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Arlène opina.

— Et c’est ce que vous êtes en train de faire ?

— Le Gouvernement mondial prétend contrôler les marchés, les prix, les barèmes d’impôt. Ces bureaucrates de mes deux veulent encadrer tout et partout. Soi-disant pour aider les pays pauvres et nourrir les masses affamées. Or, plus on les nourrit, plus elles se multiplient et moins elles sont capables de se nourrir toutes seules. C’est pour ça que le Gouvernement mondial devra passer la main.

— Et puis, c’est mauvais pour les profits, ajouta Arlène en souriant.

— Il y a aussi de ça, convint Garrison en lui rendant son sourire.

Elle tendit le doigt vers l’écran. Des tanks peints en vert olive avançaient lentement sur le pont George-Washington. Il n’y avait pas un guérilléro en vue.

— Mais comment la guérilla urbaine pourra-t-elle faire tomber le G.M. ?

— N’importe comment, ça devait arriver. Tôt ou tard, les villes auraient explosé. C’est miracle que ça n’ait pas encore eu lieu. Nous les avons simplement aidés à lâcher la vapeur accumulée depuis des années.

— Et le Gouvernement mondial…

— Est mal parti, quel que soit le dénouement. S’il était intervenu sur-le-champ et avait envoyé des troupes pour soutenir l’armée U.S., le peuple américain n’aurait pas digéré de voir des soldats étrangers camper chez lui. La plupart des effectifs de l’armée mondiale sont aussi noirs ou aussi bistres que les guérilleros du F.R.P. Plus, même. Les Africains sont encore plus foncés que les nègres américains. Ils n’auraient peut-être pas été très chauds pour tirer sur leurs cousins de couleur. Et même s’ils s’y étaient résolus, il y aurait eu pas mal de pillage et de viols. Comme chaque fois qu’on fait venir des soldats étrangers.

— Ce qui aurait dressé le peuple américain contre le Gouvernement mondial ?

— Et comment ! Surtout avec nos hommes dans les médias pour jeter de l’huile sur le feu.

— Mais le Gouvernement mondial n’est pas intervenu. Il n’a pas bougé.

— Ça vaut encore mieux. Comme ça, on peut l’accuser d’être resté à se tourner les pouces pendant que les villes américaines partaient en fumée.

— Mais la mort de De Paolo ?

— Elle est arrivé trente ans trop tard, gronda Garrison. Tout le monde doit mourir. Sauf moi. Moi, je vivrai éternellement, ne l’oublie jamais.

Elle le scruta.

— Vous le croyez vraiment ?

Garrison éclata de rire.

— Pourquoi penses-tu que nous sommes venus sur Île Un qui grouille de laboratoires de biologie ? S’ils ont pu fabriquer un gosse physiquement parfait en manipulant les gènes, ils pourront rendre sa jeunesse à un vieil homme.

— Vous croyez ?

— Tu peux être tranquille.

Il n’y avait plus trace de gaieté dans le ton de Garrison.

33

Le Dr Cobb a tenu à nous accueillir lui-même sur Île Un et il s’est entretenu personnellement avec chacun de nous. Évidemment, Ruth et moi constituions un cas particulier et il nous a parlé ensemble. Il a appelé la Californie sur une ligne prioritaire et, grâce à lui, Ruth a pu entrer en contact avec ses parents. Ils vont bien. Pour le moment, ils habitent chez des cousins du côté de Santa Cruz. À Los Angeles, c’est la dévastation.

La plupart d’entre nous étions terrifiés par les soulèvements qui avaient eu lieu chez nous et le moral volait bas. Le Dr Cobb s’est efforcé de nous réconforter en nous expliquant qu’Île Un était dorénavant notre patrie et qu’un avenir lumineux nous y attendait.

