David d’une voix pressante.

— Tu ne comprends pas.

— Quoi ? Tu aimes Hamoud ?

— Le ciel m’en préserve !

— Crois-tu que tu pourrais m’aimer ?

Les mots étaient sortis tout seuls et David avait soudain la gorge sèche.

— Je…

Elle hésita et laissa le reste de sa phrase en suspens.

— Je t’aime, Bahjat. Je t’aime de toute mon âme.

Comme elle demeurait muette, il se demanda s’il n’avait pas eu tort de lui faire cet aveu.

Je l’aime, s’émerveillait-il. Comment ne m’en suis-je pas aperçu plus tôt ? Quel imbécile je suis !

Ce fut alors qu’il prit conscience que Bahjat sanglotait sans bruit dans l’obscurité.

— Je suis désolé. Je ne voulais pas…

— Non, l’interrompit-elle. Je ne sais pas pourquoi je pleure. Je suis ridicule.

Elle le prit par le cou et se serra de toutes ses forces contre lui. Ils firent à nouveau l’amour et s’endormirent dans les bras l’un de l’autre. Dehors, le ciel s’argentait. Ce fut l’aube, puis il fit grand jour. Le soleil montait à l’assaut du zénith. Bahjat et David continuaient de dormir paisiblement.

Des coups de feu les réveillèrent.

29

MÉMORANDUM

Exp. : R. Pascual, branche locale de Philadelphie.

Dest. : J. Collins, directeur des opérations.