Au cours de la conversation privée que nous avons eue avec lui, il nous a conseillé, à Ruth et à moi, de commencer à nous documenter sur les astéroïdes. D’après lui, ce sont de véritables mines d’or qui n’attendent que nous au-delà de l’orbite de Mars. Et il n’y a pas seulement de l’or mais aussi des minerais et des métaux infiniment plus précieux et plus importants. Quand je lui ai répondu que j’étais un paysan, pas un mineur, il s’est mis à rire et m’a demandé si je ne pensais pas que les prospecteurs auraient besoin de nourriture quand ils seraient près de quatre fois plus loin du soleil que nous le sommes ici.

Journal intime de William Palmquist.

Evelyn franchit les doubles portes d’acier avec les autres et s’engagea en trombe sur le chemin dallé menant au débarcadère. Il commençait à bruiner et les nuages gris étaient de plus en plus épais mais personne ne paraissait s’en soucier. Déjà, elle entendait les pas de ceux qui étaient en tête sonner sur les marches de l’escalier de bois gravissant la pente escarpée de la berge. Elle s’arrêta en haut de la première. Le bateau était amarré au bout du quai et ses passagers se dirigeaient sans hâte vers le laboratoire.

La femme brune, petite et élancée, qui marchait à côté de Hamoud ne pouvait être que Shéhérazade. Hamoud ne la touchait pas mais il était évident qu’il la considérait comme son bien. Son attitude était absolument méconnaissable. Évanoui, le musulman mâle bourru, grincheux et dominateur ! Il ne cessait de dodeliner du menton tout en parlant avec un sourire enfantin, toutes dents dehors, en se baissant un peu pour être à la hauteur de sa compagne.

Mais où était David ? Un Noir colossal suivait Hamoud et Shéhérazade, si gigantesque que l’on aurait dit que le quai ployait sous son poids.

Et à côté de lui… Evelyn écarquilla les yeux. Ce ne pouvait pas être David. Mais pourtant si ! Il était maigre, barbu et son visage avait une teinte plus foncée qu’elle ne l’aurait jamais cru possible. Et ses cheveux étaient bruns, eux aussi.

Mais Evelyn reconnaissait sa démarche, sa façon de balancer les bras. Ce ne peut pas ne pas être lui. Quand il leva la tête dans sa direction, même à cette distance, elle sut que c’était bien lui. Mais comme il avait changé ! Il était hâve et ses yeux avaient perdu l’innocence qui, jadis, y brillait. Il ne parut pas reconnaître Evelyn bien qu’il la regardât en face.

Ce fut alors qu’elle remarqua les deux jeunes Noirs, l’arme au poing, marchant derrière lui. Elle se rappela que David était prisonnier.

David reconnut ses cheveux blonds. Evelyn ! Qu’est-ce qu’elle fait là ?

Son regard se posa brièvement sur la silhouette pachydermique de Leo qui venait d’atteindre le bas de l’escalier. Est-ce qu’elle est prisonnière, elle aussi ? Comment est-elle arrivée ici ?

Puis il vit Bahjat et son ami, son compatriote, son camarade de combat, son amant qui montaient les marches côte à côte. Il revint à Evelyn. Elle le contemplait fixement, vibrante d’impatience.

Si elle est captive, comment se fait-il qu’ils l’aient laissée assister à notre arrivée ? Il ne semble pas qu’elle soit sous bonne garde, personne, même, ne regarde dans sa direction. Se pourrait-il qu’elle soit avec eux ?

Il posa le pied sur la dernière marche.

— David !

— Evelyn.

— C’est bien vous.

Elle saisit la main qu’il lui tendait, fit un pas vers lui et glissa son bras autour de la taille de David. Bahjat et Hamoud qui étaient devant eux ne remarquèrent rien.

— Que vous est-il arrivé ? demanda Evelyn. Comment allez-vous ?

— J’allais vous poser la même question. Êtes-vous… de leur côté ?

— En un sens, oui. En fait, je cherchais à vous retrouver. Comment vous êtes-vous évadé d’Île Un ? Qu’avez-vous fait depuis tout ce temps ?

David se mit à rire.

— Croyez-moi ou ne me croyez pas mais je vous cherchais, moi aussi.